Homélie donnée par Mgr Colomb pour le 32ème Dimanche du Temps Ordinaire.

11 Nov 2018

Homélie donnée par Mgr Colomb pour le 32ème Dimanche du Temps Ordinaire 11 novembre 2018

 
Chers frères et Sœurs,
Deux femmes, deux veuves, deux pauvres femmes qui ont vécu à deux époques différentes la même épreuve : celle du dénuement extrême. En un mot, la misère. Elles ne possèdent rien, ou presque rien, pour l’une une poignée de farine et un peu d’huile, pour l’autre deux misérables piécettes. Elles n’ont rien et pourtant elles sont riches. Elles n’ont rien, pourtant toutes deux ont trouvé la clef du trésor, ce trésor après lequel tous nous courrons en cette vie, plus ou moins consciemment. Ce trésor, il a pour nom la vie qui ne se perd pas, la vie éternelle. Ce trésor, certes on en jouit pleinement dans l’autre patrie, au ciel, avec nos frères en sainteté, mais la clef du trésor, il nous revient de la trouver, ici et maintenant.
L’exemple de ces deux pauvres femmes nous fournit la carte pour trouver la clef du trésor. Une question angoissante peut nous venir spontanément à l’esprit. Ont-elles mérité la clef du royaume des cieux en raison de leur indigence ?  Dans  ce cas, il nous faudrait tous aspirer à des conditions de vie misérables pour espérer un jour entrer en possession du bonheur éternel. S’il en allait ainsi, nous serions probablement nombreux à quitter cette église le moral dans les chaussettes, à la manière du jeune homme riche, désespérant de pouvoir hériter un jour du trésor des cieux !
Oui, l’Écriture insiste bien sur la grande pauvreté matérielle de ces deux femmes. Leur misère n’est pourtant pas la garantie automatique, le sésame de la vie éternelle. Certes «il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu», mais l’aisance matérielle ne condamne pas automatiquement à trouver porte close au ciel. La pauvreté matérielle de ces deux veuves est un fait, elle n’a rien d’enviable, ni d’aimable. Ce n’est pas cette clef qu’il nous faut rechercher. Leur indigence a tout simplement, pour elle, le mérite de mettre davantage en valeur l’attitude spirituelle qui fait la richesse de ces deux femmes.
Regardons la veuve de l’évangile et son obole. Matériellement, son offrande, deux misérables piécettes, ne fait pas le poids face aux grosses sommes déposées par les gens riches. Quantitativement, elle ne signifie rien.
Qualitativement, eu égard à la pauvreté de la veuve, la misérable offrande prend une toute autre valeur. La veuve a peu donné. Les gens riches ont beaucoup donné. La veuve, cependant, «a tout donné». Elle a donc donné plus que les riches. Qu’a-t-elle donné ? «Tout ce qu’elle avait pour vivre». Comme la veuve de Sarepta, à vue humaine, la veuve du temple a signé son arrêt de mort. Après cette offrande, que va-t-il lui rester pour vivre ? Rien. Enfin, pas tout à fait, il lui reste l’essentiel, son tout, sa vraie richesse : sa confiance en Dieu, providence pour l’homme car il est Dieu des vivants. La clef du bonheur pour aujourd’hui et pour demain, c’est la confiance en Dieu, fruit de la prière, fruit de l’oraison, fruit du dialogue intime avec le Seigneur, fruit de l’eucharistie.
Accepter de tout donner dans la confiance, voilà la clef. Et «tout donner dans la confiance», ce n’est ni plus ni moins que remettre son existence même entre les mains de Dieu. C’est renoncer à vivre par soi-même en puisant uniquement dans ses propres ressources. C’est accepter de mourir à la prétention qu’il serait possible de vivre sans Dieu, en dehors de l’obéissance de la foi. Car vivre ainsi, ce n’est pas vivre, c’est survivre.
L’acceptation dans la confiance d’une mort à soi-même est la clef de la vie, c’est le passage confiant par la croix, et la mort de la croix. «Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix et me suive. Qui veut en effet sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. Que sert donc à l’homme de gagner le monde entier, s’il ruine sa propre vie ?».
En contemplant la confiance de la veuve qui se remet totalement entre les mains de Dieu, demandons-nous en vérité : En qui ai-je mis ma confiance ? En moi, en mes propres richesses, en mes talents ou en Dieu seul ? L’évangile nous laisse sur cette interrogation, question de vie et de mort. Question à laquelle il nous faudra tous répondre ultimement pour espérer un jour entrer dans le temple qui n’est pas fait de main d’homme. La confiance en Dieu ne signifie pas pour l’homme la perte de toute autonomie ! Il demeure responsable, il doit prendre des initiatives. Il doit coopérer à la construction du royaume.
La pauvre veuve qui donne reçoit au centuple : l’amour de Dieu, le compagnonnage spirituel. Dans notre société très médiatisée dans laquelle tant de personnes vivent une solitude terrible, il nous appartient de dire à nos frères : “Venez écouter la Parole de Dieu, venez partager le pain eucharistique, vous recevrez beaucoup plus que ce que vous donnerez. Le bonheur ne s’évalue pas à partir de plaisirs immédiats mais passagers, le bonheur de l’homme, c’est l’amour de Dieu pour toujours !”. La conversion de Saint-François d’Assise qui quitta sa riche famille pour épouser Dame pauvreté et vivre de la joie de l’évangile est la clef du chemin du bonheur
En ce dimanche, le peuple de France commémore l’armistice du 11 novembre 1918. Devant le monument aux morts, nous penserons à ceux qui tout donné. Ils ont donné leur vie pour que nous puissions vivre dans un pays libre et indépendant, nous penserons à ces jeunes vies données (1,500 000 soldats Français morts pour la patrie – 3,500 000 blessés), nous penserons aux officiers, au général de Castelnau, aux maréchaux de France, qui ont conduit nos armées à la victoire, aux femmes de France qui ont fait vivre les familles pendant que leurs maris étaient au front. Le Maréchal Foch dans son ordre du jour du 11 novembre 1918 écrivait aux soldats : “Vous avez paré nos drapeaux d’une gloire immortelle, la postérité vous garde sa reconnaissance”. Il avait raison car un siècle plus tard, nous nous souvenons. Cette guerre fut en fait un gâchis, elle sonna le glas de la puissance de l’Europe, elle fut une guerre civile entre pays qui avaient reçu l’évangile. Elle fit le lit des idéologies païennes et perverses qui ont ensanglanté et martyrisé l’Europe au XXème siècle. Le Pape Benoît XV, un pape allemand, tenta de rapprocher les gouvernements français et allemands, il ne réussit pas ! La deuxième guerre mondiale n’est finalement qu’un prolongement de la première. 19 millions de mort pendant la première guerre mondiale, 60 millions de mort pendant la deuxième guerre mondiale. Depuis 1945, grâce aux efforts déployés par des hommes d’états catholiques, de Gasperi en Italie, Adenauer, en Allemagne, Robert Schumann en France, et d’autres, l’Europe a assuré la paix et la prospérité aux peuples qui habitent ce continent. Aujourd’hui, alors qu’aux marges de l’Union européenne, des germes de guerre apparaissent, alors que des peuples vivent dans l’obscurantisme et le fanatisme de régimes théocratiques, il est urgent de se rappeler  que les 70 ans de paix assurée aux grands pays belligérants des deux guerres mondiales sont dus au traité de Rome en 1957 et à la construction européenne qui a suivi. Pensons à cela, nous tous, car l’année prochaine, nous serons invités à exercer notre responsabilité de citoyen pour l’avenir de l’Europe. De nombreux peuples nous envient car ils ne jouissent pas des droits et libertés publiques qui sont les nôtres, ne l’oublions pas ! L’Union européenne a besoin de réformes pour continuer sa mission de paix et de prospérité pour les Européens et pour le monde.
Au cours de cette eucharistie, nous nous tournons vers toi Seigneur : Apprends-nous à donner le meilleur de nous-mêmes. Que toute notre vie soit vraiment remplie de ton amour pour toi et pour tous nos frères. Que nos vies soient données. Que l’exemple de nos aînés nous inspire ! Ainsi soit – il !
+ Georges Colomb
Évêque de La Rochelle et Saitnes
 

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