Homélie du 33 ème dimanche du TO : célébration de la confirmation à la cathédrale de La Rochelle, 18 novembre 2018
Daniel 12,1-3 Psaume 15 Hébreux 10, 11-14. 18 Saint-Marc 13,24-32
Chers Frères et Chères Sœurs,
Chers Confirmands
Bonne nouvelle ! Message d’espérance en ce jour de votre confirmation !
« Beaucoup de gens qui dormaient dans la poussière de la terre s’éveilleront». Cette parole du prophète Daniel s’étend à tous : «Les saints seront comme la lumière du firmament et les justes resplendiront comme des étoiles pour les siècles des siècles» (Dn 12, 3) .Quelle merveilleuse promesse en ce jour de votre confirmation chers jeunes ! Ce monde finira (Mc 13, 24-32). Il finira bientôt. C’est là une bonne nouvelle, car il faut bien le reconnaître, les choses ne vont pas bien. Oui, Bonne nouvelle ! Ce monde dans lequel des millions d’enfants ne sont ni acceptés, ni accueillis, ce monde finira. Ce monde où des millions de familles n’ont pas les ressources suffisantes pour vivre dignement, ce monde finira. Ce monde où la guerre multiplie ses ravages et condamne à l’exil des millions de pauvres (Syrie, Irak..), ce monde finira. Il ne s’agit pas seulement de la violence économique ou politique, il s’agit de la détresse qui tue l’espérance et le goût de vivre.
Dans le monde, l’esprit du mal est à l’œuvre et pervertit tout. Le Pape François nous invite à prier par l’intercession de l’archange Saint-Michel pour que cet esprit soit vaincu. L’image de l’effondrement du ciel sur la terre (Mc 13, 24-25), selon une antique vision du monde, nous le dit clairement : ce monde finira ! L’évangile de Saint-Marc que nous venons de lire utilise le style apocalyptique. A quelques jours de sa dernière Pâque à Jérusalem, Jésus utilise ce langage, ces images. Le combat entre les forces du mal et le Christ est à son paroxysme, mais le message du Seigneur est rempli d’espérance : le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas.
Cher Confirmands, cette bonne nouvelle n’est pas une invitation à renoncer à vivre ou à laisser faire passivement, car personne ne sait ni le jour, ni l’heure. Pas même Jésus (Mc 13, 32) ! Nous sommes invités à vivre le présent qui seul nous est donné de manière assurée. Car l’annonce de la fin du monde n’a pas pour but de nous inviter à ne rien faire, ni à attendre que tout arrive tout seul. Il importe de veiller et d’agir pour que cesse le malheur de notre temps. La question qui nous est posée est comment vivre le présent ? Le monde condamné, c’est le monde sans amour, sans Dieu ! Votre monde, c’est celui de l’esprit du Seigneur, le monde de la vie pleine, entière, belle ! Jésus nous donne en une image : celle du bourgeonnement du figuier (Mc 13, 28-29). Le Seigneur prend l’image du bourgeon comme signe du renouveau promis, du rassemblement des élus : quoi de plus fragile qu’un bourgeon ? Toutefois la vie se développe, le bourgeon donne des fruits et permet à l’arbre de grandir. Il est tendre et fort en même temps, il sera la branche de la saison suivante. Il en est de même pour l’enfant qui vient de naître, il est petit, mais plein de promesses, il donne du sens à ce qui a été accompli par les générations antérieures, il représente l’avenir, nous projette dans le futur, comme l’évangile nous prépare à vivre aujourd’hui pour préparer demain.
La figure du bourgeon dit la force qui est bonne, la tendresse qui perce l’écorce du vieil arbre et lui permet de produire des fleurs, des fruits. La force du bourgeon fait mentir les apparences. La branche morte sous le froid hivernal porte du fruit ! La figure du bourgeon prend un sens encore plus important pour ceux dont la foi repose sur les écritures, car ce terme est le nom que les prophètes donnent au Messie. Il est le germe, le bourgeon ou le surgeon. Il est ce qui s’élève de l’immense arbre de la vie et de la sagesse, comme le plus beau, parce que le plus neuf. Il est le plus fragile, mais en lui viennent au jour les forces de la vie. En lui paraissent les forces de la vérité et celles de l’amour.
Ceux qui ont lu les évangiles savent que le titre sur la croix n’est pas Jésus de Nazareth – comme on l’a trop souvent dit – mais Jésus le Nazôréen (Jn 19, 19) ; ce dernier mot s’interprète à partir de la racine qui signifie le germe, le surgeon, le rameau. Sur l’arbre de la croix, voici le fruit d’un amour infini qui détruit le mal car il est l’amour de Dieu sauveur.
Le bourgeon ne dit pas seulement la nouveauté, la tendresse, la force. Le bourgeon est mouvement, tout entier tendu vers la production du fruit. Il se développe et ne reste pas figé aux premiers moments de son apparition. Il grandit et se déchire pour donner le fruit. Le bourgeonnement de l’arbre est une image de l’amour, image de la croissance de la vie. L’amour comme le bourgeon est une déchirure. Le bourgeon est tout entier tendu vers le fruit pour porter une vie plus abondante. Il dit le mouvement de la vie de Jésus et le mouvement de notre vie. C’est ainsi que le monde déchu commence de finir : par la lente éclosion d’un fruit, le bourgeonnement présent des cœurs qui aiment. Les bourgeons de l’évangile, c’est vous, chers amis, le printemps de l’Eglise, c’est vous dans ce monde sécularisé. Vous êtes peu nombreux, mais vous êtes forts. Votre force n’est pas celle de la brute, elle est celle de l’éclosion…
Oui, Cher confirmands, il est heureux que nous soyons ici rassemblés, que vous ayez conscience de votre responsabilité de Baptisé, de confirmé : faire reculer le mal dans notre monde par l’annonce de l’évangile, par votre témoignage. Aujourd’hui vous recevez le don de l’esprit ! Nos forces sont sans doute bien faibles, mais nous avons la chance de mettre nos forces au service de la paix et de la justice. Aujourd’hui vous recevez la force de l’Esprit ! Qu’il descende sur vous et vous enveloppe de son amour. Chers Confirmands, soyez toujours les porteurs de l’Esprit pour l’apporter au monde !
Les dons ont été «répandus dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné» (Romains 5, 5). S’ils nous ont été donnés en totalité et sans retour, en revanche, nous avons à travailler pour les faire croître en nous. C’est un peu comme l’arbre dont nous devons prendre soin en le taillant, en enrichissant la terre pour qu’il donne du fruit.
Ainsi devrez-vous, vous aussi, prendre soin de ces dons qui vont être semés en vous. C’est par votre effort et votre persévérance qu’ils produiront leurs fruits. Il est d’ailleurs significatif que la tradition de l’Église ait retenu une liste de douze fruits de l’Esprit, nombre symbolique.
Les douze fruits représentent la fécondité de la vie de l’Esprit : «Charité, joie, paix, patience, longanimité, bonté, bénignité, mansuétude, fidélité, modestie, continence, chasteté.» Cette liste, inspirée de la lettre de Paul aux Galates (5, 22-23), nous dit surtout que nos efforts pour traduire en vie les dons reçus ne resteront pas vains.
Comment l’esprit saint agit-il ?
Fondamentalement, il anime en nous la foi, la charité et l’espérance. Le premier rôle de l’esprit, c’est de nous conforter dans la foi, une foi vivante. Il nous libère du doute et de l’hésitation. Il nous donne d’être convaincu que Dieu agit dans notre vie et dans le monde.
L’amour ou la charité est, selon Paul dans l’épître aux Galates, le fruit fondamental de l’Esprit. C’est pourquoi Paul parle de fruit au singulier, avant d’énumérer la manière dont cet amour se décline : “joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi” (Galates 5,22-23).
Et puis il y a l’espérance, particulièrement précieuse aujourd’hui, me semble-t-il. L’esprit grave dans notre coeur la certitude que Dieu accomplit son projet de salut pour l’humanité. Il nous permet alors de rebondir, par-delà nos échecs et nos difficultés.
L’esprit nous guide, il est notre éducateur. Il affine en nous le « sentir spirituel ». Il nous rend plus sensible à ce qui abîme notre relation avec Dieu : nos négligences, nos laisser-aller…
Ensuite, l’Esprit nous apprend la louange. Il nous donne le goût de louer Dieu, en communauté, ou dans notre prière personnelle. Pourquoi ? Parce qu’il nous met en présence de Dieu qui est fidèle à sa propre générosité de manière surabondante. Notre réponse, c’est la louange !
Et puis l’Esprit éclaire nos choix, nos décisions. Dans quelques années, vous devrez faire des choix pour l’orientation de vos études, celle de votre vie : mariage, réponse à l’appel du Seigneur pour devenir prêtre, religieuse, moine, moniale, missionnaire ? Il vous appartiendra de discerner l’appel du Seigneur pour chacun d’entre vous !
Chers amis, bonne route dans la vie de l’esprit à la suite et avec le Seigneur Jésus !
+ Georges Colomb
Évêque de La Rochelle et Saintes