Homélie donnée à Guiclan, Maison des Pères de saint-Jacques, par Mgr Colomb à l’occasion de la rencontre internationale des supérieurs généraux d’Instituts missionnaires.
1) Le missionnaire est chargé d’annoncer au monde le primat de Dieu. L’annonce de l’Evangile découle nécessairement de la nature de notre vocation ; elle nous place en situation d’urgence. Les sacrements de l’Eglise nous invitent à répandre avec toujours plus de zèle et de fécondité la bonne Nouvelle du Salut. Dans sa Résurrection, le Christ nous montre l’achèvement de son dessein d’amour et de réconciliation. L’annonce de la foi n’est pas la proposition d’une doctrine figée et autosuffisante, mais bien plutôt l’ouverture à une personne : Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai Homme. « Celui qui vient du ciel est au-dessus de tous, il témoigne de ce qu’il a vu et entendu, et personne ne reçoit son témoignage ». Dans le mystère de l’Incarnation, le Fils éternel du Père se manifeste au regard de notre cœur pour nous apprendre à mettre de l’ordre dans notre existence et à retrouver le sens des priorités de la vie. La première nous est rappelée par les apôtres dans le livre des Actes : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes ». Nous avons l’admirable témoignage des martyrs de nos sociétés missionnaires qui nous le rappelle. Le missionnaire est celui qui donne en toute chose la préférence à Dieu ; il œuvre par sa prédication et par son zèle apostolique à l’avènement du règne social de Jésus-Christ. La mission exige des renoncements : l’esprit d’indépendance, le confort, le repos, la famille, les amis, le confort spirituel… Mais ces renoncements permettent aux trésors de la grâce de fleurir avec un plus grand éclat dans l’âme missionnaire qui, au beau milieu des tempêtes de la vie personnelle ou celles de la vie de l’Eglise et du monde, sait qu’elle peut compter sur le Seigneur, qui, comme le rappelle le psalmiste, est un roc inébranlable. « Le Seigneur entend ceux qui l’appellent : de toutes leurs angoisses, il les délivre. Il est proche du cœur brisé, il sauve l’esprit abattu. Malheur sur malheur pour le juste, mais le Seigneur chaque fois le délivre ».
2) Annoncer le primat de Dieu en proclamer, à la suite des apôtres, Jésus mort et ressuscité. « Le Dieu de nos pères a ressuscité Jésus, que vous aviez exécuté en le suspendant au bois du supplice. C’est lui que Dieu, par sa main droite, a élevé, en faisant de lui le prince et le sauveur, pour accorder à Israël la conversion et le pardon des péchés » (Actes 5,27-33). En mourant sur le bois de la croix et en ressuscitant le troisième jour, Jésus a reconquis l’univers blessé par le péché. Dans le Verbe fait chair se trame la réconciliation non seulement de l’homme, mais de la création toute entière avec le Père éternel. Saint-Jean nous le rappelle dans l’évangile de ce jour : « Le Père aime le Fils et il a tout remis dans sa main ». Comment pouvons-nous prendre part à l’unité recouvrée dans le Christ ? Par une foi vive, une foi riche en œuvres bonnes : « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle ». Voilà pourquoi la mission est avant tout la proclamation de Jésus mort et ressuscité : « Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à mes lèvres. Goûtez et voyez : le Seigneur est bon ! Heureux qui trouve en lui son refuge ! ». N’est-ce pas une joie pour chacun d’entre nous de conduire au refuge, c’est-à-dire vers le cœur du Seigneur, tous nos frères et sœurs qui ne le connaissaient pas et l’ont rencontré, tout spécialement ceux qui sont blessés par la vie (physiquement ou psychologiquement), les plus petits, ceux qui ne sont jamais interviewés mais auxquels l’Eglise reconnaît la dignité d’enfants de Dieu. N’est-ce pas parce que nos prédécesseurs ont montré aux minorités ethniques, leur dignité en écrivant des grammaires, des dictionnaires, en faisant d’une tradition orale une langue écrite, en scolarisant et soignant leurs enfants, que celles-ci ont découvert dans l’évangile la parole du dieu vrai et unique et qu’elles l’ont rencontré ?
3) Jésus demeure à nos côtés. Nous évoluons dans un monde tourmenté, profondément marqué par le désordre économique et social, les injustices, la violence, fruits du péché et, parfois, grande est la tentation de perdre courage, au milieu des tribulations, des peines et des épreuves dont nous charge l’annonce de l’Evangile. Nous devons alors nous souvenir que Jésus-Christ a vaincu le monde, que de sa lutte contre Satan, il est sorti vainqueur de la mort et du péché. Par ailleurs, souvenons-nous que nous n’accomplissons pas une œuvre personnelle lorsque nous proposons la foi, mais nous participons humblement à l’unique sacerdoce et l’unique mission du Christ Sauveur. « La méfiance de soi est indispensable dans le combat spirituel », écrivait Laurent Scupoli, ce théatin injustement accusé et condamné dont le livre (le combat spirituel) accompagnait dans ses voyages le grand évêque de Genève, Saint-François de Sales. Il ajoutait : « Sans cette vertu d’humilité, nous ne pouvons pas espérer vaincre nos passions les plus faibles, et encore moins espérer remporter la victoire ». Or, notre esprit de foi, notre zèle joyeux et aimant sont des lieux de rayonnement privilégiés pour l’esprit – saint. « Dieu donne l’Esprit sans mesure à ceux qu’il envoie ». Un dévouement humble et confiant est la disposition que tout missionnaire doit adopter pour se souvenir qu’il ne fait pas œuvre personnelle, mais qu’il est un instrument de l’évangélisation, souple et docile entre les mains de Dieu. Pierre et les apôtres le rappellent au commandant du temple (Actes 5,27-33) : « Quant à nous, nous sommes les témoins de tous ces mystères, avec l’Esprit Saint, que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent ». Si nous demeurons fidèles aux exigences de la mission, si nous proclamons avec force et conviction la Bonne Nouvelle du Salut, si nous prenons soin de rester disponibles et dociles aux inspirations de l’esprit vivificateur, alors Dieu permettra que nous soyons d’authentiques témoins de sa résurrection, que notre mission porte du fruit en abondance et que ce fruit demeure. « Chaque jour, écrivait saint Jean-Marie Vianney, nous devrions demander à Dieu de tout notre cœur la vertu de l’humilité et la grâce de comprendre que nous ne sommes rien par nous-mêmes, et que notre bien-être corporel et spirituel viennent de Lui seul ». C’est cette vertu qui nous permet de prendre notre juste place par rapport à Dieu, par rapport à nos frères et sœurs et nous donne de nous exclamer à la suite de Saint Théophane Vénard «Vive la joie quand même», la joie de l’évangile dont le Pape François veut que nous vivions et rayonnions autour de nous.
+ Georges Colomb
Évêque de La Rochelle et Saintes