Homélie donnée par Mgr Georges Colomb dimanche 31 décembre 2017

31 Déc 2017

Homélie donnée par Mgr Georges Colomb dimanche 31 décembre 2017, fête de la Sainte Famille. 

 

L’homme juste est celui qui fait confiance à Dieu

Le premier dimanche après Noël, l’Eglise fête la sainte famille. Et c’est bien de familles dont nous parlent les textes d’aujourd’hui. Ils nous parlent aussi de la foi et, en ce 31 décembre, de la fin d’un cycle et de l’inauguration de temps nouveaux, ceux du passage de l’ancienne Alliance vers la nouvelle, du doute à la confiance, du passage aussi de la mort à la vie.
Dans le livre de la Genèse nous entendons la tristesse d’Abram qui pense mourir sans descendance. Il voit déjà ses biens passer dans la lignée de son serviteur, selon la coutume du temps.
Et voici que Dieu fait deux promesses : ce n’est pas ton serviteur qui héritera de toi: « mais quelqu’un de ton sang. », c’est la première promesse. Et la seconde « Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu le peux… Telle sera ta descendance ! »
Ce qui est admirable dans ce récit c’est l’attitude d’Abram.  Il ne reçoit rien d’autre de Dieu qu’une double promesse.  A vue humaine, on voit mal comment le vieil homme et sa femme stérile pourraient engendrer une descendance  et les promesses se réaliser ! Mais Dieu l’a promis et il est le « bouclier » d’Abram qui « eut foi dans le Seigneur « .
La foi dont il est question est celle qui engage tout l’être, corps et âme pourrait-on dire.  C’est une foi ferme, solide, stable. C’est une foi qui peut traverser les tempêtes et dépasser les doutes. Une foi qui ne peut envisager que Dieu puisse tromper les hommes.
Et  » le Seigneur estima qu'[Abram] était juste ». Etre juste ici, c’est pour l’homme entrer librement dans le projet de Dieu. C’est permettre que se noue une relation de confiance qui ne laisse pas de place au doute ou à la suspicion. Cette attitude de foi est la condition nécessaire à la réalisation du plan de Dieu.
La modernité a fait de nous des êtres du doute. Même quand nous donnons notre confiance,  c’est souvent le résultat d’un calcul qui a soupesé les avantages et les inconvénients.
Dans l’engagement du mariage, il y a parfois chez certains, déjà, l’idée d’un divorce possible comme échappatoire. Nous donnons notre confiance avec parcimonie, avec avarice parfois. Spontanément, nous serions plus proches de l’attitude de Sara qui « se mit à rire en elle-même ; elle se disait : « J’ai pourtant passé l’âge du plaisir, et mon seigneur est un vieillard ! » (Gn 18,12)
Rien de tel dans la confiance d’Abram, rien de tel dans la confiance de Marie à l’Annonciation, dans la confiance de Joseph, dans la confiance aussi de Jésus au moment d’offrir sa vie pour le salut du monde. Même si nous ne comprenons ni le comment ni le quand,  sachons le,   les promesses de Dieu s’accompliront.
Abraham est le père des croyants, notre père, notre modèle. La descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel, c’est nous aujourd’hui. Nous sommes inscrits dans l’histoire, nous ne sommes pas sans racines. Cette histoire nous institue comme un peuple en marche vers l’accomplissement du projet de Dieu, un peuple appelé à vivre dans la foi et la confiance, un peuple héritier de la promesse, voilà ce qui fait notre joie. Dieu « s’est toujours souvenu de son alliance, parole édictée pour mille générations : promesse faite à Abraham, garantie par serment à Isaac. » C’est dans un même mouvement que le croyant est appelé faire mémoire, à rendre grâce et à proclamer le Nom du Seigneur pour l’annoncer à la terre entière : « annoncez parmi les peuples ses hauts faits ; chantez et jouez pour lui, redites sans fin ses merveilles. » Etre hériter de la promesse, c’est devenir missionnaire pour annoncer à toute la terre que Dieu est grand et qu’il a fait alliance avec les hommes, leur promettant le Salut.

Les familles sont une promesse de Dieu !

La Sainte famille a vécu sous la loi de Moïse.  C’est pour respecter les prescriptions de cette loi que Joseph et Marie conduisent Jésus, leur fils premier né, au Temple de Jérusalem « pour le présenter au Seigneur ». C’est dans le cadre du respect de la loi que la grâce du salut s’accomplit pour toute l’humanité. Et voilà qu’un « homme juste et religieux [qui]  attendait lui aussi la Consolation d’Israël » est poussé par l’Esprit Saint vers le Temple.  Il reçoit l’enfant dans ses bras, le bénit, et reconnait en lui l’enfant de la promesse, « le salut »  que Dieu préparait pour les peuples : »lumière qui se révèle aux nations » et gloire d’Israël.
On est surpris de l’étonnement de Joseph et Marie. N’ont-ils pas déjà vécu tant de choses étonnantes depuis l’Annonciation et la naissance de l’enfant ? N’êtes-vous pas vous aussi, parents, sans cesse dans l’étonnement avec vos enfants ?  Ils sont le fruit de votre amour mais ils sont aussi enfants de Dieu, appelés à un destin unique et particulier que vous ne maîtrisez pas.
Jésus « provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction » comme le prophétise Siméon. Un glaive transpercera bien le cœur de Marie au pied de la croix quand elle verra mourir le fils de la promesse.
Comme Abraham, Siméon est un juste, c’est-à-dire un homme qui a préparé son cœur  par la prière et les œuvres, à recevoir  » le Christ, le Messie du Seigneur »
Comme Abraham, comme Marie et Joseph, il est notre père dans la foi. Tous sont des guides pour nous, hommes et femmes du XXIe siècle dont le cœur est souvent déchiré par l’inquiétude et le doute, dont la foi est fragile. Comme Anne aussi, cette veuve qui  » ne s’éloignait pas du Temple, servant Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière ». Tous ils portaient au cœur l’attente brûlante de la délivrance.
Ne portons- nous pas nous-mêmes, au plus secret de notre cœur, cette espérance, cette attente brûlante d’un au-delà de nous-mêmes, d’un au-delà des contraintes de ce monde, une sorte de déchirement du voile qui nous sépare de la vie définitive, n’attendons-nous pas d’être sauvés?
Voulons-nous vraiment accueillir le Salut ? Sommes-nous préparés à reconnaitre dans toutes les attentes de nos vies, l’unique attente, celle de la Rédemption ou cherchons nous encore à nous sauver nous-mêmes ? Reconnaissons-nous dans l’enfant de Noël notre sauveur ?
Chaque nouvelle année nous offre l’opportunité de changer notre vie, de rebattre les cartes, de choisir la vie plutôt que la mort. En ce 31 décembre prenons de bonnes résolutions: ouvrons nous au pardon, ouvrons nous à la vie. Prenons pour nous cette invitation du Pape François : « J’invite chaque chrétien, en quelque lieu et situation où il se trouve, à renouveler aujourd’hui même sa rencontre personnelle avec Jésus Christ ou, au moins, à prendre la décision de se laisser rencontrer par lui, de le chercher chaque jour sans cesse. Il n’y a pas de motif pour lequel quelqu’un puisse penser que cette invitation n’est pas pour lui, parce que personne n’est exclu de la joie que nous apporte le Seigneur ». En cette veille de Nouvel An 2018, c’est le vœu que je formule pour chacun d’entre vous, chers frères et sœurs : Prenez le temps de la rencontre personnelle avec le Christ ! Je le formule tout spécialement pour les familles divisées. Que l’individualisme exacerbé qui caractérise notre vie en société cède le pas au don de soi, don de la vie, don de l’amour, qui sont le fruit de la rencontre personnelle et vraie avec notre Seigneur.
+ Georges Colomb
Évêque de La Rochelle et Saintes

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