Homélie donnée par Mgr Colomb dans une paroisse de Madrid le 30/12 – fête de la Sainte famille – rassemblement "pèlerinage de confiance sur la terre" organisé par la communauté de Taizé.

31 Déc 2018

Homélie donnée par Mgr Colomb dans une paroisse de Madrid le 30/12 – fête de la Sainte famille – rassemblement “pèlerinage de confiance sur la terre” organisé par la communauté de Taizé.

 
Fête de la Sainte Famille 2018
Chers Frères et Sœurs,
Quand on parle de la Sainte Famille de Jésus, on évoque souvent les scènes de la petite enfance, avec Jésus bébé dans les bras de sa mère ou fuyant Hérode guidé par saint Joseph. Mais l’enfance n’a qu’un temps. Jésus, lui aussi, a grandi. Et l’épisode qui est au cœur de la liturgie de ce jour nous montre Jésus adolescent. Il manifeste sa personnalité naissante et son indépendance en prenant l’initiative de rester seul à Jérusalem, au terme du pèlerinage annuel.
De cette anecdote, qui nous relate un événement qui manifestement tranche sur la vie ordinaire à Nazareth et qui est si merveilleusement raconté par Saint Luc, nous pouvons faire deux lectures: la première est celle du récit, la seconde celle de la prophétie.
Le récit s’attache aux événements tels qu’ils se déroulent et ils nous sont relatés du point de vue des parents. Ce sont eux qui vont chaque année en pèlerinage à Jérusalem pour la fête de Pâque. Ce sont eux qui reprennent la route avec la caravane sans se soucier de l’enfant. Ce sont eux évidemment qui s’aperçoivent au bout d’une journée de l’absence du fils. Ce sont eux, nous dit-on, qui le cherchent parmi leurs parents et connaissances. Ce sont eux qui laissent la caravane pour remonter à Jérusalem où ils le cherchent, non pas pendant un jour, mais pendant trois jours. Et lorsqu’ils retrouvent l’adolescent, ce sont leurs réactions qui nous sont rapportées avec les reproches irrités qu’ils lui adressent. Et, comme il arrive toujours aux parents d’adolescents, ce sont eux qui se font reprocher vertement leur angoisse et leur zèle: Pourquoi donc me cherchiez-vous? J’imagine sans peine que bien des parents d’adolescents se retrouveront dans ce récit qu’on croirait écrit pour eux, ce qui est bien consolant. C’est que pour sainte qu’elle soit, la Sainte Famille n’en est pas moins une famille humaine qui obéit aux même règles que les autres.
Mais derrière le récit, il y a la prophétie. Cette famille n’est pas n’importe quelle famille. Elle a ce privilège unique d’être la famille humaine du Verbe de Dieu. Et ce que vivent Joseph et Marie, ils ne le vivent pas seulement comme parents, mais aussi comme disciples. Leur fils (et ils le savent dès l’origine) est aussi leur Maître. L’enfant qui leur a été confié ne leur appartient pas. Il leur échappe. Ils doivent le chercher!
Et cette recherche se présente comme une véritable quête spirituelle. Ils doivent quitter le quotidien de la caravane; ils doivent se retourner, ce qui évoque une démarche de conversion; ils doivent monter vers Jérusalem et c’est une montée pascale comme l’indique le chiffre symbolique des trois jours de leur recherche.
Et finalement ils retrouvent Jésus, le troisième jour, dans le temple et assis! Autant d’annonces prophétiques de sa Passion, de sa Résurrection et de sa Gloire quand il sera assis à la droite du Père.
Mais ils ne comprennent pas. Ils passent à côté du mystère. Ils sont comme Marie-Madeleine devant le Ressuscité qu’elle prend pour le jardinier. Et la réponse de l’adolescent à ses parents: Ne saviez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père? rappelle ou plutôt annonce celle que Jésus fait à la Madeleine: Ne me retiens pas. Je monte vers mon Père et votre Père!
Ainsi, à Jérusalem, quand Jésus eut douze ans, Marie et Joseph ont été comme les premiers témoins de sa résurrection, ou du moins comme les premiers témoins de l’annonce de sa passion et de sa résurrection. Mais ils ne comprirent pas la parole qu’il venait de leur dire! Les Apôtres non plus, plus tard, ne comprendront pas les annonces que Jésus leur fera de sa montée à Jérusalem.
Nous voilà donc avertis. A nous aussi il est donné de côtoyer le divin dans nos vies. Et de nos vies nous pouvons faire deux lectures. Il y a le récit des événements ordinaires dont nous sommes plus ou moins maîtres. Et il y a la prophétie. Nous ne sommes pas tous parents d’adolescents pour tirer profit de cette page. Mais nous sommes tous des disciples. Nous sommes tous des chercheurs de Dieu angoissés et désordonnés. Il a fait chez nous sa demeure, mais il nous échappe et nous devons le chercher sans cesse. Il multiplie aussi pour nous les signes auxquels nous devons reconnaître sa présence. Nous ne le possédons comme un bien personnel; c’est lui qui nous attire à lui par des chemins toujours inattendus, comme Marie et Joseph en firent l’expérience.
Ainsi la Sainte Famille de Jésus nous enseigne-t-elle que nous pouvons faire de nos familles et de chacune de nos vies, le lieu où l’on accueille le mystère de Dieu, le lieu où il se révèle, le lieu où il se cache et où il se laisse trouver.
À Noël, c’est un petit enfant qui nous est confié. Mais il ne cesse de grandir. Il ne cesse de nous échapper et nous devons le chercher sans cesse, car ce qu’il veut c’est nous conduire à son Père, il veut que nous soyons nous aussi consacré aux affaires de son Père.
Prions pour les familles de notre pays, mais aussi celle du monde entier, particulièrement celles qui doivent fuir leur pays. Prions pour elles et déposons-les dans le cœur de la Sainte Famille.
Ainsi soit-il !
+Georges Colomb
Évêque de La Rochelle et Saintes

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