Que s’est-il passé après ?
Officiellement, l’évêque s’est installé dans son nouveau palais épiscopal à la fin des années 1870, ou au début des années 1880, dans des locaux qui ont été intégrés plus tard au Muséum d’histoire naturelle, rue Dauphine, actuelle rue Albert 1er. Avant l’arrivée de l’évêque, l’endroit avait servi de premier local à l’établissement Fénelon. L’évêque y a demeuré jusqu’en 1906. A cette époque, l’abbé Eyssautier (qui deviendra évêque de La Rochelle en 1906) dirigeait l’institution diocésaine de Pons (l’équivalent d’un collège lycée) dont les bâtiments ont été rasés dans les années 1970. Cet homme originaire des Basses-Alpes qui connaissait très bien le diocèse pour y avoir fait toute sa carrière, a été l’homme de la « reconstruction » après la loi de 1905 qui a marqué la séparation des Eglises et de l’Etat.
Depuis quand les évêques résident dans les locaux de l’actuel évêché ?
Depuis que Mgr Eyssautier s’y est installé. Sacré évêque en novembre 1906, il ne peut accéder au palais épiscopal rue Albert 1er, celui-ci étant mis sous séquestre par l’Etat. Il fut provisoirement accueilli par les Dames blanches avant de s’installer, assez rapidement, rue Saint-Jean, dans l’ancienne demeure des Lazaristes. La propriété où ils résidaient a été aménagée au milieu des années 1890. Après la mort de Mgr Eyssautier en 1923, son successeur, Mgr Curien, a continué de résider dans ces locaux. La résidence de l’évêque n’a connu que peu d’aménagements depuis sa construction (voir le plan sur les panneaux).
Qui étaient ces pères lazaristes ?
Il s’agissait des prêtres de la Congrégation de la Mission fondée en 1625 par saint Vincent de Paul. Il y avait des Lazaristes à La Rochelle sous l’Ancien Régime. Ils sont revenus dans le diocèse au début des années 1850, pour diriger le grand séminaire de La Rochelle – devenu depuis le lycée Dautet et non Fénelon qui a été acheté plus tard – et s’occuper des missions diocésaines à Saintes. A Saintes,ils se sont installés près de l’église Saint-Eutrope. La paroisse Saint-Eutrope de Saintes leur a été confiée durant une vingtaine d’années. A la mort du Lazariste en charge de celle-ci, il est décidé de confier de nouveau la paroisse Saint-Eutrope à un prêtre diocésain, ce qui amène le départ à La Rochelle des Lazaristes responsables des missions diocésaines. Ils s’installent au début des années 1890, d’abord au grand séminaire
Ce sont eux qui ont élevé la chapelle de l’évêché…
Oui. L’église Saint-Jean a été fermée en 1878, puis, après beaucoup de débats, démolie en 1887, en raison de gros problèmes de vétusté. Les fondations étaient très insuffisantes et mal construites et les murs fléchissaient. Par ailleurs, le réseau paroissial était jugé trop dense à La Rochelle. La Direction des cultes à Paris, l’évêque et le maire de La Rochelle (E. Delmas, protestant) se concertent pour redessiner les paroisses rochelaises. La paroisse Saint-Jean est officiellement supprimée tandis qu’une nouvelle paroisse voit le jour, en 1887, à Saint-Maurice, avec comme lieu de culte la chapelle Saint-Maurice puis l’église de La Genette. C’est l’époque où se construisait le quartier de La Pallice, et où se développaient les quartiers proches du centre-ville… Les Lazaristes ont donc élevé une chapelle en 1895, la chapelle Saint-Jean. Celle-ci a été rapidement ouverte au public et quand on menace de la fermer, une pétition de soutien attire près de 250 signatures. Dans le quartier Saint-Jean, il y avait plutôt une population de marins qui se sentaient peu attirés par la paroisse de la cathédrale de laquelle ils dépendaient désormais. De plus, dans cette chapelle, assistent à la messe vieillards, malades et infirmes du quartier qui ne peuvent pas se rendre à la cathédrale.
Puis les lazaristes ont quitté les lieux…
Les Lazaristes n’ayant plus eu droit d’exercer leur mission sur le sol français, ils quittent l’immeuble en 1903 ; celui-ci fut mis à la disposition de l’évêque quand il commença à rechercher, après 1906, une résidence définitive. Alors que le bâtiment accueille depuis de longues années l’évêque, ce n’est qu’en 1926 que le local est rétrocédé à l’Association diocésaine, à la faveur de l’accord de 1924 entre le Saint-Siège et l’État français. Ce dispositif permet de pallier le refus de l’Église catholique de constituer les associations cultuelles prévues par la loi de 1905. L’association diocésaine ayant une personnalité juridique peut acquérir et gérer les biens destinés à l’exercice du culte.
Après, l’histoire de l’évêché est beaucoup plus simple…
En 1953 les locaux des bâtiments administratifs de l’Eglise catholique de Charente-Maritime sont construits sur la sacristie de la chapelle Saint-Jean. Ils referment le côté sud du jardin de l’évêque. En 1991 le bâtiment Saint-Bernard au 9, place Foch (le bâtiment qui se trouve à proximité du petit palmier) est acheté pour loger des services diocésains. Certains prétendent que cet achat fut réalisé afin d’éviter un voisinage gênant. Il y avait un commerce ici avant 1991… Quant au clocher, ce n’est pas une propriété du diocèse.
Qu’en est-il de l’histoire de l’école Dor rue Saint-Jean ?
Elle s’appelait école Dor en hommage à Eugène Dor, maire de La Rochelle de 1879 à 1883. S’élevant sur l’emplacement de l’église Saint-Jean détruite, elle est construite au début des années 1900.Malgré sa proximité avec l’évêché, c’était un établissement public et laïc accueillant des petites filles. Il faut dire que toutes les écoles catholiques se concentraient à l’époque dans le quartier de Fénelon –Notre-Dame. Au XIXe siècle le « quartier catholique » de La Rochelle – celui où se trouvaient le plus grand nombre de bâtiments religieux – était situé autour de la rue du muséum. D’un côté il y avait le couvent Saint-Joseph de la Providence, en face se trouvait le palais de l’évêque, et quand on descendait à l’Oratoire, on y trouvait es Frères des Ecoles chrétiennes, avant qu’ils n’aménagent rue Alcide-d’Orbigny en 1881. Peu avant dans la rue, se trouve aussi la maison des Filles de la Charité de saint Vincent de Paul.
Qu’est-ce qui est intéressant dans cet évêché et son histoire ?
C’est un évêché classique, post 1905. Une maison bourgeoise classique du début du XXe siècle. Un ensemble de bâtiments qui ont été aménagés et réaménagés. Contrairement à d’autres évêchés comme celui de Bordeaux ou d’Aire qui migra à Dax, celui de La Rochelle n’a pas « trop déménagé ».
L’histoire du diocèse de La Rochelle et Saintes est en revanche particulièrement riche…
A l’échelle historique, le diocèse de La Rochelle est relativement récent puisqu’il a été créé par le pape Innocent X le 4 mai 1648. C’est une conséquence indirecte du siège, victorieux, de la ville en 1627-1628. Ordonné par Louis XIII et commandé par Richelieu, le siège visait à abattre la puissance des protestants, Louis XIII avait souhaité que soit créé le diocèse de La Rochelle pour contrecarrer l’influence protestante dans la région. Au conseil de régence de Louis XIV, saint Vincent de Paul aurait lui-même insisté auprès de la Régente Anne d’Autriche pour que le diocèse de La Rochelle soit fondé.Le diocèse de La Rochelle a bien été créé en 1648. Il s’agit en fait du transfert de l’évêché de Maillezais, situé au cœur du Marais poitevin et déjà ruiné par les guerres de Religion au XVIe siècle.
La Révolution française est venue perturber les choses…
Lors de la période révolutionnaire, le diocèse de La Rochelle a disparu quelques temps, car il a fusionné avec le diocèse de Saintes. Déposé car ayant refusé de prêter le serment à la Constitution civile du clergé, l’évêque de Saintes, Pierre-Louis de La Rochefoucauld, meurt lors du massacre de la prison des Carmes en 1792. Le diocèse de la Charente-Inférieure est alors dirigé par un évêque constitutionnel, Isaac-Etienne Robinet, depuis 1791. Il renonce très vite à sa tâche sous la Terreur. Le concordat de 1801 permet de rétablir le diocèse de La Rochelle (alors que La Rochelle n’était pas encore une préfecture…). Le siège épiscopal de la Rochelle, supprimé en 1790, a été rétabli en 1802.L’évêché a donc été déplacé de Saintes à La Rochelle en 1802.
Propos recueillis par Clément Vidal et Olivier Seigneurin, auprès de Nicolas Champ , Maître de conférences à l’Université de Bordeaux III