La fête de Noël est un cadeau de Dieu d’une « valeur inestimable », confie le Père Sermonfils Auguste, vicaire épiscopal et curé de Royan. La pandémie qui a pu faire souffrir cette année n’empêchera toutefois pas Jésus de « venir nous visiter ».
Avez-vous le souvenir d’un Noël de votre enfance que vous souhaiteriez nous partager ?
Les Noël de mon enfance, je les ai vécus en Haïti, pays où la population est à 80 % catholique. Ils ont tous été très beaux et pleins de souvenirs merveilleux. Toutefois, je dirais quand même que le plus magique fut cette nuit du 24 décembre où j’ai participé à une saynète avec des adultes et d’autres jeunes de mon âge. Une demie heure avant la messe qui devait débuter à 23h pour finir à 01h30, on s’appropriait avec talent le thème de la Nativité à travers des œuvres d’une qualité remarquable. Je n’étais pas musicien mais je chantais à gorge déployée.
Pourtant, je savais bien qu’aucun cadeau ne m’attendait à la maison. Car dans ma famille, si on devait recevoir des cadeaux, cela se faisait toujours le premier jour de l’An. Maman qui était très croyante nous disait toujours : « le plus beau cadeau que Dieu puisse nous offrir à Noël, c’est le Christ. » C’est pourquoi je ne cesse de croire que derrière les cadeaux et les repas festifs se cache un mystère insondable, celui d’un Dieu qui se fait chair et épouse la condition humaine.
Le mystère de Noël a-t-il été déterminant dans votre vocation ?
Dieu appelle qui il veut, quand il veut et comme il veut. C’est surtout lui qui connaît l’histoire de ma vocation. J’ai la chance d’avoir grandi dans une famille chrétienne pratiquante. Ma vocation, je l’ai découverte à travers les moments d’intimité et d’affection avec Jésus. Et, la réponse que j’ai donnée au Seigneur, a déterminé radicalement mon existence. Il est vraiment grand le mystère de la foi ! Car à son niveau le plus profond, ma vocation sacerdotale est un don qui me dépasse infiniment.
Ce que je sais, c’est qu’à travers mes milieux de vie, se sont exercées sur moi des influences positives par lesquelles Dieu m’a fait entendre sa voix : ma mère pour qui Noël est une fête essentielle, les établissements scolaires que j’ai fréquentés et les religieuses de ma paroisse qui étaient pour moi de bonnes conseillères.
Comment le prêtre, que vous êtes devenu, vit-il la Nativité ?
Devant la naissance de Jésus, le prêtre que je suis devenu le 24 février 2008 vit la naissance de Jésus comme un cadeau d’une valeur inestimable. C’est Dieu qui vient à la rencontre de l’homme. Dans la fragilité d’un Tout-Petit, il vient cacher le trésor d’une vie par laquelle il veut régénérer l’humanité tout entière. Par sa naissance, il nous dit la valeur incommensurable de toute vie humaine, quelle qu’elle soit.
Moi, en tant que prêtre, j’ai été choisi pour perpétuer le sacrifice de Jésus-Christ dans la vie présente, pour être le porteur de la grâce de Dieu. Devant la grandeur de ce ministère, je sens combien je suis déficient. Mais quel bonheur d’être prêtre ! Dans la vie d’un prêtre, généralement, il y a des hauts et des bas, comme pour tout être humain d’ailleurs. Par ailleurs, quand le prêtre exerce son ministère, la joie est possible ici et maintenant, sa joie, ma joie est en mesure de côtoyer les inévitables difficultés.
Pouvez-vous nous dire comment vous vous préparez, pendant le temps de l’Avent et en temps de confinement, à vivre la fête de Noël ?
Cette année, la fête du Christ Roi tombait le 22 novembre. C’est cette fête qui clôt le cycle de l’année liturgique. Le 29 novembre, premier dimanche de l’Avent, a marqué le début de l’année liturgique religieuse. Le temps de l’Avent, est la période pendant laquelle nous sommes invités à nous préparer pour fêter la naissance de Jésus. Mais contrairement aux années précédentes, les fêtes de Noël de cette année s’annoncent difficiles.
Depuis la suspension des célébrations publiques des messes en raison de la crise du Covid-19, grâce aux moyens techniques modernes, nous avons essayé de déployer nos efforts pour garder le contact avec les fidèles confinés dans l’espérance de pouvoir reprendre les célébrations vers début décembre. Avec les membres de l’équipe pastorale, nous avons commencé à réfléchir sur la célébration des fêtes de Noël, fêtes qui symbolisent pour nous, chrétiens, l’amour suprême de Dieu pour les hommes. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Nous devons quand même nous préparer. Car la pandémie n’empêchera pas à Jésus de venir nous visiter. Une conviction profonde m’habite : nous fêterons Noël !
Au terme d’une année marquée par la crise sanitaire et sociale liée au coronavirus, quel message la fête de Noël peut-elle faire passer ?
Les temps sont durs. Beaucoup d’hommes et de femmes n’ont pas le cœur en joie. Mais j’ai envie d’inviter tous les catholiques du diocèse qui me liront à garder l’espérance. Le sens de l’espérance chrétienne est celui de l’attente confiante, de la disponibilité active et de l’ouverture joyeuse à la rencontre avec le Seigneur. La crise sanitaire est plus que jamais au cœur des préoccupations de tout le monde.
Mais il y a une chose qu’il ne faut jamais oublier : c’est en temps de crise que notre confiance en Dieu se manifeste. Par exemple, la Bible nous présente l’attitude de Moïse qui, poursuivi par les Egyptiens, a dû manifester sa confiance en Dieu par l’action. Il a dû utiliser son bâton pour traverser la mer rouge avec le peuple d’Israël (Ex 14,16). Un autre exemple concerne le roi Ezéchias. Les ennemis du roi Ezéchias menacent de détruire la ville de Jérusalem et d’emmener le peuple en captivité. Quoique saisi de crainte, Ezéchias présente à Dieu la situation en toute simplicité dans la prière. Il lui demande d’intervenir et de manifester sa gloire. Par la suite, il obtient la victoire sur ses ennemis (2 R 19,14-19).
Il est donc spirituellement salutaire de redoubler notre confiance en Dieu. En ce temps de crise, nous sommes invités à prendre le temps d’accueillir Jésus, de lui ouvrir notre cœur, de faire de notre cœur la plus belle crèche où il pourra naître. Jésus veut être l’ami fidèle que nous cherchons. Un ami, on ne l’aime pas d’abord pour ce qu’il nous donne ou devrait nous donner, mais on l’aime pour lui-même, parce que c’est lui, parce que notre joie, c’est de l’accueillir chez nous, c’est d’être avec lui. D’où l’intérêt de nous préparer sérieusement pour accueillir Celui qui vient. Il vient parce qu’il veut se faire proche de nous ; à nous aussi de nous faire proche des autres. Nous chrétiens, nous avons une mission : dire à tous que Dieu les aime ; qu’il les a tellement aimés qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il est la vie éternelle (Jn 3,16). Bon temps de l’Avent à toutes et à tous ! Gardons la foi !
Propos recueillis par Elisabeth de Dieuleveult
Benjamin d’une fratrie de trois enfants, né le 7 avril 1971 à Jacmel, dans le sud est d’Haïti, il a exercé le métier d’instituteur avant d’entrer au séminaire en vue du sacerdoce ministériel. Après ses études philosophiques et théologiques et un séjour d’une année à Surgères, il est ordonné prêtre en la cathédrale Saint-Jacques et Saint-Philippe de Jacmel, le 24 février 2008 par Monseigneur Bernard Housset. Etant membre de la Société des Prêtres de Saint-Jacques qui est un institut missionnaire, il a été mis au service du diocèse de La Rochelle et Saintes. Il a exercé son sacerdoce à Rochefort, puis Tonnay-Charente tout en étant membre du conseil permanent de son institut missionnaire, et parallèlement étudiant à Paris, pour suivre une formation en management qui a nécessité des stages à Strasbourg, Rome et New-York. Il a ensuite été nommé curé de la paroisse de Sainte-Soulle et vicaire épiscopal pour les doyennés de Saintes et La Rochelle-Ré avant d’être appelé à Royan.