Comme elles sont proches de nous ces femmes qui vont au tombeau ! Comme nous les comprenons ! Elles ont cru en Jésus, elles l’ont suivi, elles ont espéré, et leur espérance s’est fracassée au pied de la croix. Cependant, on devine chez elles deux choses. La première c’est la fidélité à la foi de leurs pères qui les fait passer au-delà de la peur pour aller embaumer le corps supplicié de Jésus.
Le Dieu des Juifs, c’est le Dieu des vivants et il ne commerce pas avec la mort. La seconde chose que l’on devine chez ces femmes, c’est l’espérance sourde, cette espérance têtue, que tout dans la réalité des faits semble démentir et qui pourtant n’abandonne jamais le cœur du croyant. Leurs cœurs sont travaillés par ce qu’elles savent de la révélation du Dieu de vie qui a créé le monde et tout ce qu’il contient, comme nous le rappelle la Parole de Dieu méditée pendant cette vigile. Dieu a fait sortir les Hébreux de l’esclavage et les a guidés au travers des périls du désert. Il les a nourris, sauvés de la morsure des serpents, et finalement, il les a fait entrer dans la terre promise.
Ces femmes qui ont suivi Jésus sur les routes, qui l’ont écouté, qui ont partagé les repas avec lui, savent que Dieu n’abandonne jamais les hommes. C’est cette espérance qui faisait déjà dire au psalmiste et nous l’avons chantée : “Tu m’as fait remonter du séjour des morts, tu m’as fait revivre loin de ceux qui descendent dans le gouffre” (Ps 30, 4). Oui, elles savent de façon confuse que Dieu ne peut se résoudre à la mort, cet ultime affront fait à la splendeur de la création.
Chers amis catéchumènes, est-ce que vous ne vous reconnaissez pas un peu, peut-être même beaucoup, dans la démarche de foi de ces femmes. Comme elles, vous prenez des initiatives, comme elles, de bon matin, vous participez à la vie commune, en famille ou ailleurs. Comme elles, vous ressentez parfois la frayeur ! Comme elles, vous suivez le Seigneur, vous l’avez écouté dans sa parole, vous lui avez parlé dans la prière, vous avez rencontré ses disciples qui vous ont parlé de lui, de ce qu’ils vivent de beau, de grand avec lui et vous avez décidé de faire route, en suivant le Seigneur, avec ses disciples qui sont devenus vos amis et seront désormais vos frères par le baptême.
Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques, Salomé, arrivent au tombeau qui est vide. Et voici que, soudain, l’espérance se réalise sous leurs yeux. Bien sûr, elles ont peur, car la surprise est grande, mais elles n’hésitent pas. Elles entrent immédiatement, dans une démarche de foi ; elles font confiance à l’ange. Cette foi, c’est la vôtre, chers catéchumènes ; c’est la nôtre, aujourd’hui, chers frères et sœurs Baptisés. Les femmes n’ont nul besoin de voir Jésus ressuscité, le tombeau vide leur suffit, car ce vide fait résonner en elles toute l’espérance d’Israël, toute l’espérance des hommes par-delà les cultures et les temps.
Ce vide, c’est celui de la vie sans le Christ ! Oui, il était bien le Fils de Dieu, le messie attendu, et il fallait qu’il souffrît pour nous, qu’il meure à cause de la violence qui habite le cœur des hommes parce que sa puissance, c’est uniquement celle de l’amour et l’amour suppose la fragilité, la vulnérabilité. L’amour a le visage du linge de Véronique. Sachons le bien, c’est pour cela qu’il y a de la souffrance sur terre. Cette souffrance n’est pas voulue par Dieu, il la prend dans ses bras, les bras de la croix. Dieu n’a pas voulu tout cela, comme il n’a pas voulu la faute d’Adam, l’esclavage d’Egypte, l’oppression du pauvre.
Dieu est étranger au mal, mais de tout mal, il peut tirer un bien. C’est pour cela que sa gloire s’est manifestée dans la résurrection du Christ, comme elle se manifestera dans la résurrection de chacun de nous. C’est cette foi, la foi de ces femmes, la foi des disciples, à leur suite, en Galilée, qui a fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui, un peuple en marche, l’Eglise en marche. Le Christ est vraiment ressuscité, ce n’est pas un fantôme qui sort du tombeau mais un homme de chair, cette chair que Thomas touchera. Nous allons partager le corps et le sang du Christ, comme nous avons partagé la Parole. Nous sommes fortifiés par tous les sacrements que l’Eglise nous offre pourvu que nous les lui demandions.
Le Christ est vraiment ressuscité et il nous précède en Galilée, c’est-à-dire, loin. Il nous invite à dépasser nos fautes, nos pauvretés, notre péché, nos peurs, pour nous conduire, au-delà même de tout ce que nous pouvons imaginer de Dieu, toujours plus haut, auprès de lui. Il nous trace un chemin à suivre. Il nous envoie comme l’ange a envoyé les femmes, pour que cette bonne nouvelle, cette nouvelle inouïe, continue de se répandre sur la terre et apporte sens et réconfort à l’humanité : Il est ressuscité !
Pour l’annonce de cette bonne nouvelle, il faut des hommes nouveaux, des Baptisés. Il faut que la résurrection du christ, la nouveauté de la vie, s’empare de tout notre être, change nos mentalités, nos manières d’être, de penser, d’agir, de concevoir la vie. Il faut trouver notre juste place. Le monde ancien s’en va, l’homme ancien disparaît Il est vraiment ressuscité et c’est toute notre joie ! Ce soir, partageons la, sans retenue, c’est notre vie, notre mission !
Homélie de Mgr Colomb pour la vigile pascale prononcée le 4 avril 2021 à La Rochelle.
Lectures : Gn 1, 1 – 2, 2 (ou brève : 1, 1.26-31a); Ps : 103 (104), 1-2a, 5-6, 10.12, 13-14ab, 24.35c ou 32, 4-5, 6-7, 12-13, 20.22; Gn 22, 1-18 (ou brève : 22, 1-2.9a.10-13.15-18); Ps : 15, 5.8, 9-10, 11; Ex 14, 15 – 15, 1a; Ex 15, 1b, 2, 3-4, 5-6, 17-18; Is 54, 5-14; Ps : 29 (30), 3-4, 5-6ab, 6cd.12, 13; Is 55, 1-11; Is 12, 2, 4bcd, 5-6; Ba 3, 9-15.32 – 4, 4; Ps : 18B, 8, 9, 10, 11; Ez 36, 16-17a.18-28; Ps : 41 (42), 3, 5efgh ; 42 (43), 3, 4; Mc 16, 1-7