Déclaration de Mgr Colomb relative au projet de loi de Bioéthique examiné au Sénat.

13 Jan 2020

La commission spéciale du Sénat a achevé le 8 janvier 2020 l’examen des amendements déposés à l’encontre du projet de loi relatif à la bioéthique, élaboré par le gouvernement, et adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 15 octobre 2019. Le Sénat ne s’est donné que trente heures pour travailler ce texte qui modifie profondément le paysage bioéthique français. Ce rythme seul inquiète sur le sérieux du travail réalisé. Les débats en séance plénière débuteront le 21 janvier. Le vote de la loi au Sénat est prévu le 4 février 2020.

Le projet de loi, tel qu’il ressort des travaux du Sénat, est en profonde contradiction avec les attentes des français, exprimées lors des Etats Généraux de la Bioéthique en 2018, et néglige les profondes réserves scientifiques et philosophiques exprimées au Sénat (1), à l’Assemblée nationale, et dans la presse par des scientifiques (2) et des philosophes reconnus pour leur expertise.

Il entérine l’accès à la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes et pour les femmes seules, il organise l’inscription à l’état civil d’une filiation issue de deux mères, privant l’enfant né dans ces conditions de pouvoir « penser » sa paternité. Cette modification du droit français est incompatible avec la Convention internationale des droits de l’enfant, pourtant ratifiée par la France, qui pose le droit, « pour chaque enfant, de connaître ses parents et d’être élevé par eux ».

Le projet de loi bioéthique, tel qu’il est écrit aujourd’hui, aggrave l’atteinte à l’embryon humain, considéré comme un support de la recherche scientifique et médicale, en prolongeant à 21 jours la durée autorisée de culture de l’embryon in vitro, en autorisant la production d’embryons humains à partir de cellules souches pluripotentes, en supprimant l’obligation de recherche d’autorisation du consentement du couple dont est issu l’embryon. L’enfant, au stade le plus fragile de sa vie, se voit ainsi privé de la protection que doit lui garantir l’Etat, celle de sa vie, et devient le matériel d’une recherche aux ambitions industrielles évidentes.

Les sénateurs ont également introduit cette semaine, contre l’avis de la ministre de la santé, Mme Agnès Buzyn, malgré les appels réitérés des familles de personnes handicapées et des responsables d’associations et contre l’avis des députés, l’extension du diagnostic pré- implantatoire aux aneuploïdies (3) , impliquant la destruction des embryons humains atteints de maladies chromosomiques avant leur implantation dans le cadre de la fécondation in vitro. Cette disposition aggrave le caractère eugénique du paysage bioéthique français actuel, et envoie un message très menaçant aux personnes les plus fragiles de notre société et à leurs familles. A un moment de notre histoire où toutes les solidarités sont mises à mal, ce choix de nos responsables politiques doit nous interroger et nous inquiéter.

Le projet de loi bioéthique, tel qu’il est écrit aujourd’hui, facilite également l’accès à l’interruption médicale de grossesse aux femmes mineures non émancipées, en dehors de l’autorisation de leurs parents, aggravant l’isolement des mères en devenir dans une société déjà morcelée.

Nous exprimons notre total désaccord avec le projet de société sous-tendu par ce projet de loi de bioéthique.

Nous exprimons notre indignation quant aux atteintes massives à l’être humain, qui caractérisent les modifications en cours du paysage bioéthique français, et affirmons qu’une société qui s’attaque au plus faible de ses membres organise sa propre destruction.

Nous exprimons notre indignation quant à l’opposition totale de ce projet de société avec les attentes exprimées par les français au moment des Etats généraux de la Bioéthique.

Nous exprimons une très vive inquiétude sur l’absence d’information de nos concitoyens dans le développement de ce processus altérant toutes les digues éthiques qui faisaient la dignité de la France dans le paysage bioéthique mondial.

Nous rappelons que « si l’éthique est le souci des institutions justes (…), les individus [ayant] tendance à suivre leurs intérêts particuliers, bien plus que le bien commun et les institutions justes, la recherche éthique est avant tout nécessaire au législateur (4). » Nous exprimons une très vive inquiétude sur la désinvolture avec laquelle le projet de loi de bioéthique a été travaillé en commission au Sénat.

+ Georges Colomb

Évêque de La Rochelle et Saintes

(1) Audition de Mme Sylviane Agacinski, philosophe, auprès de la délégation au droit des femmes du Sénat, mardi 22 octobre 2019 : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20191021/ddf.html.

(2 ) Interview de M. Jacques Testart, « père scientifique » du 1er bébé éprouvette français en 1982 (14 février 2019) : http://genethique.org/fr/revision-de-la-loi-de-bioethique-nous-sommes-en-train-de-laisser-passer-des-choses-gravissimes-71326#.XhmnJG5FyUk.

(3)  L’aneuploïdie caractérise une cellule qui ne possède pas le nombre normal de chromosomes.

(4) Audition de Mme Sylviane Agacinski, philosophe, auprès de la délégation au droit des femmes du Sénat, mardi 22 octobre 2019 :  http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20191021/ddf.html

Retrouvez le texte de la Déclaration du Conseil Permanent de la Conférence des évêques de France

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