Homélie donnée par Mgr Colomb à Notre Dame de Rochefort  – 1er dimanche de l'Avent

3 Déc 2018

Homélie donnée par Mgr Colomb à Notre Dame de Rochefort  – 1er dimanche de l’Avent – institution au lectorat de deux séminaristes du diocèse de La Rochelle Eric de Joseph-Marie.

 
Chaque année, le cycle liturgique esquisse pour nous un chemin de sainteté. Aujourd’hui, en entrant dans le temps de l’Avent, nous ne pouvons que nous émerveiller devant le paradoxe que contiennent les mystères de la foi, historiques, datés et pourtant infiniment symboliques. S’ils ont en effet pour mission de replacer au cœur de nos vies les actes et les paroles de notre Seigneur Jésus, ils reçoivent, à mesure que grandit l’Eglise, une actualité toujours adaptée aux exigences de la mission. « La parole de Dieu, écrit saint Grégoire le Grand, s’accroît avec celui qui lit » ; oui, vraiment, la parole de Dieu est une source intarissable d’instruction, de purification et de réconfort. Il est bon et il est agréable de le rappeler comme je l’ai fait hier au Centre Souzy (20ème anniversaire), où l’intelligence de l’écriture est à l’honneur. Ce lieu qui est une bibliothèque, le lieu de la communication avec RCF, la communication de la Foi, le lieu de rencontre avec le monde universitaire et notamment les étudiants, le lieu de l’approfondissement de la foi avec le C.E.T. qui est encore petit et jeune, une année, mais un enfant qui nourrit les foules. Il est bon de le rappeler aujourd’hui, jour de l’institution au lectorat d’Eric et de Joseph. Cette étape sur le chemin vers le sacerdoce est l’aboutissement de plusieurs années de discernement et de formation. Le Seigneur rejoint chacun d’une manière originale et ne cesse de nous surprendre. Rendons grâce à Dieu pour le don de nos deux jeunes amis qui ont le courage de répondre à son appel.

  1. LE LECTEUR, PROPHÈTE POUR NOTRE TEMPS. L’Eglise se réjouit aujourd’hui d’un événement qui souligne toute l’importance de cette parole méditée, annoncée dans nos églises et autres lieux : l’institution au lectorat de deux d’entre nos frères. Le lecteur a pour triple mission de conserver, d’expliquer et de défendre la parole de Dieu. Catéchiste et apologète, il est constitué gardien, héraut et interprète d’un enseignement qui le dépasse infiniment : non une doctrine datée et figée, mais une personne humaine et divine qui, à chaque instant, demande à revivre dans l’esprit du lecteur et de ses auditeurs. Jésus est le message et le messager ; il est le verbe, celui par qui et en qui le père éternel à tout dit. « Le Père éternel, écrit saint Jean de la Croix, a dit une seule parole : c’est Son Fils. Il l’a dit éternellement dans un éternel silence. C’est dans le silence de l’âme qu’elle se fait entendre[1] ». Le lectorat est une invitation à orienter d’une manière radicale et décisive nos paroles et nos gestes en vue du royaume. Que vos discours et vos exemples portent toujours le sceau de l’amour de Dieu ! Que la loi, que les oracles, que les préceptes contenus dans les Saintes Ecritures soient pour vous une règle de vie et un sujet de méditation quotidienne ! Apprenez, dans le silence de l’oraison, à consulter ce livre de vie, qui, à la lumière des pères et des docteurs de l’Eglise, vous dévoilera jour après jour la sainteté inépuisable de Jésus-Christ. Le lecteur n’a pas pour mission d’enfouir jalousement en son cœur ce trésor caché dans le champ de l’Eglise et dont il tire des merveilles anciennes et nouvelles ; il doit en proclamer avec ferveur et réalisme l’efficacité salvatrice, gardant à tout instant gravé dans son cœur, inscrit sur ses lèvres, le nom béni de Jésus. « Le Nom de l’Epoux est une lumière, une nourriture, un remède, écrit saint Bernard. Il éclaire, quand on le publie ; il nourrit, quand on y pense ; et quand on l’invoque dedans la tribulation, il procure l’adoucissement et l’onction. Qu’est-il au monde qui nourrisse autant l’esprit de celui qui pense à lui ? Toute nourriture de l’âme est sèche, si elle n’est détrempée de cette huile ; elle est insipide, si elle n’est assaisonnée de ce sel. Jésus est un miel à la bouche, une mélodie à l’oreille, une jubilation au cœur[1]». Ce lieu est le sanctuaire de la parole partagée, nos communautés chrétiennes, comme le centre Souzy, doivent être à leur mesure, un forum de dialogue avec la culture contemporaine. Ayons en tête cette méditation de Saint-Bernard lorsque nous sommes visités par des amis parfois loin de l’Eglise. Qu’ils puissent, en ouvrant leurs yeux, leur esprit et leur cœur, découvrir la présence du Seigneur en eux, dans l’Eglise. Que tout lecteur, non seulement les lecteurs institués, soir un prophète de notre temps.
  2. MYSTIQUE DE L’AVENT. Aujourd’hui, l’Eglise entre dans le temps béni de l’avent – ou de l’avènement –, qui est une période de préparation confiante et joyeuse à la Nativité du Fils de Dieu. Elle s’apprête à écouter et à méditer les oracles annonçant dans une joyeuse impatience l’heure du salut. Les quatre semaines qui nous séparent de Noël représentent les quatre millénaires au cours desquels les patriarches et les prophètes de la loi ancienne promirent la venue du Messie. L’avent est un temps de conversion et c’est pour ce motif que la liturgie s’habille aujourd’hui d’une couleur pénitentielle, le violet ; mais il est également un temps de grâce et de marche tranquille vers le salut qui se manifestera au jour de Noël, dans le silence et la pauvreté de la crèche. Ainsi, dans la seconde lecture, saint Paul invite-t-il chacun d’entre nous à hâter, par des résolutions concrètes, la venue du Christ en nos cœurs : « Que le Seigneur vous donne, entre vous et à l’égard de tous les hommes, un amour de plus en plus intense et débordant, comme celui que nous avons pour vous. Ainsi, qu’il affermisse vos cœurs, les rendant irréprochables en sainteté devant Dieu notre Père, lors de la venue de Notre Seigneur Jésus-Christ avec tous les saints ». A l’invitation de Saint-Paul, que notre conduite devant Dieu soit éclairante et lumineuse pour ceux qui nous rendent visite, ceux qui entrent dans nos églises.
  3.   TROIS AVÈNEMENTS, UN SEUL SALUT. L’évangile que l’Eglise nous offre à méditer pour le premier dimanche de l’avent est extrait du discours de notre Seigneur sur la fin des temps. La tradition mystique distingue ordinairement trois avènements de Jésus-Christ dans le monde : l’avènement, humble et caché, de l’Incarnation qui commence à l’annonciation, se révèle dans la Nativité et culmine sur le Golgotha ; l’avènement eschatologique, ultime et solennel, du Fils de l’homme, qui, à la fin des temps, reviendra dans la gloire pour juger le monde ; le troisième avènement s’accomplit dans le silence de l’âme ; la présence discrète et agissante du Dieu d’amour dans notre quotidien exige une réponse. L’avent nous rappelle que cette réponse ne doit pas être seulement une anticipation de la justice divine, solennellement proclamée au dernier jour, mais un prolongement de la miséricorde, apparue à nos côtés sous les traits d’un enfant. Dans la douceur de la crèche comme dans les fracas de l’Apocalypse, c’est le même Dieu qui se communique, tel un mendiant d’amour, pour nous inciter à la conversion et obtenir de lui des gages de sa fidélité. Désireux de nous soutenir dans nos efforts, il nous offre de renaître à la vie de la grâce par le sacrement de la confession et, réconciliés, de le recevoir, Dieu vivant et vrai, sous les apparences de la manne eucharistique.

Au cours de ce nouveau cycle liturgique, acceptons avec action de grâces de nous mettre à l’école de Jésus-Hostie, comme des enfants nouveau-nés puisque c’est dans l’humilité, le dénuement, l’anéantissement de la crèche que se manifeste le Sauveur du monde. Ne laissons pas courir le temps en vain, car le temps est un don de Dieu qui nous rapproche inexorablement de l’heure du jugement. Bien au contraire, préparons la rencontre avec l’enfant de la crèche en renouvelant les dispositions de notre cœur. En ce premier dimanche de l’avent, portons dans nos prières la marche vers le sacerdoce de nos séminaristes, plus particulièrement ceux qui sont aujourd’hui institués lecteurs. Demandons à la sainte Vierge Marie qu’elle leur procure le soutien, le conseil, la force et l’intelligence qui leur seront nécessaires pour demeurer fidèles aux enseignements et aux exemples de Jésus-Christ, que ce soutien soit aussi assuré aux frères et sœurs qui iront vous rencontrer pour apaiser leur soif spirituelle, quelle que soit la porte d’entrée empruntée, car elles sont nombreuses les portes qui conduisent au Seigneur, mais rappelons-nous qu’elles sont étroites. Que Notre-Dame vous aide et nous aide tous à préparer en nos cœurs, une demeure digne du roi des cieux, afin qu’il y descende dans la nuit de Noël avec l’abondance de ses grâces et de ses bénédictions.
 
[1] Saint Jean de la Croix, Maximes, 147.
[2] Saint Bernard de Clairvaux, Sermon sur le Cantique, XV.

+ Georges Colomb

Évêque de La Rochelle et Saintes

 
 
 
 
 

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