"La douceur est une des premières caractéristiques par laquelle Dieu se fait connaître à l’homme", souligne Mgr Migliore lors de la messe du pèlerinage à l'île Madame (HOMELIE)

26 Août 2020

“C’est quelque peu grotesque et à la fois tragique que le régime politique et social qui a commis des atrocités sur tant de martyrs, il y a 230 années de cela, s’inspirât du même idéal : construire un monde nouveau”. Lors du pèlerinage à l’île Madame, le 25 août 2020, Mgr Celestino Migliore, nonce apostolique en France, a centré l’homélie de la messe célébrée au sanctuaire de Port-des-Barques (Charente-Maritime) sur l’idéal de créer un “homme nouveau”. (TEXTE INTEGRAL)

Nous avons commencé notre pèlerinage avec les paroles de saint Paul : « Si donc quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né ».

C’est quelque peu grotesque et à la fois tragique que le régime politique et social qui a commis des atrocités sur tant de martyrs, il y a 230 années de cela, s’inspirât du même idéal : construire un monde nouveau. Un monde nouveau qui remplaçait la religion, la foi chrétienne, par la raison. Donc, l’Église et ses membres, en particulier les prêtres, faisant part du monde ancien devaient disparaître.

La construction d’un monde nouveau c’est le fil rouge qui lie les idées et les programmes mis en place par les révolutionnaires de l’époque ainsi que par les révolutionnaires de tous les temps.

L’aspiration de l’homme tout au long de son histoire de millions d’années a toujours été celle de dépasser toutes les limites humaines, de se transcender, et, comme premier pas, de quitter son monde ancien, ses conditions de vie parfois insoutenables pour réaliser ce désir de salut que tout être humain porte en lui-même.

Au cours des deux siècles qui ont suivi les événements tragiques que nous commémorons aujourd’hui, plusieurs révolutions ont eu lieu, toutes destinées à transformer l’homme, l’humanité, à travers l’histoire, à travers de nouvelles formes d’organisation sociale, politique, économique. Aujourd’hui est en cours une révolution d’une certaine façon silencieuse, mais invasive et galopante, qui se propose de changer non seulement les conditions de vie, mais l’homme lui-même, à travers la technologie. C’est la révolution ainsi nommée du « transhumanisme ». La procréation des nouveaux habitants de la Terre est confiée toujours plus à la technologie, elle commence à se faire et quelquefois à être manipulée dans les laboratoires. La vie et le futur des hommes deviennent une auto construction de leur part.

Tout cela peut susciter consternation, inquiétude et peut-être peur vis-à-vis de l’avenir. Mais, grâce à Dieu, nous ne cédons pas au désarroi. Chaque fois que nous nous réunissons, comme aujourd’hui, autour de la proclamation de la Parole de Dieu et de la célébration de l’Eucharistie, cela nous ouvre de nouveaux horizons.

Même les martyrs que nous vénérons aujourd’hui et durant toute l’année liturgique étaient animés du même idéal, celui de créer un monde nouveau, un homme nouveau.

« Vous vous êtes débarrassés de l’homme ancien qui était en vous et de ses façons d’agir, et vous vous êtes revêtus de l’homme nouveau qui, pour se conformer à l’image de son Créateur, se renouvelle sans cesse en vue de la pleine connaissance ».

C’est le chemin que saint Paul indiquait aux premiers chrétiens et qu’aujourd’hui encore il nous propose : se conformer à l’image de notre Créateur.

Et quelle est l’image de notre Créateur ?

La Bible nous le dit, dès ses toutes premières pages. Le sixième jour de la création Dieu créa l’homme à son image et à sa ressemblance. Et le jour suivant, le septième jour, Dieu cesse de créer. La Bible dit que Dieu « se repose ». Certainement pas parce qu’il était fatigué, ni parce qu’il avait épuisé sa fantaisie.

Dieu repose, c’est-à-dire Dieu retient sa toute-puissance créatrice : il pose une limite à sa toute-puissance pour laisser de l’espace à la vie et aux activités des vivants, en particulier pour laisser de l’espace à la liberté de l’homme. En arrêtant de créer, il se montre maître de sa propre force : capable de s’imposer des limites. Comme pour dire que sa grandeur réside dans sa puissance créatrice, mais resplendit dans la capacité à poser une limite : ceci est le repos de Dieu. Repos qui est synonyme de douceur.

La douceur est une des premières caractéristiques par laquelle Dieu se fait connaître à l’homme. L’image de Dieu à laquelle l’homme est appelé à se configurer est la douceur. Le visage de Dieu auquel nous devons ressembler toujours plus est la douceur.

Puis Dieu invite son peuple à prendre un jour de repos par semaine non pour faire quelque chose pour le Seigneur, simplement pour aller à la messe ou faire quelque bonne œuvre, mais pour être comme le Seigneur, être doux et faire resplendir l’image et la ressemblance de Dieu durant les sept jours de la semaine.

La douceur de Dieu doit devenir notre mode de vivre : cesser de nous prendre nous-mêmes pour Dieu. Redécouvrir notre dépendance quotidienne d’avec Dieu : une dépendance qui ne nous soumet pas ni ne nous humilie, mais au contraire nous réalise, parce qu’elle construit en nous et nous élève à la stature et à l’image même de Dieu.

La douceur de Dieu modifie la façon avec laquelle s’exercent les grandes activités humaines, comme la politique, l’économie, la finance parce qu’elle entre dans les relations humaines qu’elles établissent et les rendent équitables et justes dans leur façon de faire.

Puis la douceur de Dieu se traduit en comportements quotidiens et sociaux qui rendent la coexistence humaine vivable et belle. Elle nous amène à poser une limite à notre tendance à nous faire valoir devant les autres, de décider pour les autres, de toujours parler, de vouloir avoir un contrôle absolu de ce qui arrive autour de nous, de prétendre faire les maîtres et seulement enseigner les autres, sans écouter et mettre en pratique nous les premiers. Toutes sont des alternatives efficaces à la voie de la violence qui aujourd’hui est souvent retenue comme unique pour porter quelque résultat.

Le pape François aime parler des « saints de la porte d’à côté ». Amis, parents, voisins, ou personnes que nous croisons dans la rue ou avec qui nous travaillons. Personnes qui par leur douceur, leur accueil, leur savoir écouter et peut être conseiller nous communique paix, sérénité, confiance, volonté de reprendre le chemin fatigant de la vie. Sans peut être nommer Dieu, par un simple regard ou parole nous reprenons confiance dans la vie.

Le pèlerinage d’aujourd’hui nous met sur le chemin de l’image et la ressemblance de Dieu afin qu’individuellement et comme communauté chrétienne nous soyons lumière pour le monde et sel de la terre. Pour cela prions.

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