Homélie du dimanche 18 octobre 2020

19 Oct 2020

29e dimanche du temps ordinaire, Journée missionnaire mondiale

Is 45, 1.4-6; Ps : 95, 1.3, 4-5, 7-8, 9-10ac; 1 Th 1, 1-5b; Mt 22, 15-21

“Je suis le Seigneur, il n’en est pas d’autre”, voilà une affirmation qui aurait dû donner à réfléchir au grand roi Cyrus, roi des Perses qui tenait entre sa main l’avenir du peuple d’Israël, comme elle aurait dû donner à réfléchir à l’occupant romain du temps de Jésus et aux pharisiens qui demandaient hypocritement “est-il permis de payer l’impôt à César ?”.

C’est une tentation bien réelle et éternelle pour les pouvoirs politiques de vouloir se faire plus grands qu’ils ne sont, organisant la vie des hommes, leur présent et leur avenir au point parfois de vouloir régner sur les consciences.  C’est à chacun de nous, en toute liberté, en conscience, de savoir garder la ligne juste en rendant à César ce qui est à César et surtout en rendant à Dieu ce qui est de Dieu.

Rendre à César ce qui est à César

L’expression biblique est devenue populaire au point d’être un dicton connu de tous. Il est évident que les pharisiens, cherchant à confondre Jésus, lui tendent un piège. Mais au-delà du contexte particulier de la Palestine occupée par les romains dont l’empereur était un quasi dieu, la question des pharisiens vient nous rejoindre aujourd’hui au plus intime de nos consciences.

Les occasions de nous questionner sont aujourd’hui nombreuses dans notre société française dans laquelle les questions qui touchent à l’homme, sa vie, sa mort, sa nature, sa filiation, son identité sexuelle, ainsi qu’aux structures de la famille sont remises en cause. La procréation risque de devenir un marché, la vie et la mort sont presque décidées par le pouvoir politique obéissant au poids de groupes de pression financiers et idéologiques.

Il n’y a plus d’absolu, il n’y a pas de Dieu pour le pouvoir normatif, il n’y a même plus de droit naturel, il n’y a plus d’absolu. Seul compte le bon plaisir du citoyen consommateur, électeur, contribuable. Les hommes confient le pouvoir du divin à des assemblées d’élus (parlement), à des gouvernants qui ne font que passer et dont les idées changent d’un jour à l’autre au gré des majorités. Nous baignons dans le relativisme ! Ce qui doit mobiliser notre conscience, c’est bien entendu l’organisation de la société. Mais bien au-delà c’est aussi, pour nous croyants, la question de la place de Dieu dans notre vie personnelle comme dans celle du monde.

En cette journée mondiale des missions, il est bon de nous souvenir que, par notre baptême, nous avons été constitués en un peuple missionnaire, envoyé au-devant des hommes du monde entier, à commencer par nos voisins et nos familles, pour leur annoncer le Dieu unique qui s’est fait homme en Jésus-Christ, porter témoignage de son amour pour les hommes  par notre foi active, notre charité et notre espérance, selon les mots de la lettre aux  Thessaloniciens.

Rendre à César ce qui est à César, c’est honorer nos devoirs de citoyens dans la société civile, mais c’est aussi affirmer notre liberté de conscience, notre liberté d’être et d’agir en enfants de Dieu, en fils de l’Alliance éternelle scellée dans le sang du Christ, notre liberté d’annoncer cette bonne nouvelle sans cesse et sans nous laisser détourner de notre tâche : Dieu est Dieu et le reconnaître pour tel implique un agir en conscience conforme à notre foi.

Rendre à Dieu ce qui est à Dieu

Que voulait dire Jésus quand il demandait aux pharisiens de rendre à ” César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu” ? Il serait réducteur de penser qu’il cherchait juste à se tirer d’un mauvais pas qui risquait de hâter sa condamnation. Sa réponse aux pharisiens nous oblige à nous demander ce que signifie aujourd’hui être et agir en chrétien. Trop souvent nous pouvons nous laisser gagner par un sentiment d’impuissance.

La modernité ou ce qui en tient lieu gagne du terrain. Que pouvons-nous faire ? Certes des lois sont votées et nous en prenons acte, cependant nous ne pouvons renoncer au témoignage des disciples que nous sommes en vivant l’évangile au quotidien. C’est à cela que le pape François nous invite une nouvelle fois dans sa dernière encyclique sur la fraternité. Rendre à Dieu ce qui est Dieu c’est proposer une “vie au goût de l’Évangile” (FT §1). 

Nous sommes invités, rappelle le pape François, à faire rayonner un amour qui ignore les “barrières de la géographie et de l’espace” dans une « fraternité ouverte qui permet de reconnaître, de valoriser et d’aimer chaque personne indépendamment de la proximité physique, peu importe où elle est née ou habite ».  Nous perdons le sens de l’histoire, nous dit le pape et nous subissons ce qu’il appelle avec force une sorte de «déconstructionnisme»,  la pseudo liberté humaine prétend tout construire à partir de zéro. Elle ne laisse subsister que la nécessité de consommer sans limites et l’exacerbation de nombreuses formes d’individualisme dénuées de contenu.

Nous risquons de devenir des êtres “vides, déracinés, méfiants de tout” soumis à des volontés étrangères à l’Alliance éternelle entre Dieu et les hommes.  Ce sont, nous dit encore le pape, “les nouvelles formes de colonisation culturelle.” (FT §14). Le pape nous appelle à nous mobiliser pour mobiliser les consciences, en renonçant à nous «laisser arracher notre âme et à perdre notre identité spirituelle, notre consistance morale et notre  indépendance idéologique, économique et politique»(idem).

Alors mettons-nous en route. Discernons dans notre vie ce qui doit être rendu à Dieu afin que le goût de l’évangile demeure sur cette terre, afin que tous les hommes puissent en goûter la force, la vérité et la saveur éternelle, afin que les hommes cessent d’être manipulés par ceux qui, en voulant faire les anges, font la bête, afin que nos élus et nos gouvernants ne se prennent pas pour Dieu !

+ Georges Colomb

Evêque de La Rochelle et Saintes

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