Homélie du 5ème dimanche de carême donnée à l'occasion de l'ordination de Didier Magne, diacre permanent

2 Avr 2017

Homélie du 5ème dimanche de carême 2 avril donnée par Mgr Georges Colomb à l’occasion de l’ordination de Didier Magne, diacre permanent pour le diocèse de La Rochelle.

 
Cher Didier, chers frères et sœurs,

Qu’est-ce qu’un diacre ?

Le pape François a apporté des indications décisives sur le charisme et la mission des diacres permanents dans l’Eglise en répondant à la question d’un diacre permanent marié, en la cathédrale de Milan, samedi 25 mars 2017, il y a une semaine, à l’occasion de la rencontre avec les prêtres, les diacres et les consacrés du plus grand diocèse d’Europe.
Le pape a démonté les idées reçues d’un diacre « demi-prêtre » ou « demi-laïc », pour revenir à l’identité propre du diacre, dès l’institution du diaconat dans l’Eglise primitive comme le rapportent les Actes des Apôtres. Il a au passage rappelé que les évêques confient des tâches aux diacres pour être libres pour la prière, leur première mission, leur deuxième mission étant l’annonce de l’évangile. Il a par ailleurs réfuté l’image d’un diacre qui serait un « intermédiaire » entre le peuple de Dieu et ses pasteurs.

Les lectures de ce jour nous aident à comprendre la mission du diacre. Elles sont premièrement une promesse de libération et de vie. Elles nous montrent deuxièmement que notre relation à Dieu se vérifie dans la qualité de notre relation aux autres, dans le service, grâce aux fruits de l’esprit. Troisièmement, elles nous invitent à travailler à la gloire de Dieu par le témoignage et la proclamation de la Parole. La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, la gloire de Dieu, c’est la révélation du mystère de Dieu au monde, aux hommes

 1) Promesse de libération et de vie car

Les lectures de ce dimanche nous laissent entrevoir la joie de Pâques, la victoire de la vie sur la mort. Nous sommes invités à participer à cette victoire en nous engageant au service de la paix et de la vie. En ce temps de carême, nous sommes invités à lutter contre les souffrances et la pauvreté dans notre vaste monde. Nous le savons, les pauvres sont nombreux. L’actualité internationale est dominée par la violence, les conflits, la détresse de ceux qui fuient leur terre à la recherche d’un lieu de paix. Il est important d’être attentif aux appels de détresse. Le CCFD nous invite notamment cette année à nous laisser toucher par les cris du monde et à les transformer en espérance. Le diacre est au premier rang pour écouter ces cris du monde, ou plutôt pour les deviner, pour les découvrir car, de même que les bonnes choses ne font pas de bruit, les vraies pauvretés se vivent en silence, elles sont cachées.
Observons dans l’Ecriture cette mutation de la pauvreté en espérance. Tournons-nous vers le Seigneur. Le livre d’Ezéchiel nous ramène au quatrième siècle avant Jésus Christ. Le peuple d’Israël se trouve en grande détresse car il est en exil à Babylone. Mais le prophète Ézéchiel intervient pour raviver l’espérance des exilés : « je vais ouvrir vos tombeaux….Je vous ramènerai sur la terre d’Israël ». Le peuple est anéanti, réduit au néant, comme mort, c’est pourquoi Dieu dit qu’il ouvrira les tombeaux dans lequel ce peuple s’est englouti. Il le ramènera vers la terre d’Israël. Ce sera la victoire de la vie sur la mort. L’expression « vous saurez que je suis le Seigneur » nous rappelle que c’est à sa fidélité, à ses promesses que l’on reconnaît le vrai Dieu. Ce passage du livre d’Ezéchiel est une approche de l’idée de résurrection. A ces idées de fidélité et de promesses de Dieu le psaume vient ajouter le pardon. C’est d’ailleurs l’une des affirmations majeures de la bible et c’est dans le pardon donné par Dieu que nous est révélée sa puissance.

2) Les diacres nous montrent que notre relation à Dieu se vérifie dans la qualité de notre relation aux autres, dans le service, grâce aux fruits de l’esprit : ils sont « le sacrement du service de Dieu et du service des frères », et ils rappellent au Peuple de Dieu cette dimension essentielle de la vocation de tout baptisé qu’est le service, le diacre est « le gardien du service dans l’Eglise ». Et c’est une vocation « familiale », nous dit le Pape François.

Dans la lecture de ce jour, Dieu qui fait « sortir » son peuple d’Égypte, lui annonce qu’il le fera sortir de ses tombeaux : « Je mettrai en vous mon Esprit et vous vivrez. » L’Évangile nous parle également d’un Dieu qui « sort ». Nous connaissons tous la parabole du semeur qui est sorti pour semer. Et nous n’oublions pas notre pape qui veut une Eglise en sortie. Aujourd’hui nous sommes invités à sortir de notre indifférence et de notre passivité. Comme au temps de Moïse, le Seigneur voit la misère de son peuple et il nous envoie pour le libérer de tout ce qui le détruit. Le diacre permanent n’est-il pas à la jonction entre la communauté chrétienne, la famille, l’entreprise, l’Administration, l’association ou je ne sais quelle entité qui est son lieu d’expérience professionnelle. Le diacre est toujours en sortie vers un ailleurs !
Dans la lettre aux Romains, l’apôtre Paul nous parle de l’Esprit qui nous fait sortir de l’emprise de la chair. Dans son langage, il s’agit des faiblesses de la condition humaine et du péché. Dans la lettre aux Galates, Paul explique  ce que sont les fruits de l’esprit « joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi ». Pour résumer, Paul nous dit que le fruit de l’esprit c’est l’amour dans toutes les circonstances de notre vie. Nous sommes appelés à vivre sous l’emprise de l’Esprit. À travers ce message, il nous renvoie à la vie divine qui est semée en nous. Elle est le gage de notre résurrection. C’est la vie qui l’emporte sur la mort. Paul est héritier de la tradition prophétique et que nous disent les prophètes ? Ils affirment que notre relation à Dieu se vérifie dans la qualité de notre relation aux autres. Les prophètes ont des mots très durs pour ceux  qui laissent à leur porte leurs frères éprouvés par la faim, par le chagrin. Devenons de jour en jour plus attentifs, solidaires et généreux. Vous avez été à bonne école, cher Didier pendant quinze ans au service des plus démunis, en effectuant des maraudes dans le diocèse de Meaux. Vous n’avez pas élaboré des concepts en réunion, vous avez mouillé la chemise. Grâce à l’Esprit Saint, nous apprenons à ouvrir nos yeux, nos mains et notre cœur, nous apprenons à se décentrer de soi-même. Le récit des tentations que nous avons lu le premier dimanche de carême (Matthieu, chapitre 4) nous montre le Seigneur se décentrant de lui-même :
1ère tentation : « ordonne à ces pierres de devenir des pains » – réponse de Jésus : « l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu », le fruit de l’esprit c’est la maîtrise de soi, la patience.
2ème tentation : « Jette-toi du haut du temple, Dieu sera bien obligé de te protéger » – réponse de Jésus : « tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton dieu ». Le fruit de l’esprit, c’est la confiance en Dieu.
3ème tentation : « Détourne-toi de Dieu, prosterne-toi devant moi, tu seras le maître des royaumes de la terre » – réponse de Jésus : « Le Seigneur ton dieu tu adoreras ». Le fruit de l’esprit, c’est l’amour.
Cet évangile nous est proposé en début de carême parce que le temps du carême est une entreprise de décentrement de soi-même pour aimer les autres et  Dieu.

3) Les diacres dévoilent la gloire de Dieu. Cette gloire, c’est l’homme vivant. Dans l’évangile de ce jour, c’est la révélation du mystère de Dieu au monde, aux hommes.

L’Évangile de ce dimanche nous fait assister à la sortie de Lazare de son tombeau. À travers ce geste extraordinaire, Jésus exprime pleinement son pouvoir sur la mort. Les disciples savent que cette montée vers Jérusalem est une marche vers la mort. Malgré leur incrédulité, il veut leur faire comprendre que cette route s’achèvera par la victoire de la vie : « cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu ».
De cet Évangile, nous devons surtout retenir la déclaration solennelle de Jésus : « Je suis la résurrection et la vie ; celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ». Puis nous avons la réponse de Marthe : « Oui, Seigneur, je crois. » En lisant cet Évangile, nous prenons conscience d’une réalité importante : ce n’est pas seulement Lazare qu’il faut sortir de son tombeau ; c’est l’humanité tout entière qu’il faut délivrer de la mort. Nous sommes tous appelés à sortir de notre égoïsme, notre indifférence, notre péché. Comme pour Lazare, le Seigneur nous dit à tous : « Viens dehors ! ».
Le Christ nous appelle à une vie nouvelle. Ce sera le triomphe de la vie sur la mort. C’est une vie qui ne passera pas. Mais avant toute chose, il nous faut entendre l’appel du Christ qui veut nous faire sortir de notre tombeau. Nous sommes invités à vivre ce carême comme un passage vers une vie plus juste, plus solidaire, plus ouverte à Dieu et aux autres. Avec le Christ, nous pouvons toujours triompher de nos peurs et retrouver le courage et l’espérance de repartir en avant. C’est chaque jour qu’il nous faut ressusciter avec lui.
Aujourd’hui, le même Christ compte sur nous, pour participer à cette œuvre de libération, de rédemption. Beaucoup de nos frères et sœurs sont un peu comme s’ils étaient enfermés dans des tombeaux. Nous pensons à tous ceux qui sont opprimés, persécutés pour leur foi, pour leurs idées. Nous croyons que le Seigneur peut ouvrir ces tombeaux-là. Mais nous savons aussi que sa parole et son action passent par nos engagements. Le récit de la résurrection de Lazare est une bonne illustration de ce que doivent être nos engagements et plus particulièrement ceux d’un diacre :
– d’abord, Jésus est ému, bouleversé, se met à pleurer. Pleurons-nous en pensant au sort de nos frères ?
– ensuite il prie son « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé.. ». Commençons-nous une rencontre en rendant grâce à Dieu ?
– puis il ordonne à Lazare de sortir « Lazare, viens dehors ». Invitons-nous nos frères à faire un pas en avant ?
– il leur dit « déliez-le et laissez-le aller ». Jésus nous invite à délier les autres de leurs entraves. Ces entraves ne sont pas seulement physiques, nous le savons bien. Le faisons-nous ?
Il s’agit bien de devenir acteur de sa propre existence et partenaire de l’existence des autres. Le Christ nous apprend à les écouter (Marthe et Marie dans l’évangile) et à nous laisser toucher par leur souffrance. Il nous invite à ouvrir notre cœur, nos yeux, nos oreilles et nos mains. Les bandelettes qui entourent Lazare sont le symbole de notre égoïsme et de notre indifférence. C’est de cela que Jésus veut nous libérer.
En appelant Lazare à venir dehors, Jésus s’adresse aussi à tous les hommes. Il les appelle tous par leur nom. Avec lui, la mort ne peut avoir le dernier mot. Elle est devenue un passage, une porte vers l’éternité. En ce jour, nous faisons nôtre la profession de foi de Marthe: « Je crois, Seigneur ; tu es le Fils de Dieu qui vient sauver le monde. »
Le dialogue entre Didier, futur diacre, et moi-même pendant la liturgie de l’ordination qui suivra cette homélie, vous indiquera, chers frères et sœurs quelle est la mission du diacre. Il s’agira, pour Didier, de faire progresser le peuple chrétien en aidant l’évêque et les prêtres, de proclamer la foi par la parole et pas ses actes, de célébrer la liturgie des heures, d’intercéder pour le peuple de Dieu et pour le monde entier, de conformer sa vie au Christ dont il prendra le corps et le sang sur l’autel pour le partager aux fidèles.
Le pape a donné cette définition originale du diacre comme « sacrement du service de Dieu et des frères ». La vocation du diacre est ainsi de rappeler que le service est au cœur de la vocation de tout baptisé, et comme antidote à une société du « cela m’est utile », cela me « sert ». « Il semble qu’aujourd’hui, a constaté le pape, tout doive « nous servir », comme si tout avait pour fin l’individu : la prière « me sert », la communauté « me sert », la charité « me sert ». L’identité et la mission du diacre sont à l’opposé : « le diacre est le don que l’Esprit nous fait pour voir que le juste chemin va en sens contraire : dans la prière, je sers, dans la communauté, je sers, par la solidarité, je sers Dieu et mon prochain. » car il y a un lien entre le service caritatif et le service de l’autel, l’un conduit à l’autre. Le diacre ne peut pas prendre le pain et le vin qui serviront à la célébration de l’eucharistie et les déposer sur l’autel si il ne prend pas dans ses bras les pauvres et ses frères éprouvés dans la vie. Le diacre ne peut pas proclamer l’évangile s’il ne le vit pas lui-même.  Le Pape François a confié une autre mission aux diacres et a fait sourire l’assemblée lorsqu’il a ajouté que les diacres ont une mission d’apaisement des tensions et de réconciliation dans les communautés chrétiennes parce qu’ils ont l’expérience des relations avec leurs belles-mères !

 Cher Didier, nous prierons pour que vous soyez un bon serviteur des pauvres, de la parole, de l’autel. Que Dieu vous donne la grâce de grandir dans ce service qui est désormais le vôtre dans l’Eglise !

+ Georges Colomb

Retrouvez l’interview de Didier Magne avant son ordination sur RCF

 
photos :Laurent Chaumet

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