3 Dimanche du Temps Ordinaire.
23 janvier 2022
Chers Frères et Soeurs,
Jésus le Christ, le Fils de Dieu inaugure sa prédication. Aujourd’hui, l’Église nous demande de tendre l’oreille, de tenir les yeux fixés sur le Message et l’Interprète des Écritures pour goûter les paroles pleines de grâce qui sortent de sa bouche. Aujourd’hui, l’Église nous demande d’écouter, de regarder, de toucher le Verbe de vie. Car elle s’est manifestée, «cette Vie éternelle qui était tournée vers le Père et qui nous est apparue» (1 Jn 1, 2). Avec Saint Luc, l’évangéliste, avec tous ceux qui furent, dès le début, «témoins oculaires et serviteurs de la Parole», écoutons le Verbe de vie en ce dimanche de la Parole, selon la décision du pape François (Lettre apostolique Aperuit Illis).
Le premier trait frappant de la prédication de Jésus, c’est qu’elle est absolument nouvelle. «L’Esprit… m’a consacré… pour porter la bonne nouvelle aux pauvres» (Lc 4, 18). Nous glissons souvent sur ces mots sans les comprendre. Ils signifient certes que l’Évangile est bon, d’une bonté sans faille mais aussi qu’il est d’une nouveauté parfaite. Le monde n’en pouvait plus de tourner en rond, enfermé dans le cercle vicieux du péché et de la mort. «Ce qui fut, cela sera, ce qui s’est fait se refera, et il n’y a rien de nouveau sous le soleil !» (Qo 1, 9). Depuis l’Incarnation, le gémissement de l’Ecclésiaste n’a plus de raison d’être, il n’y a plus de fatalité. Car il est venu, celui qui clame «les choses cachées depuis la fondation du monde» (Mt 13, 35). Il est venu, celui qui vient faire toutes choses nouvelles.
Cette nouveauté comprend deux aspects :
– l’enseignement de Jésus-Christ est vraiment nouveau parce qu’il est le Verbe fait homme. Les bergers et les mages l’attestent en s’agenouillant devant le nouveau-né de la crèche de Bethléem. Les Juifs ne pouvaient imaginer un messie aussi fragile et pauvre. Dans l’evangile de ce jour, ils écoutent les paroles sortant de la bouche de Jésus mais se scandaliseront bientôt à son sujet : «Celui-là n’est-il pas le fils d’un charpentier?… D’où lui vient donc tout cela?» (Mt 13, 55-56).
– le Nouveau Testament ne tire pas son nom du seul fait qu’il vient en second dans le temps. Il n’est pas seulement une deuxième Alliance ; il est le dernier, au sens absolu du terme, celui dans lequel se joue la fin dernière de chacun de nous : la vie éternelle ou l’éternelle damnation. Nous n’avons pas à attendre quelque livre de Mormon tombé tout cuit du Ciel ; nous n’avons pas à attendre une autre révélation, nous n’avons pas besoin de distraction ou d’évasion ésotérique. En Jésus-Christ nous avons tout reçu, c’est ce qui nous permet au cours de cette semaine de l’unité, de rencontrer nos frères chrétiens séparés, de prier avec et pour eux. Cette perspective de l’unité entre catholiques et entre chrétiens de fifferentes églises doit constamment habiter notre prière.
Outre sa nouveauté, un autre trait nous frappe, dans la «bonne nouvelle» prêchée par Jésus : elle apporte une lumière qui éclaire l’histoire tout entière : «La Parole de Dieu est «comme un flambeau… que l’on tient dans la main et qui porte la lumière partout autour de nous au fur et à mesure que nous avançons» (Paul Claudel). Ce flambeau éclaire l’histoire qui est avant Jésus-Christ comme l’histoire qui est après Jésus-Christ. Le Verbe incarné s’offre comme le brasier placé au centre de l’histoire des hommes : il illumine ce qui est derrière lui et ce qui est devant lui en révélant le dessein éternel de Dieu sur toute chose.
Jésus connaît la loi et les prophètes : il sait qu’ils témoignent de lui. Il les interprète. L’Ancien testament n’est pas pour lui un passé mort. Il contient même une sorte de schéma précis de la vie qu’il doit mener sur terre. La totalité de sa vie doit être l’accomplissement total de toute la loi et de tous les prophètes. C’est presque comme si son existence devait tracer une figure dessinée en pointillé, comme on fait dans les jeux pour enfants. Mais ces pointillés sont invisibles pour qui ne tient pas en main le flambeau de la Parole de Dieu.
La lumière qui jaillit du Verbe de vie éclaire aussi devant lui. Elle illumine le temps de l’Église dont parle Saint-Paul dans sa lettre aux Corinthiens en disant qu’elle est le corps du Christ. Cette Église, notre Église est catholique, elle est présente dans le monde entier. Elle continue d’envoyer des missionnaires. Dans l’esprit de la future bienheureuse Pauline Jaricot, les membres du corps du Christ manifestent leur solidarité par une entr’aide mutuelle.
Depuis la venue de notre Seigneur Jésus-Christ, nous sommes dans la plénitude des temps, dans la mesure où nous sommes configurés à lui, nous sommes les membres du corps. Il nous faut vivre de l’éternelle nouveauté du Christ révélée par l’Esprit. Il nous faut vivre aujourd’hui dans la présence continuelle du Christ à son Église. Cette présence que nous goûtons dans l’eucharistie et dans la parole particulièrement mise en valeur en ce dimanche. Au cours de cette semaine de l’unité, nous avons eu à cœur de rencontrer nos frères séparés, de prier avec et pour eux. Nous n’oublions pas, en ce dimanche de la Parole, nos frères juifs qui sont nos aînés dans la foi. Cette perspective de l’unité entre catholiques, entre chrétiens de fifferentes églises doit constamment habiter notre prière.
Le Christ n’est pas un autre Esdras. Aucune relecture des livres saints n’a jamais apporté la nouveauté et l’illumination parfaite que manifeste aujourd’hui la prédication du Seigneur dans la synagogue de Nazareth. Cette nouveauté est toute autre chose qu’un degré de plus dans une ascension ; elle est un feu qui illumine et embrase. Le secret de cette nouveauté, le secret de cette lumière résident dans le mystère de la personne de Notre Seigneur : il dit ce qu’il est ; il est ce qu’il dit : «Moi-même qui parlais de toute éternité, me voici», nous souffle aujourd’hui le Verbe. À maintes reprises et sous maintes formes, Dieu avait distribué aux hommes, feuillet par feuillet, un livre dans lequel une parole unique était cachée sous de nombreuses paroles. Aujourd’hui, toutes ces paroles sont réunies en une Parole unique à adorer, à écouter et à manger dans l’Eucharistie : cette Parole c’est Jésus-Christ, verbe incarné, notre sauveur et notre Dieu.