Ez 18, 25-28; Ps : 24, 4-5ab, 6-7, 8-9; Ph 2, 1-11 (ou brève : 1-5); Mt 21, 28-32
En chemin vers le Royaume de Dieu, ce Royaume que Jésus est venu nous annoncer, voilà que nous découvrons que rien n’est joué d’avance. Prostitués, publicains, fils rebelles, fils obéissants, tous enfants de Dieu sont appelés. Ils sont invités, avec nous aujourd’hui, à donner une réponse libre à l’appel de Dieu. Jusqu’au dernier moment, cette réponse peut changer, c’est le repentir. Car Dieu nous aime d’un amour infini et cet amour se donne sans fin avec patience.
Les deux faces de notre personnalité
Ces deux fils sont comme les deux faces de notre personnalité. L’une est cette part en nous qui dit “non”, qui se rebelle, qui refuse. L’autre est cette part qui consent et se donne. Jésus le sait bien. Comme le père de la parabole, il ne condamne jamais personne car, quand les temps seront venus, mais ce n’est pas encore, Dieu rassemblera l’humanité dans une grande gerbe et il séparera le bon grain de l’ivraie (Mt 13,18 et s).
Pour le moment, il faut que tous puissent croître, se développer et avoir le temps de comprendre, de se repentir et de se mettre en chemin. Personne ne peut être réduit à ses œuvres passées. C’est plutôt une bonne nouvelle si, à l’image des prostituées et des publicains, à l’image de Marie-Madeleine et de Zachée, nous mettons à profit le temps qui nous est donné pour nous ouvrir à la grâce du salut. C’est une moins bonne nouvelle si, comme les grands prêtres et les anciens du peuple nous nous installons dans la certitude d’être des justes et refusons de nous convertir.
Ce que Jésus veut nous dire au travers de cette parabole, c’est qu’il n’y a pas d’un côté les justes et de l’autre côté les méchants. Il veut nous dire que c’est en nous que passe cette frontière entre le bien et le mal et qu’il est toujours possible de passer du mal au bien.
Se convertir
Ni Jean-Baptiste ni Jésus n’ont réussi à amener les grands prêtres et les anciens, ceux qui se prenaient pour des justes, sur le chemin de la conversion. Qu’en est-il pour nous aujourd’hui? Jésus ne cesse de le répéter : “Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs” (Mc 2,17) Mais nous savons tous combien il est difficile de se reconnaitre malade et pécheur et nous avons tendance à jeter un regard condescendant sur tous ces pauvres, ces égarés, les malades et les pécheurs de notre temps.
Nous aimons à penser que nous ne sommes pas comme eux. C’est l’apôtre Paul qui nous donne la clef de l’attitude juste, conforme à celle d’un disciple du Christ. Il nous invite à nous réconforter les uns les autres, à nous encourager avec amour, à avoir de la tendresse et de la compassion, à travailler à l’unité, avec humilité et constance. En un mot, il nous invite à conformer notre attitude à celle du Christ.
Mais nous le savons, et Paul le savait aussi, si nous comptons sur nos seules forces, cela est impossible. Le vieil homme est bien vivant en nous et ce n’est pas un hasard si le psaume, tout de suite après avoir demandé “Seigneur, enseigne-moi tes voies…” implore Dieu ” Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse …. oublie les révoltes, les péchés de ma jeunesse”. Sans le pardon de Dieu nous ne sommes rien, nous ne pouvons rien. C’est cela que les publicains et les prostituées avaient compris et qu’il nous faut comprendre.
La question que le Christ nous pose aujourd’hui n’est pas de savoir combien de fois nous avons dit “oui” ou “non” aux appels du Père. La question qu’il nous pose maintenant est celle-ci: es-tu prêt aujourd’hui à aller travailler à ma vigne, cette vigne qui est ton héritage puisque tu es mon fils, ma fille ? Il est inutile de nous revendiquer chrétien si nous n’entendons pas cet appel et si nous ne nous mettons pas en route.
Le pape François ne cesse de nous le rappeler : “C’est bien de se dire chrétien, mais il faut avant tout être chrétien dans des situations concrètes, témoignant de l’Évangile qui est essentiellement amour pour Dieu et pour nos frères et sœurs” (Angélus du 18 août 2019). Le grand champ du combat pour l’écologie intégrale attend que nous nous engagions. Le grand champ des droits à protéger pour les personnes vulnérables, les réfugiés, les vieillards, les malades, attend que nous nous mettions au travail.
La solidarité a besoin de nos mains, de nos bras, pour se manifester. Les pauvres ont faim et soif de pain et de justice, de paix aussi. Dieu ne nous fait pas la morale, jamais. Il veut nous transformer et transformer notre manière de vivre et d’agir pour préparer ce monde à la venue du Royaume.
Oui, rien n’est joué, tout est possible, car nous sommes libres. N’ayons pas honte d’avoir dit “non” au Seigneur à certaines heures. Avançons dans la confiance en son pardon et dans notre capacité à travailler à sa vigne.
+ Georges Colomb
Evêque de La Rochelle et Saintes