Dimanche 19 Août 2018. Cathédrale de la Rochelle
Mgr Colomb
Chers Frères et Sœurs dans le Christ !
Alors que nous sommes dans l’action de grâce de la fête de l’Assomption, l’Eglise continue à nous combler de ses grâces en nous offrant en ce dimanche de magnifiques textes ! Comme chaque dimanche nous fêtons la résurrection du Seigneur, et comme à chaque Eucharistie, nous recevons en nous, Celui qui se donne à nous lorsque nous communions à son corps et à son sang.
Les Sages d’Israël voyaient dans le pain et le vin des images de la nourriture spirituelle. Ainsi, dans la première lecture que nous venons d’entendre, nous voyons que la Sagesse de Dieu, personnifiée comme une femme prophétesse, proclame sur les hauteurs de la Cité sainte :
« Si vous manquez de sagesse, venez à moi ! Venez manger mon pain et boire le vin que j’ai préparé ! Quittez votre folie, et vous vivrez. Suivez le chemin de l’intelligence ! » (Pr 9,5s).
Cet appel de la Sagesse, les chrétiens l’ont transposé d’instinct depuis les premiers siècles : dame Sagesse n’est qu’une image du Fils de Dieu, venu parmi nous sur terre pour nous donner le pain de l’intelligence, le pain de la foi, sa parole qui nous entrouvre le mystère de Dieu et de son plan d’amour.
Les chrétiens se sont appuyés, pour cette transposition, sur les paroles prononcées par Jésus lui-même dans la synagogue de Capharnaüm : «Le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et donne la vie au monde. Moi, je suis le pain de la vie. Qui vient à moi n’aura jamais faim». Déjà cette audace de Jésus revendiquant le rôle même de la Sagesse de Dieu avait suscité des murmures dans l’auditoire : «Cet homme-là n’est-il pas Jésus, le fils de Joseph ? Nous connaissons bien son père et sa mère. Alors, comment peut-il dire : Je suis descendu du ciel ?». L’étonnement des gens, dans la synagogue, va friser le scandale quand Jésus abordera le second thème, clairement eucharistique, de son discours : «Le pain que je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde ». Alors, dans la synagogue, le murmure reprend, amplifié : «Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ?». La vraie réponse, Jésus nous la donnera le soir du Jeudi Saint, lorsque durant son dernier repas, il prendra le Pain, puis la Coupe, et dira : «Prenez et mangez ; ceci est mon corps livré pour vous. Buvez-en tous, ceci est mon sang» (Mt 26,26s).
Ainsi, au lendemain de la multiplication des pains, Jésus développe à Capharnaüm sa catéchèse eucharistique : «Ma chair est vraiment nourriture, insiste Jésus ; mon sang est vraiment boisson». Son eucharistie est donc nécessaire pour nous, comme est indispensable la nourriture du corps humain, mais pour entretenir et développer une autre vie, que l’on commence à vivre ici-bas, et que Jésus appelle la vie éternelle. Chers frères et soeurs, vivons de l’eucharistie ! Soyons des amoureux de l’eucharistie ! Soyons des hommes et des femmes de l’eucharistie ! Portons en nous l’eucharistie pour l’apporter aux périphéries de notre monde, comme nous le demande le Pape François ! Communions au corps du Christ pour porter les croix de ce monde. Vivons intensément le jeudi saint pour vivre courageusement le Vendredi saint. C’est le chemin de la vie éternelle, c’est la condition de la vie éternelle. C’est la définition de la vie éternelle. Connaître le Christ, c’est suivre le Christ !
Mais en quoi consiste cette vie éternelle inaugurée dès maintenant dans le quotidien de notre existence ? C’est avant tout une relation intense, profonde, invisible, avec Jésus Fils de Dieu :
«Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui».
Demeurer, c’est un verbe qui dit tant de choses à la fois qu’il faudrait, pour en épuiser la richesse, toute une litanie que nous pourrions appeler la litanie de la véritable amitié et de la véritable intimité. Jésus vit en moi, et je vis en lui. Jésus attend mon amitié, et je m’appuie sur la sienne. Jésus compte sur moi, et je compte sur lui. Jésus parle en moi, et je lui parle. Jésus trouve sa joie en moi, et ma joie est en lui. Jésus prie en moi, et je le prie lui. Jésus m’aime, et j’essaie de l’aimer.
Demeurer dans le Christ, c’est aussi trouver chaque jour en lui la lumière, la paix et le pardon ; c’est puiser à sa vie la force de vivre, même quand l’épreuve est là, dont on ne voit pas la fin. Nous vivons toutes et tous des épreuves dans notre vie, et parfois des épreuves très douloureuses. Dans ces moments là, demeurons encore plus dans le Christ, car demeurer en lui, c’est essayer de voir les choses, les événements et chaque personne comme Il les voit, et repartir chaque matin sur un chemin d’espérance. La demeure de Dieu doit être notre coeur et le coeur de Dieu doit être notre demeure. Chaque minute est une nouvelle minute qui continuellement doit être envahie d’espérance !
Demeurer dans le Christ, c’est aussi lui apporter, dans la prière, tout ce qui enthousiasme ou appesantit notre coeur ; c’est laisser résonner sa parole au plus profond de notre liberté, et nous imprégner de ses réflexes de miséricorde. Demeurer dans le Christ rend libre et nous approche toujours plus de la Vérité.
C’est ce partage intégral et cette intimité que Jésus résume en disant : «Celui qui me mange vivra par moi». Toute communion à son corps et à son sang sera donc une communion à sa vie de Fils de Dieu, et même une communion à sa mission d’Envoyé du Père. L’Eucharistie est bien pour nous le pain du voyage, le pain de l’espérance, le pain des témoins, le pain de la charité, le pain des missionnaires, le pain de l’amour. En communiant au corps du Christ, nous venons nous ressourcer à sa vie, comme lui-même, voyageur parmi nous, se ressource continuellement à l’amour de son père : «De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi, je vis par le Père, de même aussi celui qui me mange vivra par moi». Nous vivrons par lui, car l’eucharistie est en nous un gage de victoire sur les forces de l’agressivité, de l’isolement, ou encore sur celles de la maladie et de la mort. Nous vivrons, car Jésus veut éterniser son amitié avec nous, son partage de vie avec tous ceux qui croient en lui, au-delà de la mort qui nous emportera, et dont l’ombre inquiète parfois les êtres fragiles que nous sommes : «Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Moi, je le ressusciterai au dernier jour».
Frères et Sœurs, entrons dans cette Espérance divine, celle qui ne déçoit jamais car elle donne tout à la mesure de ce dont nous avons besoin. Entrons dans cette espérance en chantant la louange du Seigneur : «je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à mes lèvres, je me glorifierai dans le Seigneur, que les pauvres m’entendent et soient en fête ! ». Amen.