De passage éclair à La Rochelle jeudi 10 mars pour participer à sa première conférence de presse dans son futur diocèse, Mgr Colomb, nommé évêque de La Rochelle et Saintes la veille, s’est longuement livré sur son parcours et sur les Missions étrangères de Paris dont il était le supérieur. Entre faits, confidences et anecdotes. Le point, pour mieux faire connaissance avec notre nouvel évêque.
Mgr Georges Colomb ? « C’est un homme chaleureux, facile d’accès. Il est simple, modeste, humble et jovial, ce qui ne l’empêche pas d’être entreprenant », confie l’un de ses anciens collaborateurs, en ajoutant qu’il est « un excellent missionnaire et un très bon pasteur ».
Nommé évêque de La Rochelle et Saintes le mercredi 9 mars par le pape François, cet ancien supérieur des Missions étrangères de Paris – organisme qui envoie des missionnaires en Asie et dans l’Océan indien – sera ordonné à La Rochelle le 5 mai, jour de l’Ascension au Parc des expositions de La Rochelle à 15h30.
Mais qui est le futur évêque de Charente-Maritime ? Quel est le parcours de cet ancien missionnaire en Chine ? Comment a-t-il accueilli la nouvelle de sa nomination et que pense-il de son futur diocèse ? Le point avec l’intéressé, qui était à La Rochelle le jeudi 10 mars pour sa première rencontre avec la presse de Charente-Maritime.
De l’hôtellerie aux Télécom
Le père Georges Colomb nait le 15 juin 1953 dans un petit village d’Auvergne des Monts du Forez, à Saint-Anthème, où il assure avoir « grandi entouré de beaucoup d’affection ». Il est le plus jeune de ses trois frères. Son père est hôtelier restaurateur d’une petite entreprise familiale, et sa mère institutrice. « Mes parents étaient veufs quand ils se sont mariés. Ma mère a beaucoup souffert de la guerre. Elle a perdu son premier époux au front. Et son seul frère est mort dans le camp de concentration de Dachau », confie-t-il.
Dès la sixième, le jeune Georges part en pension. Il est lycéen à Clermont-Ferrand puis à Riom. Estimant qu’il avait « la bosse du commerce », ses parents l’envoient ensuite à Strasbourg pour qu’il y suive un BTS de gestion hôtelière. Mais le futur missionnaire souhaite poursuivre ses études. Encouragé par son professeur de droit, il s’inscrit à la faculté de droit de Lyon.
Tout en préparant son Diplôme d’études approfondies (DEA), il travaille comme stagiaire au parquet du Tribunal de grande instance deux après-midi par semaine. Son travail consiste à rédiger des « réquisitoires introductifs d’instance ». Il décortique des dossiers pénaux pour déterminer leur « qualification pénale » : crime, délit ou contravention. Cette expérience le confronte à « la misère », et le marque profondément. « Cela m’a ouvert les yeux sur des questions sociales. »
A la fin des années 1970, il passe le concours de l’administration des Postes et devient « inspecteur des Télécom ». Il exercera ce métier 5 ans, d’abord à Lyon puis à Nanterre.
Des Télécom à l’appel de la prêtrise
Comme tous les enfants de son village d’Auvergne, le jeune Georges Colomb fait son catéchisme, plus « quelques activités en paroisse ». Son enfance est heureuse, sa famille « très soudée ». « Mes parents étaient commerçants. Mes frères et moi les aidions beaucoup en faisant la vaisselle, le service, etc. J’ai une grande expérience dans ces domaines », dit-il en souriant.
Catholique pratiquant, Georges Colomb pense à la prêtrise « dès l’âge de 8 ou 10 ans ». « Avec l’adolescence, cela a disparu. » Mais la question de l’appel se reposera une vingtaine d’années plus tard, quand il sera fonctionnaire des Postes et télécommunications.
Le déclic, c’est un livre de Christopher Hudson, intitulé La Déchirure (Presses de la Cité, 1985). Ce roman parle du Cambodge sous la dictature de Pol Pot. Déjà sensible à l’actualité internationale et intéressé par le continent asiatique, le jeune homme est touché par les descriptions de « tous ces gens persécutés », et « des difficultés des chrétiens à vivre leur foi ».
Le drame des boat people, « les réfugiés d’Asie qui arrivaient en Europe nombreux dans les années 1975 – 1980 a été pour moi un appel ». Le jeune fonctionnaire se sent de plus en plus appelé à l’étranger – au service des chrétiens persécutés, au Viet Nam ou en Chine – et à la prêtrise.
Du séminaire à la Chine
Georges Colomb songe à démissionner pour entrer au séminaire. Mais le supérieur des Carmes le lui déconseille formellement, craignant qu’il ne perde le bénéfice de son concours s’il s’aperçoit qu’il n’est pas fait pour être prêtre. Aux Télécom, son chef d’établissement se montre tout aussi dissuasif.
L’ancien supérieur des MEP rapporte volontiers ces propos qu’il ne peut oublier. « Le chef m’a dit : mais enfin Monsieur Colomb qu’est-ce qui vous prend ? Dans deux ou trois ans vous serez inspecteur principal. Tandis que si vous rentrez au séminaire pour être prêtre, vous ne serez jamais évêque, ou pas avant 70 ans… »
Le futur prêtre devra se battre avec les Télécom pour entrer au séminaire. Sa demande de disponibilité est refusée. Mais il obtient un recours gracieux à condition de servir l’administration à mi-temps. A 29 ans, il entre au séminaire des Carmes pour le diocèse de Clermont. « Durant mon premier semestre, je passais ma journée au séminaire, et à 17 heures, je rejoignais mon bureau pour travailler jusqu’à 23h30. »
Le séminariste passe sa licence de théologie à l’Institut catholique de Paris. A 34 ans (en 1987), il est ordonné prêtre pour la société des Missions étrangères de Paris (MEP), qu’il a demandé à rejoindre.
Commence alors pour lui une longue série séjours à l’étranger. « J’ai fait quelques séjours au Royaume-Uni pour améliorer mon niveau en anglais, puis mon supérieur général m’envoyé à Taiwan. » Après avoir appris le mandarin à Taiwan, « une langue très difficile », il part en République populaire de Chine en tant qu’« expert étranger ».
Les missionnaires catholiques n’étant pas les bienvenues dans le pays, il exerce officiellement en tant que professeur de français et de civilisation française dans l’enseignement supérieur. Et célèbre la messe en cachette, avec des catholiques clandestins… Il passera près de 10 ans en Chine.
A Paris, il booste le volontariat aux MEP
Retour à Paris en 1998 pour le jeune prêtre missionnaire. Il est élu assistant au conseil du supérieur général des MEP : le père Jean-Baptiste Etcharren, à qui il succédera en 2010. Durant 18 ans, il s’occupera des séminaristes, des vocations et du volontariat.
Pour développer le volontariat qui manque alors de vivacité (il se fait en lien avec la Délégation catholique pour la coopération), le père Colomb a l’idée de créer un service de volontariat propre aux MEP. « Mon objectif, c’était d’attirer des jeunes en leur proposant de partir en Asie pour faire une expérience humanitaire en Eglise entre trois mois et 2 ans. »
Son supérieur ayant approuvé l’idée, le père Colomb se lance, en mettant de la souplesse dans le système. Il propose des séjours de courte ou longue durée, et met en place des sessions de formation. Les candidatures affluent. Quatre fois par an, des volontaires sont envoyés en Asie dans des promotions de 30 à 50 personnes.
Ces jeunes participent à des programmes d’aide aux populations locales. Selon leurs compétences, ils enseignent l’anglais ou le français, font de la comptabilité pour les diocèses, de l’animation rurale, ils s’occupent de personnes handicapées, lépreuses, malades du sida, des enfants de la rue… Ils découvrent des cultures et des religions différentes, dans des pays où les chrétiens sont toujours minoritaires, parfois persécutés.
« Cette expérience est bouleversante pour eux. A leur retour, ils sont transformés », assure l’ancien supérieur. Certains d’entre eux se découvrent une vocation sacerdotale ou religieuse. Les autres s’engagent dans la société civile, dans l’Eglise, dans leur paroisse…
En 2015, les MEP ont envoyé 170 volontaires en Asie. Ces dernières années, 28 jeunes ont intégré leur séminaire. Sans compter ceux qui ont rejoint des congrégations religieuses, masculines ou féminines.
« Nous avons aussi créé un volontariat pour les aînés de 60 à 75 ans », tient à souligner le père Colomb.
Un jour, il reçoit un appel du nonce apostolique…
« Quand le nonce m’a appelé au mois de janvier pour me proposer de devenir évêque de La Rochelle, je ne m’y attendais pas, assure-t-il. Ma première réaction a été la surprise car je n’étais pas un prêtre diocésain. La seconde a été une grande émotion. Etre supérieur général est une responsabilité, être évêque est aussi une dignité car on succède à des apôtres. On se demande si on est digne de cela, si l’on sera compétent. »
Il confie ne pas savoir « du tout pourquoi » le pape l’a choisi pour cette mission. Qui a donné son nom ? Il n’en sait rien non plus. « Ce peut être des évêques, des gens de notre congrégation qui vivent à Rome, je ne sais pas. »
Le père Colomb est conscient que depuis 110 ans, les évêques successifs de La Rochelle et Saintes avaient déjà été évêques dans d’autres diocèses : la dernière ordination épiscopale remonte en effet à 1906, avec Mgr Eyssautier. Le 5 mai prochain, il sera ordonné et installé évêque. C’est en jour de l’Ascension qu’il prendra possession de son siège. Un événement très important pour la communauté catholique de Charente-Maritime.
D’ici là, Mgr Georges Colomb pourra compter sur Mgr Bernard Housset, devenu administrateur apostolique du diocèse pour obtenir des informations et des conseils utiles à son épiscopat. Il lui faudra prendre connaissance des principaux dossiers, des projets diocésains, et en savoir plus sur la Charente-Maritime.
Car le père Colomb reconnait sans mal qu’il ne connait presque pas son futur département d’adoption : « J’ai passé quelques-jours avec ma famille à la Rochelle quand j’avais 14 ou 15 ans, au retour du mariage d’un cousin dans la région. Je ne connais la Charente-Maritime que par le biais d’Internet. C’est un beau département. Ses églises sont très belles. »
… et bientôt : la Charente-Maritime
Le futur évêque a une grande expérience missionnaire et internationale. Il a favorisé des vocations sacerdotales et religieuses chez des jeunes. Son expérience l’aidera-t-elle à dynamiser les vocations dans un diocèse qui ne compte qu’un séminariste ? On peut l’espérer.
Mais le père Colomb sait qu’il aura bien d’autres dossiers à traiter, dans de nombreux autres domaines : catéchèse, œcuménisme, dialogue interreligieux, formation, tourisme, pèlerinages, jeunes, santé, solidarité, finances, communication, nominations, paroisses, etc.
Il souhaite d’abord faire place à « l’écoute, l’observation, la connaissance ». « Je veux prendre le temps de l’enfouissement, le temps de prendre racine. J’ai beaucoup de lectures et surtout beaucoup de rencontres à faire avant de lancer des projets. »
L’homme est modeste, relativisant l’importance de son futur rôle, rappelant que le diocèse a 15 siècles d’histoire : « J’ai bientôt 63 ans, ce qui signifie que dans 12 ans en principe je prendrai ma retraite… Bien sûr il faut être ambitieux mais je ne suis que de passage. Je ne suis qu’un serviteur de ce diocèse qui en a eu avant moi, en aura après moi, et qui en aura avec moi. »
Modeste mais déterminé. Au travers ses propos et le ton qu’il emploie, on devine son tempérament entreprenant, son envie d’agir, et sans doute une certaine impatience.
Olivier Seigneurin
Photo : Mgr Colomb sur la terrasse d’un bâtiment de l’évêché, peu après sa première conférence de presse à La Rochelle. @ : Service communication, diocèse 17.
Les MEP : 350 ans de mission en Asie
Les MEP sont une ancienne société missionnaire française fondée en 1663 à Paris. Sa maison mère est située rue du Bac dans le 7e arrondissement. Ses jardins sont réputés pour être parmi les plus beaux de Paris. Les MEP ont pour but « le travail d’évangélisation dans les pays non chrétiens, spécialement en Asie ». Notamment la Thaïlande, le Vietnam, la Chine, le Cambodge, l’Inde, le Laos, le Japon, la Corée, la Malaisie, Singapour, la Birmanie, etc. Dans ces pays, elles tentent de fonder des églises et de développer un clergé local sous la juridiction d’évêques. Depuis le XVIIe siècle, la Société des Missions étrangères de Paris a envoyé en Asie des milliers de missionnaires, dont près de 4 500 prêtres. Parmi eux, certains sont devenus des martyrs. 23 sont saints et canonisés. Si elle ne comptait plus l’an dernier que 208 prêtres (et 25 séminaristes), la société des MEP continue de servir les Églises qu’elle a contribué à fonder. Des coopérants laïcs partent de plus en plus nombreux en mission en Asie, en lien avec les MEP, pour un été (étudiants) ou pour une année entière de coopération. De base de départ pour les nouveaux missionnaires, le séminaire de la rue du Bac est ainsi devenu récemment un centre d’accueil pour les prêtres-étudiants asiatiques.
L’histoire des MEP