Homélie 2018 TO 14ème dimanche – Mgr Colomb – Thuret, diocèse de Clermont
Présence de Dieu, liberté de l’homme et tragique de l’humanité
– Récit partiel de la vocation d’Ézéchiel
– Quand Dieu envoie en mission, Il donne toujours la force nécessaire
– Nous sommes à Babylone, avec les déportés chassés de Jérusalem par Nabuchodonosor
– Dieu s’adresse à Ézéchiel, loin de la mère patrie “Fils d’homme, je t’envoie vers les fils d’Israël, vers ce peuple de rebelles qui s’est révolté contre moi”.
Au contact de l’idolâtrie ambiante, les tentatives d’abandonner la foi juive ont été fortes. Certains étant tentés de changer de religion ( Si nous sommes vaincus, c’est parce que leurs dieux sont plus forts…)
– On devine à travers ces lignes que le prophète aura fort à faire. Le mot “rebelle” revient plusieurs fois sous sa plume.
– Mais à travers la gravité mêlée des reproches adressés par Dieu à son Peuple, on peut lire la deuxième très bonne nouvelle contenue dans le livre d’Ezechiel : ce peuple est dur et indocile, soit ; et bien même cela n’arrête pas la fidélité de Dieu à son alliance : quelle que soit son attitude, d’écoute ou de refus “il saura que Dieu continue de lui parler, de l’appeler”. Il y a un prophète au milieu d’eux. Oui, Dieu est présent par les médiations qu’il choisit et il l’est toujours à tel point que l’homme le rend responsable parfois des malheurs qui s’abattent sur lui. “Si Dieu existait, cela n’arriverait pas”, entend-t-on au sujet d’un , d’une catastrophe naturelle, d’une guerre, de toute autre calamité ! Oui Dieu est présent, mais pas comme auteur, il est présent comme soutien, par son esprit de conseil, dans les moments de joie, comme dans les moments d’épreuve. Il est présent à Babylone, comme à Jérusalem. Il est présent aujourd’hui avec nous ici dans cette belle église, comme il l’est dans le coeur des hommes qui se laissent toucher par lui dans la solitude et la violence des camps en Corée du Nord ou ailleurs.
La vie de Saint Bénilde nous parle de cette opposition entre les choix de l’homme, fruit de la liberté que Dieu lui donne, liberté allant jusqu’à la possibilité de le renier et la fidélité de Dieu qui se manifeste par les prophètes qu’il envoie. Il enverra même son propre fils ! Saint Bénilde ne fut-il pas d’abord mal accueilli à Saugues en Haute Loire en 1841 : “Les Frères nous envoient ce qu’ils ont de moindre”, murmuraient les Sauguains.
Nous ne comprenons pas toujours les choix de nos contemporains, parfois ceux faits par des membres de notre propre famille, par des amis chers. Leur façon de vivre, leurs choix nous interrogent. Gardons-nous bien de juger les actes ou les personnes, mais ne cessons pas de nous interroger sur nos choix, c’est-à dire sur la façon dont nous exerçons notre liberté d’enfant de Dieu ! Que recherchons-nous, le bien commun ou la satisfaction d’un intérêt particulier ? Que voulons-nous préserver, des privilèges acquis ou bien l’avenir de notre jeunesse dans notre pays ?
Cette question du bon usage de la liberté donnée par Dieu est très intéressante ! Nous avons de nombreux débats sur la laïcité dans notre société française. Rappelons-nous qu’elle est le fruit de la civilisation chrétienne, elle est le fruit de l’évangile, de la séparation du temporel et du spirituel. La laïcité n’existe pas dans les sociétés qui n’ont pas été influencées par le christianisme !
Faiblesse et force de l’apôtre, du disciple missionnaire, persévérance du peuple
– Le psaume 22, psaume des montées, chanté pendant la marche des pèlerinages à Jérusalem nous montre l’ardeur des rescapés qui, après l’exil à Babylone, reviennent au pays et entreprennent de reconstruire le temple. Ils sont en opposition avec ceux qui s’étaient installés à Jérusalem en l’absence des exilés et s’exclament : “Pitié, Seigneur, pitié pour nous, notre âme est rassasiée de mépris. C’en est trop, nous sommes rassasiés du mépris des orgueilleux”. pensez, chers frères et sœurs, à toutes les déconvenues, toutes les oppositions que vous rencontrez en voulant tout simplement vivre votre foi, en voulant rester ou devenir des disciples du Christ ! Nous en avons des temples à reconstruire , à consolider afin que le monde voie, afin que le monde croie ! Les plus beaux de ces temples, je n’en retiendrai que trois, ce sont notre vie personnelle, notre famille, notre Eglise. Aimons les ! Oui, aimons-nous, aimons notre Eglise qui est le corps du Christ, aimons nos familles qui sont de petites églises. Elles sont le lieu de la gratuité. Nous pouvons parfois être torturés dans les choix que nous avons à faire entre famille et Eglise. L’amour de l’un ne va pas sans l’autre, le service de l’un ne va pas sans l’autre. Saint Bénilde a connu cette apparente opposition entre amour de la famille, de sa terre, ici à Thuret d’une part, et amour de l’Eglise, d’autre part. Ce fut en 1821 lors du décès de sa mère. Son père aurait bien aimé le garder, mais il répondit : “il faut me donner tout à Dieu et faire la volonté de mes supérieurs”. Apparente opposition parce que, en fait, sur le long terme, toute réponse à l’appel de Dieu est source de grâce pour les familles, source de paix, source de communion.
Comme Ezéchiel, Paul a bénéficié de visions et révélations exceptionnelles, mais il reste humble : “une écharde l’empêche d’être orgueilleux (sa maladie – le rejet de la bonne nouvelle par ses frères de race – le fait d’avoir persécuté les chrétiens ?) . Il est bien placé pour savoir que la persécution est inévitable pour les apôtres ! Dès sa conversion et ses premières prédications à Damas, il a été attaqué physiquement (Actes 9). Pour le sauver, il a fallu lui faire quitter la ville ( en le descendant dans une corbeille le long de la muraille ( Actes 9,20-25)
– Un peu plus loin dans cette même lettre aux Corinthiens, il récapitule tout ce qu’il a dû subir à cause de sa prédication. Mais les épreuves qu’il a subies sont le lieu où se manifeste aux yeux de tous la vraie source de sa force, non pas en lui-même, mais dans le soutien provenant de la présence du Christ en lui.
Faiblesse et force des apôtres : notre faiblesse n’est pas une entrave à l’évangélisation, c’est peut-être même le contraire ! Ce qui est constaté par Paul, peut l’être par chacun d’entre nous. Ne soyons pas découragés par notre propre faiblesse. Dieu parle aux hommes par des êtres fragiles, des hommes faibles et il est venu pour sauver ces hommes faibles (Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs”, Matthieu 9. C’est la mission qui fait le missionnaire ! Sachons répondre aux appels du Seigneur, aux appels de l’Eglise qui passent par la médiation des pasteurs et de ceux qui collaborent avec eux. Il y a un temps pour tout : un temps pour dire oui et c’est ce oui qui rend libre pour se former et pour partir ensuite en mission, ici dans la paroisse, dans le diocèse, ailleurs. L’Eglise n’a pas de frontière et elle est faite pour la mission !
il n’y a rien d’étonnant à ce rejet des prophètes, de Paul, de nous-même par le monde qui nous entoure !
Nombreux sont ceux qui ont été séduits par Jésus, par son enseignement et ses miracles ; les pharisiens et leurs scribes, quant à eux, ont déjà, à plusieurs reprises, manifesté leur hostilité. Certains ont même décidé de se débarasser de lui ( Son crime : guérir les malades n’importe quand et même le jour du sabbat). Mais de retour dans son village, il subit un véritable échec au point de ne plus pouvoir accomplir un seul miracle. Son propre village le refuse : toute l’attention du récit se concentre sur la réaction des anciens voisins de Jésus. A Nazareth, comme à Capharnaüm, les assistants ont d’abord été frappés d’étonnement, mais à Nazareth, les choses ont mal tourné. L’étonnement a viré au scandale.
Et pourtant lueur d’espoir : Jésus a quand même pu opérer quelques guérisons.
Saint-Benilde dans l’exercice du beau métier d’enseignant est éprouvé. Directeur de l’école communale à Saugues de 1841 à 1862, il déclare : “j’imagine que les anges eux-mêmes, s’ils devenaient maître d’école, auraient peine à ne pas se fâcher ; pour moi, c’est bien la Très Sainte Vierge qui m’empêche de rompre un membre aux plus turbulents”, “sans la foi, ce serait un rude métier que le nôtre”. Je crois que les enseignants, dans certaines zones d’éducation prioritaire, aujourd’hui peuvent se retrouver dans ces affirmations de Saint Bénilde ! Nous voyons combien l’amertume a pu envahir le coeur de Saint-Bénilde. Toutefois, comme Jésus a pu faire des guérisons à Nazareth, malgré l’hostilité dont il était victime, St-Bénilde a non seulement conquis le coeur et l’estime des enfants de Saugues grâce à son esprit intuitif qui fait de lui un bon pédagogue, mais aussi celui des adultes dont il a eu le souci de relever le niveau. Les reconnaissances officielles qui l’ont gratifié de compliments et des palmes académiques n’ont pas entamé son humilité. Il déclara après les avoir reçues :”je n’ai rien fait d’exceptionnel pour mériter tant d’honneur, je n’ai fait que mon devoir”.
Puissions-nous, chers frères et sœurs, nous endormir paisiblement chaque jour après avoir pensé : “Aujourd’hui je n’ai fait que vivre la grâce de mon baptême” et comme l’a dit le Pape Pie XII lors de la cérémonie de béatification de Saint-Bénilde “en faisant les choses communes d’une manière non commune”.
Amen
+ Georges Colomb
Évêque de La Rochelle et Saintes
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