Sur la question de l’avortement, les catholiques sont-ils obscurantistes ? Evêque de La Rochelle et Saintes, Mgr Bernard Housset livre une réflexion personnelle sur ce sujet délicat revenu « à la une de l’opinion publique »
Ces dernières semaines, la réalité de l’avortement est revenue à la une de l’opinion publique. En effet, l’Assemblée Nationale a voté, en première lecture, un projet de loi sur l’égalité des femmes et des hommes, ce à quoi je souscris pleinement. Mais ce projet supprime, par rapport au recours à l’IVG, la notion de « situation de détresse ». Et il élargit le délit d’entrave à l’avortement aux « pressions morales et psychologiques ». Par exemple une écoute qui ne ferait pas référence à la possibilité d’avorter légalement. Ici, je ne suis vraiment pas d’accord.
Diverses présentations de ces changements, y compris par une ministre, qualifie ceux et celles qui s’y opposent de « ringards, de lobbies très conservateurs, d’obscurantistes ». Sur une réalité aussi importante et grave, pourquoi être systématiquement discrédité ? N’y aurait-il plus de liberté d’expression ? La société civile – qui prend de plus en plus de poids dans nos démocraties – n’aurait-elle plus le droit de prendre la parole sur certains sujets ? Si tel était le cas, nous serions dans l’idéologie pure qui n’accepte aucune discussion et ridiculise ses adversaires.
Je ne refuse pas du tout que chaque femme est libre de son choix. C’est à elle qu’il revient en dernier ressort de prendre sa décision. Mais toutes les femmes qui avortent sont-elles réellement en mesure de choisir ? Si elles pouvaient bénéficier d’un soutien financier, d’un accompagnement personnalisé, d’une aide pour un logement d’urgence, quelle serait leur décision ? Seraient-elles contraintes d’avorter ?
Peut-on ignorer et taire les souffrances de tant de femmes qui, après avoir avorté, se sont confiées à des psychologues et des conseillers conjugaux ? Et aussi à leur mari ou leur compagnon, car les hommes sont également concernés. Sans oublier les mineures, traumatisées parfois pour longtemps au début de leur vie sexuelle !
L’avortement ne peut pas être un acte banal, un acte médical ordinaire. Car il a des répercussions dans le conscient et l’inconscient de la personne, touchant le rapport à la vie et à la mort, l’instinct de violence, le désir de fertilité, l’avenir à envisager.
En m’exprimant ainsi, je ne prends pas position pour la droite contre la gauche actuellement au pouvoir. Car ces questions traversent tous les partis, tous les courants politiques et tous les citoyens. Je me situe à un niveau anthropologique, même si mes convictions sont aussi animées par la foi catholique.
J’espère qu’un conformisme nouveau ne va pas installer une chape de plomb sur ces questions fondamentales. Il ne permettrait plus de respecter la dignité inaliénable de chacun, y compris de l’enfant à naitre. Je souhaite qu’un vrai débat s’installe entre nos parlementaires et la société civile sur ces réalités complexes, difficiles et douloureuses, pour que le drame de l’avortement recule peu à peu. Je me retrouve très bien dans l’aveu de notre pape François : « … Il est vrai que nous avons peu fait pour accompagner comme il convient les femmes qui se trouvent dans des situations très dures, où l’avortement se présente à elles comme une solution rapide à leur angoisse profonde… » (La Joie de l’Evangile n°214)
+ Bernard Housset
Evêque de La Rochelle et Saintes
Février 2014
Extraits de La Joie de l’Evangile, du pape François