Homélie de Mgr Colomb du dimanche 12 septembre 2021 – 24e dimanche TO
Is 50, 5-9a; Ps : 114 (116A), 1-2, 3-4, 5-6, 8-9; Jc 2, 14-18; Mc 8, 27-35
Inauguration de l’église Saint-Louis de Rochefort
Nous en avons bien conscience quand nous pénétrons dans une église. Le lieu n’est pas un lieu ordinaire. Chargé d’histoire, il est comme imprégné de la prière, des joies et des peines, de l’espérance des générations qui s’y sont succédées, rassemblées par cette affirmation de Pierre : “Tu es le Christ”. Car ce qui fait l’Eglise, au-delà des murs, c’est la communauté rassemblée autour de Celui qu’elle reconnaît comme l’envoyé de Dieu, le Fils unique du Père, le Seigneur Jésus, venu en ce monde pour annoncer la bonne nouvelle du salut. il nous invite au banquet de l’eucharistie et nous, communauté de croyants, nous sommes rassemblés autour de lui. Qui est Jésus, l’homme de Galilée qui enseignait, guérissait, nourrissait et pardonnait, oui qui est cet homme et pourquoi le suivre ? cette question traverse tout l’Evangile. Elle est présente à chaque seconde de la vie des disciples et elle nous rejoint aujourd’hui. Qui est Jésus ? un illuminé, un prophète ou bien plus encore, le Fils de Dieu, vrai dieu et vrai homme ? Chacun de nous est invité à donner une réponse personnelle et intime mais une réponse qui le dépasse. Dire ” Tu es le Christ” n’est possible que si nous nous laissons pénétrer par l’Esprit, si nous laissons à Dieu l’espace nécessaire pour se révéler dans sa singularité comme Dieu d’amour, de miséricorde, Dieu qui nous constitue en un peuple de frères.
Qui est Jésus ?
Aussitôt que Pierre sous la mouvance de l’Esprit confesse Jésus comme le messie, le malentendu s’installe et il n’a pas cessé depuis. Le messie, c’est la toute-puissance de Dieu. Du moins, est-ce ainsi que les hommes se l’imaginent. C’était pour le peuple juif celui qui devait restaurer la royauté d’Israël, faire éclater sa puissance aux yeux de tous. Et voilà que Jésus nous enseigne tout autre chose. Le messie souffrira. Il connaîtra le rejet, les oppositions et finalement la mort. Car si Dieu veut triompher, c’est uniquement par l’amour. Le messie sera le serviteur souffrant dépeint par le prophète Isaïe. Le messie est le chemin, la vérité et la vie, mais il est chemin de vérité et de vie qui passe par le service, la fraternité, l’amour. Ce que Jésus est venu nous enseigner, François d’Assise l’avait bien compris, “ce Saint de l’amour fraternel, de la simplicité et de la joie” dont nous parle le pape François dans l’exhortation Fratelli Tutti (n° 2). Ce saint amour englobe dans sa patience, sa miséricorde et son humilité, les hommes, la terre, le cosmos, car tout cela est l’œuvre d’amour de Dieu qui vit “que cela était bon”. Alors, c’est vrai qu’il est difficile dans un monde soucieux de performance, d’efficacité, admiratif des records et des exploits, d’annoncer cela : un messie pauvre, souffrant, rejeté, un messie qui se tourne d’abord vers ce qu’il y a de plus fragile, de plus faible en ce monde, un sauveur qui prend la patience de l’amour et du pardon pour la restauration de l’harmonie abîmée par le mal, l’injustice, la violence.
Le Christ pierre angulaire de l’Eglise, de la communauté
L’histoire écrira les enseignements de l’épreuve de la pandémie. Une chose est sûre, les croyants ont pu s’apercevoir de l’importance de la communauté, l’importance des rassemblements, l’importance du lieu qui les accueille. C’est pourquoi notre église veut dire toute sa reconnaissance envers celles et ceux qui ont œuvré ici pour la restauration de ce lieu chargé d’histoire, lié intimement à la vie de la ville et des hommes. La foi des baptisés est une foi en l’Incarnation de Dieu. Le Verbe s’est fait chair. La parole de Dieu a besoin de lieux, de signes, de gestes. Elle dit que Dieu a tellement aimé les hommes qu’Il n’a pas craint de prendre chair, de revêtir en vérité un corps semblable au nôtre pour parcourir dans la poussière, sous le soleil, dans la peine et les joies, les routes de l’humanité. L’Eglise, le corps du Christ, s’incarne en chaque lieu, au milieu des hommes qu’elle veut rassembler comme une mère aimante. L’Eglise a toujours un visage particulier. Ici, à Rochefort, elle a le visage d’une communauté typée, avec son histoire qui, chaque jour, continue de s’écrire dans la foi et la fraternité avec les hommes, tous les hommes, même ceux qui ne franchissent pas ses murs, car elle est en sortie, comme le Saint Père aime le dire.
En communion avec l’humanité toute entière
Nos assemblées ne sont pas des rassemblements clos sur eux-mêmes et coupés des hommes. Elles veulent être au contraire, imparfaitement parfois, des communautés ouvertes sur le monde, qui font signe au monde, qui disent que la foi sans les œuvres n’est rien et que les œuvres d’une communauté se lisent dans l’accueil, le partage et l’amour donné aux humbles, aux pauvres, aux oubliés, aux riches aussi. Depuis son élection en 2013, le pape François ne cesse de le répéter : nos communautés ne doivent pas être prétexte au repli. Elles doivent être animées par la dynamique de la sortie de soi qui est la dynamique même de Dieu, tout entier donné pour le salut des hommes, marchant avec eux. Ainsi, l’Eglise, l’Ekklesia, la communauté catholique, ici à Rochefort, est ouverte sur la cité. Elle reçoit l’écho de la vie quotidienne et le présente au Seigneur dans une prière universelle. Ainsi, en étroite collaboration avec les élus du peuple qui recherchent le bien commun, les artistes élèvent notre âme, notre cœur, notre esprit. C’est la mission de l’art d’inviter l’homme à utiliser ses sens pour découvrir la beauté de la création qui conduit vers le créateur et rappelle à l’homme sa place unique dans le cosmos, dans cette création qu’il doit protéger et embellir pour la transmettre aux générations futures. L’homme, lui-même, revêt l’éminente dignité d’avoir été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu dont il découvre le visage sur la croix, signe de l’amour parfait qui invite au don de soi pour l’humanité. Ce qui rassemble les croyants dans l’espace, dans le lieu qu’est l’église, c’est d’abord un homme, le Fils de Dieu, Jésus de Nazareth, fils de Marie, un homme qui possédait en plénitude la nature de Dieu et que Pierre a désigné sous le nom de Messie, de Christ. Si l’Église est une communauté rassemblée c’est parce qu’elle est avant tout communion avec Jésus le Christ, communion à sa Parole, à son sang répandu pour le salut du monde, et ainsi communion à l’humanité toute entière.
Puissent tous les hommes et les femmes de ce temps qui entreront dans cette église y sentir la prière et la foi des générations passées, ainsi que l’amour agissant de cette génération qui ne veut pas retenir pour elle le don de la foi mais veut le partager avec tous.