18e dimanche T.O
La Cotinière
Is 55, 1-3; Ps : 144, 8-9, 15-16, 17-18; Rm 8, 35.37-39; Mt 14, 13-21
Aujourd’hui nous sommes rassemblés pour une célébration particulière, renouvelée chaque été : la bénédiction de la mer et la prière pour les péris en mer. Cette célébration n’est pas une curiosité touristique. Elle est une tradition ancienne de l’Eglise qui veut ainsi manifester à Dieu sa reconnaissance pour la beauté du monde créé et le souci qu’elle porte de ceux de ses enfants disparus en mer.
La beauté du monde est aujourd’hui menacée. Les hommes, dans leur désir de possession avide, ont commis des dommages que certains jugent irréparables. L’Encyclique Laudato Si du pape François a attiré notre attention sur notre responsabilité. Quel monde allons-nous transmettre à nos enfants ? Quelle terre, quels océans ? La Liturgie de ce jour nous montre que la mission de Jésus, mission transmise à ses disciples, ne s’arrête pas aux frontières de la terre. Elle embrasse toute la création, faisant de la mer ou de l’immense lac de Tibériade qui lui est comparable, un lieu d’enseignement et d’annonce. Suivre Jésus, c’est accepter de monter dans la barque pour passer d’une rive à l’autre, pour passer de l’ignorance à la Révélation, de la mort à la vie. Suivre Jésus c’est, à l’image des premiers disciples, se laisser bouleverser et bousculer par la révélation de la puissance de Dieu manifestée en Jésus Christ qui fait taire les tempêtes, apaise les eaux profondes prêtes à ensevelir les hommes. Monter dans la barque pour passer sur l’autre rive, c’est encore voir sa foi mise à l’épreuve. Jésus dit aux disciples : “Donnez-leur vous-mêmes à manger”, nourrissez ce peuple, le peuple de mon Père, le peuple de Dieu, qui a faim et soif, qui est égaré sur la rive. Jésus provoque les disciples, il les sort de leur petit confort, il les invite à la rencontre des autres, de la foule.
Dieu aux mains pleines nous donne amour et liberté !
Après la mort violente de Jean-Baptiste, Jésus s’éloigne, préférant pour un temps un “endroit désert, à l’écart”. Mais la foule le rejoint vite, cette foule que nous sommes, ce peuple de Dieu en marche qui a faim et soif, sans vraiment comprendre ce qui pourra combler son attente. Aimant les hommes d’un amour infini, Dieu en Jésus, ne peut se dérober, quitte à mettre sa propre vie en danger. “Saisi de compassion” il donne à cette foule ce qu’elle est venue chercher, la guérison. Dieu vient à nous comme un père aux mains pleines des dons qu’il veut nous faire. Ces biens, le prophète Isaïe nous les dépeint de manière très concrète:” vous avez soif, venez, voici de l’eau ! Même si vous n’avez pas d’argent ….venez acheter du vin et du lait sans argent, sans rien payer…” Ce que le prophète veut nous faire comprendre c’est la générosité de Dieu, la gratuité et la profusion de ses dons. Le Royaume dont nous parlions les dimanches précédents, est fondé sur la gratuité. Dieu se donne, littéralement, en plénitude dans le don de la vie du Christ, dans le pain et le vin. Il nous donne aussi son pardon. Tout le monde est nourri et quand on ramasse les morceaux à la fin du repas, cela fait “douze paniers pleins”. Dieu ne nous marchande pas sa grâce.
La réponse à cette abondance, ne peut être de notre part que le don généreux de nous-mêmes, notre engagement à la suite du Christ, un engagement de foi en Eglise, dans la cité aussi. Dieu nous appelle. Puissions-nous lui répondre dans la confiance : « Parle, ton serviteur écoute » (1 S 3,10). Alors nous pourrons dire avec Paul “ni la mort ni la vie, ni les anges ni les Principautés célestes, ni le présent ni l’avenir, ni les Puissances, ni les hauteurs, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur”. Se mettre à l’écoute de Dieu, dans la gratuité, c’est toujours entrer en action, dans une action nourrie et fondée sur la prière. Se mettre à l’écoute de Dieu, c’est suivre un chemin de liberté. Je ne suis pas certain que les parlementaires qui ont voté la récente loi de bioéthique marchent sur le chemin de la liberté de conscience ! Dans notre société de réseaux sociaux, ne nous laissons pas emprisonner par les idées et les projets à la mode qui méprisent la dignité de l’homme, de l’enfant.
Donnez-leur vous-mêmes à manger, à vous de jouer !
Et si nous étions capables de bien plus de choses que nous voulons bien le croire ? Si notre impuissance était en partie due au fait que nous manquons de conviction et de courage, que nous sommes un peu paresseux ? Si nous déléguions trop facilement à d’autres le souci de l’avenir, le souci de la planète, le souci du frère ? Jésus a besoin de nous. Sans les “cinq pains et les deux poissons” que nous possédons, il ne peut rien faire. Non qu’il soit impuissant à agir, mais il lui a plu, dans son plan immense de salut du monde, de demander aux hommes leur implication, leur engagement. Agir par l’intermédiaire des disciples, tel est le choix de Dieu. N’ayons pas peur, nous sommes capables de partage, nous sommes capables de créativité, pourvu que notre action soit toujours nourrie de la Parole de Dieu, des sacrements et de la prière. De grâce, cessons de dormir, réveillons nous, agissons ! Dieu bénira toujours ce que nous déposerons humblement, avec un cœur pur, à ses pieds pour qu’il le transfigure et le multiplie. Jésus ne veut pas renvoyer la foule. Il compte sur nous pour aller vers cette foule, la foule des jeunes que la société civile éloigne de Dieu, la foule des hommes et des femmes qui se laissent tromper par les mirages d’une société toute entière bâtie sur des réflexes égocentriques, la foule aussi de ce ceux qui, au-delà des mers, manquent de l’essentiel, frappés par les crises climatiques, économiques, politiques. Sans cesse il nous redit ” Confiance ! C’est moi ; n’ayez pas peur ! ” (Marc 6,50). Allons, courage, Dieu nous précède, nous accompagne. Il bénit notre œuvre pourvu qu’avec humilité nous sachions la lui offrir !
+ Georges Colomb
Évêque de La Rochelle et Saintes