20e dimanche T.O
Is 56, 1.6-7; Ps : 66, 2-3, 5, 7-8; Rm 11, 13-15.29-32; Mt 15, 21-28
“Femme, grande est ta foi!”. On devine dans le propos de Jésus de l’étonnement et de l’admiration. Cette païenne, voilà qu’elle donne une leçon de foi, de persévérance, de confiance en un Dieu qu’elle ne connaît pas, non pas en demandant quelque chose pour elle-même, mais pour ce qu’elle a de plus précieux, son enfant.
Qu’est-ce que Dieu attend des hommes ? La seule chose que nous puissions lui offrir et qui touche son cœur de père c’est notre foi et notre confiance, une foi tenace, persévérante, obstinée, une confiance sans faille en sa volonté de répondre à nos demandes sincères et de nous apporter la joie sur cette terre et la vie éternelle à venir. De cette foi, tous les hommes sont capables. Le cœur de Dieu ne réserve pas ses dons aux membres d’un club, d’un cercle d’initié, d’une synagogue ou d’une communauté fermée sur elle-même. Bien sûr les promesses du salut ont d’abord été données au peuple qu’il s’est choisi car ses “dons gratuits sont sans repentance”, comme le rappelle Saint-Paul dans sa lettre aux Romains. Le fait que les juifs contemporains de Jésus ( la plupart d’entre eux) n’aient pas accepté sa prédication demeure pour nous un mystère, toutefois, le prophète Isaïe nous rappelle que la volonté de Dieu est bien d’élargir le don du salut à l’humanité, que sa maison est une maison de prière pour tous les peuples.
La Cananéenne, figure des périphéries d’aujourd’hui
Nous pouvons admirer, à plus de vingt siècles de distance, le courage et l’audace de cette femme. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle ne craint pas d’importuner le monde ! Jésus semble d’abord se ranger du côté des disciples qui lui demandent de la renvoyer “je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël”, répond-t-il à ses supplications. Dans l’évangile de Matthieu on trouve chez Jésus ce souci des “brebis perdues de la maison d’Israël” (Mt 10,6). Paul lui-même que nous désignons sous le nom d’apôtre des païens, s’était aussi tourné d’abord vers ses frères juifs. Ce n’est que devant le mystère de leur refus qu’il a entrepris de gagner au Christ les païens “dans l’espoir de rendre jaloux mes frères selon la chair, et d’en sauver quelques-uns”. La question de l’ouverture du salut aux nations païenne est déjà très présente dans l’ancien testament. Le prophète Isaïe avait reçu de Dieu cette promesse “Les étrangers qui se sont attachés au Seigneur pour l’honorer, pour aimer son nom, pour devenir ses serviteurs, tous ceux qui observent le sabbat sans le profaner et tiennent ferme à mon alliance, je les conduirai à ma montagne sainte”, c’est-à-dire je les compterai comme membres de l’Alliance sainte, comme héritiers des promesses du salut. Jésus ne peut pas ignorer cette prophétie. Ce qu’il veut sans doute, c’est tester la foi de cette femme toute entière habitée par l’urgence de sauver sa fille. Dans l’Eglise, tous les hommes sont appelés et accueillis comme fils d’un même père, sachons répondre à cette invitation, osons prier le Seigneur, présentons lui notre vie, celle de nos proches, n’ayons pas peur de lui parler, comme le fit la cananéenne.
Le dernier mot doit être celui de la miséricorde
C’est l’Esprit-Saint qui façonne notre cœur et fait de nous des fils et c’est en lui que nous crions « Abba ! », c’est-à-dire : Père !”, dira Paul aux Romains (Rm 8, 15). Après la Pentecôte le visage de l’Eglise se dessine : c’est une Eglise ouverte et missionnaire. Tous ses membres sont appelés à participer à l’annonce de l’Évangile, chacun selon son charisme et sa vocation. Le pape François ne cesse de nous rappeler à temps et à contretemps l’urgence d’une nouvelle évangélisation qui s’ouvre largement à toutes les “périphéries”. Où sont les périphéries aujourd’hui, ici, dans le diocèse ? Il appartient à chacun de nous, évêque, curé, vicaires, membres des Equipes pastorales, laïcs en mission, de consentir à nous “décentrer” pour ne plus être seulement une Église qui accueille, mais une Église en sortie. Une Eglise pionnière, c’est une communauté qui trace de nouvelles routes, qui crée de nouveaux lieux de rencontres et d’échanges avec la société civile, ce sont des disciples missionnaires qui visitent leurs frères. Les paroisses doivent demeurer des centres vivants, accueillants et nourriciers. Pour ne donner qu’un exemple de ce décentrement nécessaire, il faut penser au monde virtuel qui s’est développé à côté du monde réel. Ce monde virtuel, réseaux sociaux, internet, est celui de la jeunesse. Où est l’Eglise, où est l’annonce de l’Évangile ? Autre exemple de périphéries, celles et ceux que notre société est prompte à retirer de notre regard, les personnes âgées, les personnes handicapées. Le pape François parle d’une “culture du déchet” (EG, no 53). La récente loi sur la bioéthique, votée par quelques dizaines de députés, cette loi qui est une porte ouverte vers l’eugénisme, cette loi qui prive les enfants du droit à un père, cette loi contient en germe les problèmes sociaux de demain, elle crée une nouvelle catégorie de pauvres. Elle nous interroge sur la nature d’une démocratie autoréférencée, sans repères éthiques. Nous mesurons l’importance de notre responsabilité. Nous sommes des disciples du Christ, nous ne sommes pas des moutons de Panurge ! Il nous faut parler à contre temps pour rappeler que le service du bien commun ne consiste pas à satisfaire des prétentions individuelles ou les intérêts de groupes de pression de toute sorte. Nous devons tenir notre place et assumer nos responsabilités dans la cité en tenant éveillée notre conscience de chrétien, mais cela n’est pas suffisant, le dernier mot nous est donné par le Seigneur dans sa réponse à la Cananéenne : «Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! ». Nous sommes les relais de la miséricorde divine, tout frère ou soeur éprouvé par la vie est un appel à la miséricorde de Dieu. Le dernier mot doit être celui de la miséricorde !
+ Georges Colomb
Évêque de La Rochelle et Saintes