Homélie donnée par Mgr Colomb à Saint-Laurent- sur- Sèvre dimanche 8 octobre 2017
Actes 1,6-14 – psaume 22 – 1 Corinthiens 1,17-25 – Matthieu 28,16-20
1) De toutes les nations faites des disciples
Le départ du Christ était une condition pour recevoir le don de l’esprit qu’il promet aux disciples. La promesse d’alliance de Dieu ne peut pas être circonscrite en un lieu donné, en un temps donné. Cet épisode qui nous est rapporté dans le livre des Actes annonce la mission universelle de l’Eglise qui trouve son point de départ dans l’évangile que nous venons de lire : « Allez, de toutes les nations, faites des disciples ». Rien ne saurait restreindre le champ missionnaire, la vigne du seigneur s’étend à l’infini !
Certes l’incarnation du verbe de Dieu et la mission de Jésus à Jérusalem, en Galilée, en Judée, en Samarie ont rendu visible l’œuvre de Dieu mais celle–ci était limitée géographiquement. La force de l’esprit saint est de rendre présence cette œuvre divine en d’autres espaces, à toutes les époques. Ainsi la force de l’incarnation du verbe de Dieu et la force de l’esprit saint s’unissent pour que la mission soit efficiente toujours et partout. L’ascension de Jésus qui nous est rapportée n’éloigne pas notre Seigneur, elle le rend présent dans le monde entier, il s’agit, en quelque sorte d’une incarnation cosmique !
C’est pourquoi nous ne sommes pas invités à regarder vers le ciel, mais à contempler ce vaste monde, à prier comme le firent les apôtres dans la chambre haute. Notre Eglise, envoyée en mission par Jésus, par le don de l’esprit saint est marquée par cette double dimension. Elle est visible là où nous sommes rassemblés à deux ou trois, mais elle ne l’est que partiellement, car elle est aussi visible ailleurs, à l’autre extrémité du monde, elle est visible dans sa perfection, la Jérusalem céleste.
Envoyée en mission à tous les hommes, à toutes les nations, l’Eglise doit constamment veiller à ne pas se laisser enfermer dans les limites visibles que nous connaissons, l‘Eglise est en exploration de terres, d’aréopages nouveaux à découvrir. C’est l’esprit qui la guide sur ce chemin missionnaire. Elle n’est pas réservée à une élite, à des gens qui se ressemblent et se trouvent bien entre eux. Elle ne saurait se contenter des bonnes habitudes du passé. Elle est au service de ceux qui sont nos proches et elle aime les lointains. Le pape François nous rappelle sans cesse que nous sommes envoyés aux périphéries, que l’Eglise est un hôpital de campagne.
Nous pouvons comprendre pourquoi St-Louis Marie Grignion de Montfort quitte Rennes en 1693 pour gagner Paris à pied et rejoindre le Séminaire de Saint Sulpice. Il parcourt 300 kms, sans un sou en poche, devenant le témoin de la grande misère des campagnes de son temps. Notre saint n’avait pas de limites dans la tête et nous savons qu’en route il donna le plus beau vêtement qu’il portait et le protégeait du froid. L’esprit souffle où il veut !
2) Vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous
Le Seigneur nous l’a dit « je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde », l’évangile de ce jour nous le rappelle ! C’est pour nous une source de paix profonde qui nous pousse au service les uns des autres, à l’engagement dans notre Eglise pour la mission. Ce sentiment de sécurité qui doit nous habiter en raison de cette promesse doit être présent en nous dans ce monde qui n’est pas sécurisé, dans ce monde violent et cette proximité spirituelle avec Dieu, cette communion doit trouver son accomplissement dans une dynamique d’amour qui nous permet de choisir. Oui nous avons des choix à faire dans la vie, il y a des priorités ! Devenir témoin du Christ est pour tout baptisé la priorité ! C’est possible si nous demandons la force de l’esprit saint et c’est urgent. Ouvrons les yeux autour de nous. Observons notre environnement quotidien (monde du travail, des loisirs, des études…). Nous percevrons alors combien la vie de nos contemporains, la nôtre aussi, serait plus belle si les hommes ouvraient leur cœur au Seigneur. Nous sommes d’autant plus libres d’être les témoins de l’évangile que nous ne sommes pas des représentants de commerce, nous ne recherchons aucun profit,, aucun prestige et c’est pourquoi d’ailleurs parfois le monde rejette les missionnaires et les persécute ; Nous ne sommes pas dans une logique consumériste. Nous sommes sous la grâce de Dieu !
3) Ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes
Jésus, le Jésus de l’histoire, a vécu parmi nous, a parcouru les routes de Galilée, a soigné, guéri, enseigné. Jésus a été condamné parce qu’il est le chemin, la vérité, la vie et que l’esprit du monde ne peut accepter cela. Le monde ne peut accepter de se laisser condamner, montrer du doigt par la vie d’un Juste, par son témoignage jusqu’au don de sa vie !
L’esprit mondain ne peut pas accepter que Jésus soit vainqueur de la mort, qu’il soit plus fort que la logique de l’efficacité, de la force. Le monde ne l’accepte pas, le monde ne le comprend pas !
Cette sagesse de Dieu nous la trouvons présente chez St-Louis-Marie Grignion de Montfort alors qu’il est collégien à Rennes : « Il quitte sa famille à l’âge du collège pour gagner Rennes et poursuivre ses études chez les Jésuites. C’est un élève intelligent, studieux, déjà enflammé de l’amour de Dieu, il a le souci des pauvres. Il voit un jour un camarade d’études pauvre, en guenilles, malmené et moqué par une bande de mauvais garçons. Sans souci des railleries, il se déclare son ami. Puis une idée lui vient : tous ces élèves riches qui se moquent du pauvre : qu’ils l’aident plutôt ! Et Louis-Marie leur montre l’exemple. Il organise une collecte et avec ce qu’il récolte, le voilà chez le tailleur:” Voici mon frère et le vôtre” dit-il au marchand ; ” j’ai quêté dans la classe ce que j’ai pu pour le vêtir ; si cela n’est pas suffisant, c’est à vous d’ajouter le reste ! ”
Mais Montfort lors de sa marche de Rennes à Paris prend aussi conscience de la pauvreté spirituelle, et de l’urgence de redonner aux hommes et aux femmes de son temps les fondamentaux de la foi. Et pour cela il saura faire feu de tout bois, mettant tous ses dons au service de l’évangélisation, quitte à déplaire et à s’attirer les foudres de la hiérarchie. Montfort se sent avant tout envoyé vers les “pauvres”. Pauvres matériellement, pauvres spirituellement, malades, infirmes, vagabonds, enfants voués à l’ignorance et pour lesquels il ouvrira des écoles. Parler de la pauvreté au sens où Montfort l’entend, c’est déjà entendre quelque chose des intuitions spirituelles du pape François. C’est déjà savoir que c’est aux “périphéries” que l’annonce de Dieu est attendue. Tout jeune prêtre il déclare :” Je sens de grands désirs de faire aimer Notre Seigneur et sa sainte Mère, d’aller d’une manière pauvre et simple faire le catéchisme aux pauvres de la campagne et exciter les pécheurs à la dévotion à la Sainte Vierge » (Lettre 5)
Tout au long de sa vie il sera suivi sans réserve par la foule des pauvres et des humbles qu’il saura toucher au cœur et contesté par la hiérarchie qui verra en lui un mystique trop enthousiaste et peu conformiste. En 1706 il part à Rome faire confirmer sa vocation par le pape. L’Empire colonial français est en train de se construire. Montfort se verrait bien évangéliser outre-mer. Connaissant la situation de la France, ravagée par les guerres, la pauvreté, l’ignorance, la réponse du pape sera sans appel : «Vous avez un assez grand champ en France pour exercer votre zèle ; travaillez avec une parfaite soumission aux évêques dans les diocèses où vous serez appelé.».
C’est ce que fit St-Louis-Marie en transmettant au monde l’espérance du matin de Pâques. Nous savons que nos contemporains la cherchent cette espérance. Ici, en dehors de l’Eglise, seul l’espoir d’un moment leur est proposé, l’enthousiasme d’un instant, la consommation passagère de ceci ou cela. C’est l’espérance de Pâques qui permet les grands élans, les belles aventures humaines, la fidélité dans l’adversité et la persécution. Alors, frères et sœurs, ne restons pas là à regarder vers le ciel, contemplons le mystère de la croix, adorons le Seigneur et mettons-nous en route car c’est l’heure de la mission !
+ Georges Colomb