22e dimanche du TO
Jr 20, 7-9; Ps : 62, 2, 3-4, 5-6, 8-9; Rm 12, 1-2; Mt 16, 21-27
Qui est Jésus et comment, l’ayant reconnu pouvons-nous le suivre ? Voilà les deux grandes questions auxquelles les disciples doivent répondre, auxquelles nous devons répondre à notre tour aujourd’hui. A la première question Pierre, sous la mouvance de l’Esprit-Saint a donné la juste réponse: il est le Christ, le Fils du Dieu vivant. A sa suite, il nous appartient, en Eglise, de confesser cette foi. Mais demeure la question du comment ? Comment va se manifester le salut apporté par le Messie ? Il va se manifester par la montée à Jérusalem, par le jugement, la condamnation et finalement la mort. Finalement non, car il y a l’inouï, l’inattendu, le matin de Pâques. Mais pour connaître ce matin, il nous faut consentir à la croix.
Consentir à la croix
Avez-vous déjà ressenti ce qu’il y a de profondément douloureux, de profondément bousculant, quand nous entendons un ami évoquer sa mort prochaine ? On pénètre soudain au plus intime de la vie, on s’approche d’un mystère tellement profond que nous en sommes forcément bouleversés. Notre siècle répugne à évoquer la mort. La pandémie nous a surpris comme des enfants désemparés. Chaque soir les actualités nous donnaient des chiffres et parmi eux celui des morts. Ce chiffre-là dissimulait des destins, il dissimulait des visages. Ce chiffre-là était le révélateur de ce que nous ne voulons pas voir, le révélateur de la fragilité humaine. Et il a plus à Dieu, dans son œuvre de salut, d’épouser jusqu’à cette fragilité. On comprend Pierre. Il a confessé en Jésus le Messie, le Fils du Très Haut, mais ça c’était sous la mouvance de l’Esprit-Saint. Soudain c’est comme si l’Esprit-Saint s’était retiré. Pierre est humain, tout humain, tellement humain qu’il ne peut même pas se laisser effleurer par l’idée de la mort de Jésus, son ami, son maître, celui qui doit restaurer la royauté d’Israël. Il faudra encore un long chemin de conversion à Pierre, il faudra aussi le don de l’Esprit-Saint, pour qu’il puisse entrer dans le mystère de la rédemption, dans la compréhension de la vraie nature du Royaume, dans la foi. Etre croyant, vivre dans la foi, c’est marcher avec Dieu. Et marcher avec Dieu, c’est se laisser “séduire” selon le beau mot du prophète Jérémie. Marcher avec Dieu, c’est accepter de porter sa croix, de nous attirer “l’insulte et la moquerie”, de perdre notre vie parfois. Tout ce qui nous détourne de ce chemin peut être appelé “satan” et “scandale” c’est-à-dire littéralement obstacle sur notre route vers le Royaume. On devine que Jésus lui-même a du hésiter sur la route qui le conduisait à Jérusalem, à la condamnation, à la souffrance et à la mort. A Gethsémani il va prier le Père d’éloigner la coupe de lui (Lc 22,42). Il aurait pu se faire sacrer roi des juifs, il aurait pu restaurer une royauté toute humaine en Palestine, après tout c’est cela que le peuple et les disciples attendaient.
Et nous aujourd’hui ?
Qu’attendons-nous de Jésus? Bien sûr, le contexte historique et politique a changé. Nous ne cherchons pas à faire de lui un roi au sens terrestre du terme. Mais, peut-être, attendons-nous de Jésus qu’il nous donne une vie douce, exempte d’épreuves ? Peut-être espérons nous trouver dans notre foi la recette du bonheur, pour nous, pour notre famille, pour ceux que nous aimons, et pourquoi pas pour notre pays ? Peut-être pensons nous y puiser des recettes pour notre vie de couple, notre vie religieuse, notre vie de parents et de grands-parents ? Toutes nos attentes sont légitimes et Dieu peut les entendre car il veut aussi notre bonheur mais souvenons-nous de ce qu’il dit au prophète Isaïe : “mes pensées ne sont pas vos pensées, mes chemins ne sont pas vos chemins” (Is 55,8). Dieu ne nous donne aucune recette, il ne nous garantit rien sinon son amour, sa présence à nos côtés pour cette vie et la vie éternelle à venir. Le Christ est d’abord venu sur terre pour faire l’offrande de sa vie, le don de lui-même, vrai homme et vrai Dieu, pour le salut des hommes. C’est dans ce sacrifice que Jésus se révèle Christ et Messie. A Pierre comme a nous-même, il faut tout le cheminement de la foi, toute une vie sans doute, pour comprendre, avec l’aide de l’Esprit, cette unique mission de Dieu. Jésus a accepté ce plan de salut de l’humanité, le plan de Dieu. A nous aujourd’hui de mettre nos pas dans ceux du Christ, et d’entendre l’appel de Paul : “Je vous exhorte, frères, par la tendresse de Dieu, à lui présenter votre corps – votre personne tout entière – en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu”.
+ Georges Colomb
Évêque de La Rochelle et Saintes