Une guérison physique, spirituelle et sociale
La déclaration d’impureté qui frappait les lépreux signifiait pour le malheureux une mise à l’écart, une mort sociale et religieuse. Comme le rappelle le livre du Lévitique : “Le lépreux atteint d’une tache portera des vêtements déchirés et les cheveux en désordre, il se couvrira le haut du visage jusqu’aux lèvres, et il criera : “Impur ! Impur !”.
Ce qui était en jeu, c’était bien entendu, la protection de la communauté face à une maladie contagieuse pour laquelle il n’existait aucun remède. Aujourd’hui encore, en cas d’épidémie, des mesures de quarantaine éloignent les malades. Souvenons-nous de la dernière épidémie de fièvre Ebola qui frappa l’Afrique de l’ouest en 2014 ou de la crainte qu’inspira le virus H1N1 en France. Le personnel soignant était équipé de combinaisons protectrices et quand une personne était atteinte, ou suspectée de l’être, elle était mise en quarantaine pour éviter la contagion.
Mais ici, au-delà de la prophylaxie, la mise à l’écart du malade permettait d’éviter au peuple de contracter une impureté rituelle. En effet, toucher ou même approcher un lépreux, rendait inapte à participer à la vie et à la prière. C’est la raison pour laquelle il incombait au prêtre de constater la maladie et d’attester de la guérison.
Jésus, en s’approchant des malades, en les touchant et en se laissant toucher par eux, manifestera tout à la fois la compassion de Dieu pour les souffrances physiques des hommes et son désir infini de leur donner la guérison spirituelle. Notre mission assumée à titre personnel ou dans le cadre de l’aumônerie des hôpitaux, des personnes handicapés se situe dans le sillage de celle de notre Seigneur. Il s’agit bien sûr de laisser les médecins et professionnels de la santé assumer leur service, mais notre mission d’accompagnement, de réconfort, permet des guérisons insoupçonnées, redonne aux personnes isolées par l’épreuve de la maladie, leur dignité et leur place dans la société. Ceux d’entre vous qui participent au pèlerinage diocésain à Lourdes peuvent rencontrer nos frères malades ou handicapés auxquels l’Eglise donne la parole, une place dans la communauté. Et puisque le missionnaire doit d’abord être un disciple, avant de prétendre apporter guérison et réconfort à nos frères, n’ayons pas peur de demander au Seigneur les guérisons dont nous avons besoin et prenons les moyens pour cela !
La maladie dont nous sommes tous atteints c’est le péché. Seul Dieu peut nous guérir. Il pardonne à l’homme qui sait reconnaître sa faute, nous l’avons chanté avec le psaume de ce jour : “Je t’ai fait connaître ma faute, je n’ai pas caché mes torts. J’ai dit : Je rendrai grâce au Seigneur en confessant mes péchés'”.
Quand le Seigneur remet nos péchés, quand il enlève notre faute, il nous fait entrer dans un chemin de guérison. Il fait de nous des hommes droits, capables de se reconnaître sauvés et de chanter sa louange. Il nous rend notre dignité, il nous permet d’avancer et de prendre notre place dans le monde.
Etre proche de chacun quelles que soient sa religion, son opinion !
C’est dans les choses ordinaires de notre vie, par la disposition de notre cœur et par les intentions qui nous habitent, que nous agissons pour la gloire de Dieu. “Manger, boire, ou toute autre action, faites-le pour la gloire de Dieu”, nous exhorte Paul. Aux yeux de Dieu qui a pris notre condition d’homme en toutes choses, excepté le péché, la vie de l’homme dans toutes ses dimensions parle de Dieu, de sa présence de son amour. Nous lisons bien sûr dans cette lettre de Paul aux Corinthiens, une invitation au témoignage. Le missionnaire n’est pas seulement le prédicateur du dimanche. Le Pape Paul VI nous l’a rappelé en nous disant que nos contemporains croyaient davantage les témoins que les professeurs et que lorsque ces derniers sont écoutés, c’est parce que ils sont aussi des témoins. L’Eglise en sortie dont nous parle le Pape François, c’est celle qui dialogue avec le monde, comme Jésus est sorti car il a été envoyé par le Père. La mission est dialogue, la mission est communication de Dieu. Ne l’oublions pas ! Ne tombons pas dans le piège d’une laïcité mal comprise et mal vécue. La laïcité est un fruit du christianisme, elle a vu le jour dans les pays marqués par l’héritage chrétien (Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu). Elle permet le respect de chacun, mais elle ne chasse pas l’Eglise hors du monde, hors de la société civile. Le chrétien est dans notre pays un citoyen français à part entière. La société civile a droit à sa participation à la vie publique dans le respect des lois. La société civile a droit à l’éclairage de l’Eglise pour la recherche du bien commun dans un pays, la France, sur un continent, l’Europe dont les racines sont chrétiennes, dont de nombreuses institutions éducatives, sanitaires et sociales sont à l’origine des oeuvres d’Eglise. L’Eglise est en dialogue avec le monde, elle est le levain dans la pâte.
Elle rappelle que l’homme, mesure de toute chose, a été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. C’est pourquoi dans les débats sur la bioéthique qui occupent la société civile en ce moment, elle rappelle le principe des droits de l’enfant, la défense de son intérêt. Elle est aussi vigilante pour la défense de la dignité des personnes âgées. Elle met en garde contre les risques d’une conception matérialiste de la société, contre l’individualisme qui oublie trop souvent que derrière le contribuable, le consommateur, le citoyen, il y a une personne humaine. Elle n’oublie pas que dans un passé qui n’est pas si lointain, des expériences d’eugénisme ont été conduites. Elle sait jusqu’où les idéologies païennes peuvent conduire lorsqu’elles donnent toute liberté aux apprentis sorciers pour faire des expériences sur les hommes…
Saint-Paul nous rappelle que, en toute circonstance, il s’adaptait, car il ne cherchait pas son intérêt personnel, mais celui de la multitude des hommes, pour qu’ils soient sauvés. Chers frères et soeurs, voilà l’enjeu pour chacun d’entre nous, pour tous ceux qui nous entourent : rencontrer le Christ en vérité pour être sauvé ! Alors nous pourrons avancer dans la vie, le coeur en paix, la conscience tranquille parce que nous aurons mis notre espérance en Dieu. Alors au soir de notre vie, à la suite du vieillard Syméon, nous partirons pour la Maison, le cœur en paix. La vie est une belle aventure, elle n’a de sens que si nous la vivons ensemble. Pour atteindre ce but, nous avons l’exemple de Paul : “Imitez-moi” dit-il. Son unique modèle à lui, c’est le Christ ! Suivons le !
Pardonnés pour porter l’espérance à nos frères qui n’osent pas demander le pardon de Dieu
Nous l’avons écouté dans la première lecture : quand le lépreux se jette aux pieds de Jésus, il n’implore pas sa guérison. Il ne dit pas “Seigneur guéris moi “, il dit ” Si tu le veux, tu peux me purifier”.
Sous la loi de l’Ancien Testament, les lépreux étaient tenus à l’écart pour éviter la contagion mais aussi parce que la maladie les rendait inaptes à participer aux rites et à la prière du peuple de Dieu. Ce que demande le lépreux à Jésus, c’est donc bien plus qu’une guérison du corps. C’est une purification, c’est-à-dire la remise de sa vie sous le regard de Dieu, sa réinscription dans la communauté des croyants. Aucune maladie ne peut rendre impur. L’Eglise lutte contre les idéologies ou les traditions, les coutumes qui séparent les hommes en les classant selon leur origine. Elle le fait contre le système des castes en Inde. Il n’y a pas d’intouchable dans la famille de Dieu. Ce qui rend l’homme impur, ce n’est pas la maladie, ce n’est pas la couleur de sa peau ou son état civil, c’est le péché, fruit de ses passions non maîtrisées, mais le pardon de Dieu libère l’Homme et en fait un homme debout. Ce qui rend l’homme impur, c’est le trafic des êtres humains contre lequel l’Eglise lutte (Groupe Santa Marta à Rome, Ste Joséphine Bakhita…). Il n’existe pas d’hommes à accueillir et d’hommes à éviter, d’hommes proches et d’hommes lointains, d’hommes avec des droits et d’hommes sans droits. Tous sont aimés de Dieu.
En touchant le lépreux, geste impensable pour un lévite, Jésus manifeste la volonté de Dieu de rassembler tous ses enfants, même les malades, même les pécheurs, même ceux qui jusque-là étaient regardés comme impurs. Il rappelle que la maladie ne doit pas ôter à l’homme sa place dans la société. Aucune de nos impuretés, aucun de nos péchés, n’est plus grand que l’amour de Dieu et ne peut nous tenir à distance de sa miséricorde. Dieu veut nous purifier : “Je le veux, sois purifié”, répond Jésus, “saisi de compassion” au lépreux.
Le lépreux, c’est chacun d’entre nous. Si nous scrutons notre cœur, si nous prenons le temps de descendre au plus profond de nous-mêmes, nous reconnaîtrons tout ce qui nous sépare de l’amour de Dieu et de la charité pour nos frères. Dans quelques jours, mercredi prochain, nous entrerons dans le temps du Carême. Voici le temps favorable pour nous mettre en route, à l’image du lépreux, qui trouva la force d’aller vers Jésus implorer sa guérison.
Allons vers les prêtres. Demandons-leur le pardon de Dieu et faisons de ce pardon un signe pour notre monde. Une fois pardonnés, nous irons vers nos frères comme des témoins crédibles de l’amour de Dieu, du pardon, de l’espérance offerts à tous les hommes. Soyons, chers frères et sœurs, des semeurs de paix, des porteurs d’espérance !
+ Georges Colomb