Homélie donnée par Mgr Colomb dimanche 1 mars 2020

2 Mar 2020

Dimanche 1er mars                1er dimanche de Carême            Appel décisif des catéchumènes

(Gn 2, 7-9 ; 3, 1-7a; Ps 50 (51), 3-4, 5-6ab, 12-13, 14.17; Rm 5, 12-19; Mt 4, 1-11)

En ce début du carême la liturgie nous invite à méditer sur la présence du mal en ce monde et en chacun de nous, non pas pour nous laisser accabler mais au contraire, pour tourner notre regard vers le Christ venu en ce monde nous ouvrir la voie de la libération. C’est ce chemin de libération qui vous est offert aujourd’hui, chers catéchumènes, alors que vous allez vivre l’ultime étape vers le baptême.

L’homme est un être divisé. Nous en faisons tous l’expérience. Il est capable de reconnaître le bien, pour lui-même, pour ses semblables, pour la planète qu’il habite, et pourtant il est porté à agir mal. Etre divisé, il a besoin de la grâce manifestée en  Jésus pour que s’ouvre à lui le chemin de la libération. 

Un être divisé

Dans un récit imagé, la Genèse situe l’irruption du mal en ce monde dès l’origine.  Le récit de la chute  concerne l’humanité dans son ensemble et chacun de nous en particulier, là où nous en sommes de notre chemin de vie en ce début de Carême.  Créés libres, nous faisons l’expérience des possibles.  Il n’est qu’à voir la soif d’aventure du jeune enfant ! Adultes, nous savons qu’il existe des chemins qui mènent au bonheur et d’autres qui ouvrent la voie du malheur, des chemins qui font grandir, d’autres qui nous privent d’une part de notre humanité. C’est ces chemins-là qu’en toute lucidité le catéchumène choisit de suivre.  Peser le bien et le mal, voilà le mystère de notre liberté, celle-là même que Dieu a voulu pour nous.  S’adressant aux Romains Paul pourra dire : “Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas.” (Rm 7, 19) Pourtant nul désespoir chez l’apôtre ! Car Dieu n’a pas voulu la création, il n’a pas voulu l’homme, pour les laisser errer sur les chemins de la mort. Certes nous nous égarons, et parfois, hélas nous pouvons entraîner avec nous d’autres hommes, d’autres femmes, sur des chemins de traverse…Derrière de généreuses intentions, combien de désirs d’appropriation de l’autre, de recherche de pouvoir, de doute sur les intentions de Dieu. Ce sont ces chemins tortueux qu’emprunte le serpent pour faire tomber le premier couple en disant : “Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux”  (Gn 3, 4-5). La tentation telle que décrite dans le livre de la Genèse est la pierre de touche de notre liberté.  Dieu nous répète, à chaque étape de notre croissance et de notre vie de baptisé, à chacun de vous, catéchumène : “Je mets aujourd’hui devant toi ou bien la vie et le bonheur, ou bien la mort et le malheur” (Dt 30,15).  Choisir la vie c’est comprendre que, par-delà les divisions de notre propre âme, voulant le bien mais faisant le mal, le Christ nous tend la main pour nous apporter le salut.

La délivrance par le Christ

Tous nous sommes tombés, marqués par le doute et la division ” Depuis Adam jusqu’à Moïse, la mort a établi son règne, même sur ceux qui n’avaient pas péché” nous dit l’apôtre Paul. Mais “si la mort a frappé la multitude par la faute d’un seul, combien plus la grâce de Dieu s’est-elle répandue en abondance sur la multitude, cette grâce qui est donnée en un seul homme, Jésus Christ.” En effet, “l’accomplissement de la justice par un seul a conduit tous les hommes à la justification qui donne la vie”. L’accomplissement de la justice c’est l’offrande qu’il a fait de sa vie pour le salut du monde. En toute liberté, il est venu accomplir le dessein de Dieu pour l’humanité. En toute liberté, nous pouvons dire “oui” à ce projet de salut. Car si la foi nous enseigne que le mal est présent sous de multiples formes en ce monde, elle nous enseigne aussi que, dans le Christ, nous sommes sauvés de ce mal.

C’est en toute liberté que Jésus a accepté sa mission. Il a vaincu le tentateur en repoussant une à une toutes ses tentatives de séductions auxquelles nos premiers parents avaient cédé, auxquelles chaque jour, à notre mesure, nous cédons. Nous avons faim, faim de pain,  faim du pouvoir, faim de  toute-puissance…faim de devenir “comme des dieux”.  C’est de cela que le Christ nous libère, mais il ne le fera pas sans nous.

Dieu nous offre le salut dans et par le Christ mais il ne peut pas nous sauver malgré nous. Vous l’avez bien compris, vous qui demandez à l’Eglise le sacrement du baptême. Nous pouvons rendre notre esprit perméable aux doutes du malin “Si tu es fils de Dieu….” Ces doutes sont autant de graines de mort semées dans le cœur de l’homme : “ordonne que ces pierres deviennent des pains… jette-toi en bas…prends les royaumes du monde et leur gloire pour toi…. La délivrance offerte par le Christ dans le don de sa vie attend de nous des actes concrets. Puisque l’homme ne vit pas seulement de pain mais de la Parole de Dieu, quelle place occupe cette parole de Dieu chaque jour de ma vie ? Devant l’épreuve, suis-je capable de me convertir et de me tourner avec confiance vers Dieu ou vais-je mettre le Seigneur à l’épreuve en doutant de son amour?   Vers combien d’idoles (l’argent, le pouvoir…) vais-je me prosterner oubliant que seul Dieu doit être adoré ? Jésus rappelle au diable « Arrière, Satan ! Car il est écrit : c’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte ». Le Seigneur, par ses paroles donne une bonne leçon à tous les tyrans du monde entier qui veulent se faire adorer et à nous, il adresse une leçon de science politique : Dieu seul est adorable, ne soyez pas les valets et les adorateurs des pouvoirs en place. Les hommes d’état sont au service de la cité, du pays, des peuples. Vous, citoyens, participez à la vie publique en restant des hommes libres.

Toutes ces questions nous renvoient à l’ordinaire de nos vies, baptisés et futurs baptisés. En ce temps du Carême nous sommes invités à entrer dans le désert pour à notre tour, trouver les justes réponses aux tentations. L’Esprit Saint nous précède  et éclaire notre route. Le Christ a vaincu pour nous toutes les tentations du démon. A sa suite, nous sommes capables, par la grâce et le soutien des sacrements, de les vaincre à notre tour !

Vos lettres écrites avec franchise expriment votre foi, chers amis. Elles montrent les chemins que vous avez suivis, elles mettent en évidence les obstacles que vous avez surmontés. Aujourd’hui, dans cette église, vous exercez votre liberté. Vous aurez à renouveler cet exercice chaque jour. Vivez du baptême que vous allez recevoir. Vous appartenez au Christ, vous n’êtes pas les prisonniers d’idéologies, de sociétés secrètes, de sectes. Grâce à l’évangile, vous êtes des hommes debout, grâce au baptême vous allez recevoir cette éminente dignité de prêtre, de prophète, de roi. Voilà la position que l’Eglise veut pour l’homme dans le monde. Fort de la grâce de votre baptême, vous vous libérerez de toute entrave, de toute addiction et si vous n’y parvenez pas seuls, sachez que l’Eglise est une grande famille, puisqu’elle est le corps du Christ dont nous sommes les membres, alors demandez et vous recevrez, prenez votre place dans votre Eglise. Elle vous attend, elle a besoin de vous pour annoncer au monde le chemin de la vie que vous avez parcouru jusqu’au baptême.     Merci pour votre foi, votre courage. Que Dieu vous bénisse !

+ Georges Colomb

Évêque de La Rochelle et Saintes

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