Messe célébrée à Matha à l'occasion du départ des Soeurs de la Providence

17 Sep 2018

Homélie donnée par Mgr Colomb à Matha à l’occasion du départ des Sœurs de la Providence 

 
Samedi 15 Septembre 2018
Chers frères et Soeurs,
Pour vous qui suis-je?
Comme nous le relate l’Evangile, Jésus s’en alla avec ses disciples vers les villages situés dans la région de Césarée-de-Philippe (Mc 8, 27-37). Aujourd’hui, Jésus n’emmène pas ses disciples à l’écart dans la montagne pour quelques confidences ni au large pour quelque pêche miraculeuse ; il les entraîne encore plus loin : dans la quête de son identité. «Qui suis-je ?», aurait-il besoin de l’apprendre des hommes ?
«Qui suis-je, au dire des gens ? Et pour vous, qui suis-je ?». Étranges questions qu’aucun de nous n’aurait l’idée de poser. Avons-nous d’ailleurs besoin de quelqu’un pour savoir qui nous sommes ? Pour certains, la chose est entendue : nous sommes enfants de Descartes, et nous le savons : le “je” cartésien ne s’expose pas à autrui. C’est un “je” qui se pose lui-même et à partir de lui-même «dans la royauté de son cogito». Mais en est-il bien ainsi ? Pouvons-nous vivre à partir de notre seule intériorité ? Pouvons-nous vraiment dire : «je suis» ou «je pense» ? Notre identité, s’il est vrai qu’elle ne vient pas des autres, ne nous est-elle pas révélée par les autres ? La conscience et l’affirmation de soi ne passent-elles pas par une altérité, une reconnaissance, une rencontre où nous ne sommes pas seuls pour nous dire et nous identifier ? Sans le savoir, mais prophétiquement, l’Évangile récuse la prétention cartésienne du sujet à se penser, à se nommer et à se définir à partir de lui-même.
A l’inverse de la subjectivité exaltée, pour savoir qui nous sommes, l’Évangile nous pousse à nous en remettre totalement aux autres, à l’exemple de Jésus. De fait, nulle part dans l’Évangile, on ne présente Jésus s’identifiant lui-même, se rendant témoignage à lui-même, ou s’auto-proclamant «Fils de Dieu» ; il s’y refuse même, au point que le déroulement de son ministère est sans cesse entravé par ces questions d’identité : «Es-tu celui qui doit venir ?» (Mt 11, 3) ; «Est-ce par Béelzébul ou par la force de Dieu qu’il agit ainsi ?» (Mt 12, 22-30). «Qui est-il pour que les vents et la mer lui obéissent ?» (Mt 8, 27) ; «Si tu es le Christ, dis-le nous ouvertement» (Jn 10, 24) ; «Es-tu le roi des juifs ?» (Jn 18, 33) ; «Es-tu donc roi ?» ; Jésus répond : «C’est toi qui le dis» (Jn 18, 37). Pilate insiste encore : «D’où es-tu ? », mais Jésus ne lui donne pas de réponse, (Jn 19, 9). Son origine, qui la racontera ? Qui en fera l’exégèse ? Qui en montrera le chemin ? Seuls ceux qui ont mangé et bu avec lui disent vrai. Tandis que la parole de ceux qui ne l‘ont pas fréquenté aboutit à toutes les méprises. Mais toujours, Jésus s’en remet à la réponse des uns et des autres. «Que dites-vous que je suis ?», cela veut dire : «Racontez-moi». Et Pierre le décrit : «Tu es le Messie, tu as les paroles de la vie éternelle, et nous, nous croyons et nous avons reconnu que tu es le saint de Dieu» (Jn 6, 68-69). En fait, qui est Jésus-Christ, cela ne peut être que raconté, c’est un récit, c’est une histoire.
Comprenons-nous bien : Jésus n’ignore pas qui il est, mais il a besoin, comme tout un chacun, de la réponse des autres car «la réponse des autres est l’avenir de notre parole». Il s’en remet à nous pour l’avenir de Dieu. C’est comme s’il disait : «Je n’existerai aux yeux des hommes que dans la mesure où vous leur direz qui Je Suis». Mais, l’épisode de Césarée le montre ; reconnaître comme Pierre, que Jésus est le messie, cela ne suffit pas. Sait-on vraiment ce qu’être le messie veut dire ? Pierre va l’apprendre à ses dépens : pour Jésus, être messie, cela veut dire “beaucoup souffrir, être rejeté, et être tué” (Mc 7, 31) par amour pour les hommes, pour la vérité ; pour continuer à être dans le vrai, il faut non seulement que le disciple accepte la mort de son maître, mais consente à être lui-même réduit au silence : “je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats”, avons-nous lu dans le livre d’Isaïe. Non seulement le disciple doit montrer le chemin du Christ mais il doit le prendre : «Si quelqu’un veut me suivre, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et me suive» (Mc 7, 34). Le Seigneur nous promet son soutien : “Le Seigneur prend ma défense, qui donc me condamnera”, nous rappelle le prophète Isaïe.
Frères et Sœurs, Être disciple de Jésus c’est, dans le fond, s’exposer et se livrer. C’est accepter de recevoir d’un autre, non seulement son identité et son nom, mais sa vie et sa mort, et c’est, par-dessus tout, accepter l’incroyable promesse de la résurrection et de la vie éternelle. Telle est notre mission, la mission de tout Baptisé.
Mes sœurs, depuis 1838, vous répondez à cette question “qui est Jésus ?” dans cette école de Matha. Vous avez satisfait la curiosité de plusieurs générations ! Parmi les parents présents dans notre assemblée, ce soir, nombreux sont vos anciens élèves qui suivent le chemin du Christ dans notre Eglise. Merci, mes sœurs !
Faisons silence quelques minutes et laissons raisonner au plus profond de nous même cette question que le Seigneur pose aujourd’hui, à chacun de nous :
«pour vous qui suis-je ?». Ne laissons pas cette question sans réponse. Que nos actes de la vie quotidienne soient une réponse concrète, et avec un élan de foi, d’espérance et d’amour, laissons descendre sur nos lèvres cette belle exclamation du psalmiste :
“je marcherai en ta présence sur la terre des vivants!”. Ainsi soit-il !
+ Georges Colomb
 
 
 

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