Homélie donnée par Mgr Colomb dimanche 18 août à Saint – Loup sur Thouet, pays natal de saint Théophane Vénard, martyr Mep (Missions Etrangères de Paris) au Tonkin
Homélie du 20ème dimanche du temps ordinaire – église de Saint-Loup sur Thouet
Jérémie 38, 4-6. 8-10 Psaume 39 Hébreux 12,1-4 St-Luc 12,49-53
Chers frères et sœurs,
Annoncer l’évangile suppose d’aimer à son tour – chanter la louange de Dieu, exprimer sa joie d’avoir rencontré le Christ est le premier pas de la vie missionnaire – l’évangile dérange, car il met chacun devant ses responsabilités.
1) L’annonce de l’amour de Dieu pour les hommes va de pair avec une exigence : celle d’aimer à notre tour
Jérémiades, ce mot vient du prophète Jérémie. On trouve dans le livre de Jérémie des expressions de découragement absolu : « Maudit le jour où je fus enfanté » – A cause des échecs de sa mission, des maux dont il est victime, il demande des comptes à Dieu : « Pourquoi les traîtres perfides sont-ils tous à l’aise ?
En lisant le livre de Jérémie, on comprend pourquoi le prophète se posait ces questions car apparaissent chapitre après chapitre les complots de ses adversaires. Dans le passage de ce jour, nous sommes devant l’un des malheurs de Jérémie : on veut le mettre à mort ! L’instrument de sa délivrance va être un étranger, un éthiopien nommé Ebed-Mélek. Ce n’est pas la première fois que l’Ecriture nous donne en exemple des étrangers plus respectueux de Dieu que les membres du peuple élu !
Le livre de Jérémie nous pose une question cruciale qui a déchiré de nombreux témoins de Dieu : pourquoi la Bonne nouvelle est-elle si mal accueillie ? Pourquoi nul n’est-il prophète en son pays ? Parce que l’amour de Dieu est exigeant et qu’il met l’homme face à ses responsabilités : celle d’aimer à son tour. Si saint-Théophane Vénard est parti en mission, ce n’est pas pour fuir une situation, son pays, sa famille à laquelle il était très attaché, c’est pour aimer, c’est parce qu’il aimait …
2) Chanter la louange de Dieu : c’est le premier pas de la mission !
Le psaume nous montre le peuple d’Israël qui chante sa reconnaissance car l’exil à Babylone est terminé. Cet exil était comme « un puits sans fond, un gouffre inexorable » qui a conduit au désespoir certains juifs. Pourtant pendant toute cette épreuve, les prêtres et les prophètes ont soutenu le peuple : « D’un grand espoir, j’espérais le Seigneur » et Dieu a sauvé son peuple : « Il m’a tiré du gouffre inexorable, de la vase et de la boue ». Et le peuple chante la louage de Dieu, il rend grâce : « En ma bouche, il a mis un chant nouveau, une louange à notre Dieu ». Grâce à la joie d’avoir été sauvé, exprimée par certains, d’autres vont découvrir l’amour de Dieu. En découvrant que Dieu peut sauver les hommes, ceux-ci se tournent vers lui : « et voyant cela, beaucoup seront saisis, ils croiront au Seigneur ». Nous pouvons contribuer au salut du monde en chantant la louange de Dieu ! Que nos assemblées soient joyeuses, que notre vie soit remplie d’espérance, de la joie de l’évangile…Mais il ne faut pas oublier de prier parce qu’il reste encore beaucoup de misère et pauvreté spirituelle dans le monde, c’est pourquoi le psalmiste termine « Tu es mon aide et mon libérateur, mon Dieu, ne tarde pas ! ». L’humanité a encore du chemin à faire sur la route qui la conduit au bonheur. Sur ce chemin, le Seigneur nous appelle, chers frères baptisés, le bonheur voulu pour nous par notre Seigneur est un bonheur exigeant, il n’est pas le fruit de compromis, de lâchetés, d’abandon, il est le fruit de la vérité qui est en nous, cette vérité, c’est le Christ !
3) Qui est notre maître, qui suivons-nous ? Quelle paix voulons-nous ?
L’auteur de la Lettre aux Hébreux encourage les chrétiens persécutés en rappelant la mémoire d’Abraham et de Sara, mais il invite surtout à suivre le Seigneur Jésus « à l’origine et au terme de la foi », il nous le présente comme le maître qu’il convient de suivre. Ce ne sont pas seulement les souffrances du Seigneur que souligne l’auteur de la Lettre aux Hébreux, c’est son obéissance « Renonçant à la joie qui lui était proposée, il a enduré l’humiliation de la croix ». Dans la pire des situations, Jésus garde confiance en son père. Nous sommes invités à méditer « Méditez l’exemple de celui qui a enduré de la part des pécheurs une telle hostilité » car « vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang dans votre lutte contre le péché ». Les persécutions sont inévitables, la lettre aux hébreux nous le rappelle ! L’actualité le fait aussi ! A nous qui ne connaissons pas en Europe la persécution directe, il ne nous est pas demandé d’être des martyrs comme le furent Saint Théophane Vénard et saint Jean-Charles Cornay, il nous est demandé d’être des témoins.
La mission de Jésus est comparée à un feu. Il est vrai que depuis le feu de la Pentecôte, l’annonce de l’évangile a été destructrice de l’édifice religieux du peuple juif et dans le monde païen, elle est considérée comme déraisonnable. Saint-Paul écrit aux Corinthiens : « Nous prêchons un messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les païens » 1 CO 1,23. Ceci entraîne des divisions jusque dans les familles, on le constate lors de la visite de Jésus chez lui à Nazareth (Luc 4,28-29) : « Tous furent remplis de colère dans la synagogue. Ils le jetèrent hors de la ville pour le pousser en bas ». Jésus d’ailleurs indique à ses disciples que l’une des conditions de l’annonce du royaume de Dieu est l’acceptation de possibles déchirures (Luc 14,26) « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa femme, ses enfants, …et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple ». L’annonce de l’évangile a contredit l’ordre confucéen au Vietnam, en Chine !
Israël n’attendait pas un messie promettant des guerres et des divisions, mais un messie qui apporterait la paix ! Pensons aux prophéties d’Isaïe (Isaïe 2) « Le loup habitera avec l’agneau.. », or Jésus annonce des divisions « Pensez-vous que je sois venu apporter la paix dans le monde ? Non, je vous le dis, mais plutôt la division. ». Jésus nous pousse plus loin, il nous fait réfléchir sur la nature de la paix. La paix ce n’est pas le calme, l’absence de vague, l’esprit de Münich ! Cela n’est qu’une apparence de paix, une fausse paix ! La paix réclame une conversion des cœurs et c’est à cette conversion que s’opposeront les contradicteurs de Jésus, la paix exige des cœurs qui cherchent la justice, la croissance intégrale de l’homme (spirituelle, intellectuelle, économique et sociale). Notre pape en créant le dicastère du développement intégral a voulu insister sur cette responsabilité qui incombe à tout homme et à fortiori aux disciples du Christ que nous sommes tous, nous qui sommes ici rassemblés. Syméon l’avait bien annoncé le jour de la présentation de l’enfant Jésus au temple « Il est là pour la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël.. ». Sachons le, l’évangile dont nous vivons, que nous voulons annoncer change le cœur des hommes, nous rapproche de l’amour de Dieu dont il nous fait vivre. Il n’est pas étonnant qu’il dérange les tyrans au Vietnam hier, dans d’autres pays aujourd’hui. Pensons à la Corée du Nord…
Chers amis, travaillons pour la communion dans notre Eglise, mais dans la vérité, pas au prix de compromis inacceptables ; oeuvrons pour l’harmonie et la paix sociale, mais pas au prix de l’injustice. De cette façon, nous serons des porteurs de paix !
+ Georges Colomb
Évêque de La Rochelle
Théophane Vénard
Né le 21 novembre 1829 à Saint-Loup-sur-Thouet (Deux-Sèvres), mort le 2 Février 1861 à Hanoï.
Martyr, missionnaire au Tonkin, béatifié par Pie X en 1909.
Canonisé par Jean-Paul II à Rome le 19 juin 1988 parmi les 117 Martyrs du Vietnam.
À Hanoï au Tonkin, en 1861, saint Jean-Théophane Vénard, prêtre de la Société des Missions étrangères de Paris et martyr. Après six années de ministère clandestin marquées par les fatigues et les angoisses, il fut dénoncé par un traître et, comme il refusait de piétiner la croix, il fut enfermé dans une cage et, d’un cœur joyeux, alla au devant de son supplice, sous l’empereur Tu Duc. Martyrologe romain