Homélie donnée par Mgr Colomb pour le 20ème anniversaire de l'association Enfants du Vietnam

18 Fév 2019

Homélie donnée par Mgr Colomb le samedi 16 février 2019 Vingtième anniversaire de l’association Enfants du Vietnam en la Chapelle des Missions Etrangères de Paris

 
Les Evangiles de saint Marc et de saint Matthieu contiennent deux récits de la multiplication des pains. Le premier intervient peu après la mort de saint Jean-Baptiste : au cours de ce prodige sont présentés au Fils de Dieu cinq pains et deux poissons, aliments chargés d’une très riche symbolique. Les pères y souvent ont vu une image de l’économie sacramentelle composée de deux sacrements qui font jaillir la vie dans l’âme – la baptême et la confession – et de cinq autres, qui ont pour but d’affermir l’œuvre de notre incorporation à Jésus-Christ – la communion, la confirmation, le mariage, l’ordre et l’extrême-onction. La seconde multiplication – celle des sept pains – a lieu ultérieurement. De nouveau, nous retrouvons le chiffre sept, mais ce qu’il y a de remarquable, c’est qu’il est à présent tout à fait appliqué à l’aliment du pain. Comme si l’évangéliste souhaitait montrer la centralité du pain – et du pain eucharistique – dans l’édification non seulement physique, mais également spirituelle, de la personne humaine. Nous nous rappelons avec joie la réponse que Notre-Seigneur, citant le livre du Deutéronome, opposa à la première tentation, lors de son séjour au désert : « L’homme ne se nourrit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche du Très-Haut ».
J’aimerais aujourd’hui demander avec vous au Seigneur les trois pains spirituels qu’il nous invite à recevoir au quotidien, dans le secret de notre cœur : 1) le pain de sa parole ; 2) le pain de notre devoir d’état ; 3) le pain eucharistique.
 
1) LE PAIN DE LA PAROLE. En multipliant les sept pains pour la multitude affamée, Jésus-Christ a révélé qu’il était le maître du temps et de l’histoire. Saint Jean Chrysostome, en commentant cette belle page de l’évangile, note que le miracle de la multiplication des pains constitue pour ainsi dire un renouvellement, un prolongement, une actualisation de l’œuvre créatrice, à l’origine de l’univers visible et invisible. En effet, le chiffre sept est fondamentalement lié, dans le récit de la Genèse, à l’œuvre créatrice.. Il existe une parole qui trompe, détruit et pervertit ; et Jésus veut lui opposer sa parole de vie qui nourrit, console, guérit, édifie, une parole source de vérité, ainsi que nous le lisons dans les psaumes. Le Verbe de Dieu est tout à la fois le message et le messager du Père. Sa parole est créatrice, agissante, parce qu’il n’y a pas de distance entre ce qu’elle est et ce qu’elle dit. « Le Père a dit une parole qui est son Fils, résume saint Jean de la Croix, et il la dit toujours dans un éternel silence ; c’est dans ce silence que l’âme l’entend ».
 
2) LE PAIN DE NOS DEVOIRS. « Le Seigneur Dieu renvoya l’homme du jardin d’Éden, pour qu’il travaille la terre ». Le deuxième pain dont il est aujourd’hui question est celui, commun, ordinaire mais extrêmement digne et méritoire, de notre devoir d’état. Ne méprisons pas les tâches les plus simples et les plus insignifiantes de notre quotidien qui sont le creuset de notre sanctification. Dieu n’accorde de grâces extraordinaires qu’à ceux qui savent se montrer fidèles dans les petites occasions de la vie. La lecture que la liturgie met aujourd’hui en lien avec la multiplication des pains est le récit de la chute originelle. Dans cette narration, il est question de deux aliments : le fruit de l’arbre défendu, cause du péché ; le pain, « gagné à la sueur du visage » qui est la monnaie de notre rachat. La multiplication des pains porte à sa suprême expression le labeur des hommes : ce travail n’est pas seulement un châtiment, mais l’occasion d’acquérir de grands mérites et d’œuvrer, chacun à sa place, à l’avènement du royaume des cieux. « La sueur et la peine que le travail comporte nécessairement dans la condition présente de l’humanité, écrivait saint Jean-Paul II, offrent au chrétien et à tout homme qui est appelé, lui aussi, à suivre le Christ, la possibilité de participer dans l’amour à l’œuvre que le Christ est venu accomplir. Cette œuvre de salut s’est réalisée par la souffrance et la mort sur la croix. En supportant la peine du travail en union avec le Christ crucifié pour nous, l’homme collabore en quelque manière avec le Fils de Dieu à la rédemption de l’humanité. Il se montre le véritable disciple de Jésus en portant à son tour la croix chaque jour dans l’activité qui est la sienne ». Tel est votre devoir d’état, chers amis de l’association Enfants du Vietnam, il s’agit de participer à la rédemption de l’humanité…. L’évangile nous invite donc à reconsidérer le train ordinaire de notre existence pour y faire germer l’extraordinaire, de grands fruits d’édification au service de la moisson évangélique. Avec le psalmiste, nous devons demander à Dieu de nous apprendre « la vraie mesure de nos jours » afin « que nos cœurs pénètrent la sagesse ». Portons un regard surnaturel sur notre travail, nos différents devoirs, les peines et les aléas de notre existence: ne les interprétons pas comme un châtiment, mais, à la lumière de la Rédemption, les yeux tournés vers le Seigneur, accueillons avec joie et action de grâces ces occasions renouvelées et innombrables de nous fortifier dans le Christ, d’asseoir solidement dans nos vies son amour et sa puissance.
 
3) LE PAIN EUCHARISTIQUE. Plus largement, le signe du pain est lié dans l’Ecriture aux grandes épreuves spirituelles auxquelles Dieu soumet l’âme : c’est le pain de la persévérance que le Très-Haut envoie à son peuple, au cours de la traversée du désert, sous l’apparence de la manne ; c’est le pain du réconfort que le Ciel offre au prophète Elie alors que, découragé par l’impiété de son siècle, celui-ci demande à Dieu de le rappeler à lui. Toutes ces préfigurations renvoient au pain de vie, au pain des anges, au pain de l’eucharistie. L’Eucharistie guérit, nourrit, fortifie l’âme en quête du Seigneur. Elle réalise le mystère de notre incorporation au Christ et baigne les petites misères de notre vie de sa lumière réconfortante. La multiplication des pains annonce la cène, qui est la réalisation par anticipation du mystère de la croix. Sur la croix, l’arbre de vie, Jésus-Christ rachète l’homme du péché et l’affranchit de sa servitude. La croix est l’antitype de l’arbre de la science du bien et du mal, parce qu’elle rétablit l’homme dans ses rapports d’amour filial et fidèle au Père. « En effet, écrit saint Paul, c’est en Adam que meurent tous les hommes et c’est dans le Christ que tous revivront… Le premier Adam était un être humain qui avait reçu la vie ; le dernier Adam, le Christ, est devenu l’être spirituel qui donne la vie ». Venons sans crainte à Jésus-Hostie ! Aimons à le regarder, véritablement présent dans le Saint Sacrement de l’autel, et à nous ressourcer de ses mystères et de ses dons ! Comme hier, il attend en mendiant la foule des pécheurs et des affamés de Dieu : « J’ai de la compassion pour cette foule, nous dit-il aujourd’hui, car ils n’ont rien à manger. Si je les renvoie chez eux à jeun, ils vont défaillir en chemin, et certains d’entre eux sont venus de loin ». Notre-Seigneur ne nous propose pas seulement de le recevoir dans le sacrement de l’eucharistie mais il nous en donne le commandement formel : « Je suis le pain de vie. Qui ne mange pas ma chair et ne boit pas mon sang n’aura pas la vie en lui ».
Ayez de la compassion pour les enfants du Vietnam dans une société qui change beaucoup et rapidement !
« Le Christ, écrivait Benoît XVI, se trouve devant la face du Seigneur et prie pour moi. Sa prière sur la Croix est contemporaine de tous les hommes, elle m’est contemporaine : Il prie pour moi, il a souffert et il souffre pour moi, il s’est identifié avec moi en prenant notre corps et l’âme humaine. Et il nous invite à entrer dans son identité, en nous faisant un corps, un esprit avec Lui, car du haut de la cime de la Croix il a apporté non de nouvelles lois, des tables de pierre, mais il a apporté lui-même, son corps et son sang, comme nouvelle alliance. Ainsi, il nous fait devenir ses consanguins, un corps avec Lui, identifiés à Lui. Il nous invite à entrer dans cette identification ; à être unis avec Lui dans notre désir d’être un corps, un esprit avec Lui ».
C’est cette prière qui est le socle de notre espérance, chers amis.

+ Georges Colomb

Évêque de La Rochelle et Saintes

Note :
L’association « Enfants du Vietnam » scolarise et apporte une aide alimentaire et médicale aux « Enfants du Vietnam » issus des familles les plus démunies. Elle leur donne une chance de grandir et d’étudier comme des enfants et d’assurer une fois adultes l’autonomie de leur famille.
Depuis sa création en 1999 à aujourd’hui l’association a construit soixante écoles et scolarisé plus de deux mille enfants grâce à des programmes de parrainages individuels et collectifs. Actuellement, d’autres projets – écoles sont en cours de réalisation.

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