Quelques jours après son long voyage en Asie du Sud-est et en Océanie, le pape François effectue une visite de 4 jours au Luxembourg et en Belgique, du 26 au 29 septembre.
Pour être authentique et intégral, le développement ne doit pas saccager ni dégrader notre maison commune, et il ne doit pas marginaliser des peuples ou des groupes sociaux : tous, tous frères. La richesse – ne l’oublions pas – est une responsabilité. Je demande donc que l’on soit toujours attentif à ne pas négliger les nations les plus défavorisées, et même qu’on les aide à se relever de leurs conditions d’appauvrissement. Il s’agit d’une voie maîtresse pour faire en sorte que diminue le nombre de ceux qui sont contraints à émigrer, souvent dans des conditions inhumaines et dangereuses. Que le Luxembourg, avec son histoire particulière, avec sa situation géographique tout aussi particulière, avec un peu moins de la moitié de ses habitants venant d’autres parties de l’Europe et du monde, soit une aide et un exemple pour montrer la voie à suivre dans l’accueil et l’intégration des migrants et des réfugiés. Et vous êtes un modèle en cela.
Malheureusement, force est de constater la réapparition, même sur le continent européen, de fractures et d’inimitiés qui, au lieu d’être résolues sur la base de la bonne volonté mutuelle, de la négociation et du travail diplomatique, débouchent sur des hostilités ouvertes, avec leur cortège de destruction et de mort. Il semble que le cœur humain ne sache pas toujours garder la mémoire et qu’il s’égare périodiquement pour retourner sur les chemins tragiques de la guerre. Nous sommes oublieux en ce domaine. Pour guérir cette dangereuse sclérose, qui rend les nations gravement malades, augmente les conflits et risque de les précipiter dans des aventures aux coûts humains immenses en renouvelant des massacres inutiles, il faut regarder vers le haut, il faut que la vie quotidienne des peuples et de leurs gouvernants soit animée par des valeurs spirituelles hautes et profondes. […] Cette sève vitale, cette force toujours nouvelle de renouveau personnel et social, c’est l’Évangile. Celui-ci nous fait trouver de la sympathie chez toutes les nations, chez tous les peuples : de la sympathie, des sentiments égaux, des souffrances égales. L’Évangile de Jésus-Christ qui est seul en mesure de transformer profondément l’âme humaine en la rendant capable de faire le bien, même dans les situations les plus difficiles, d’éteindre les haines et de réconcilier les parties en conflit.
Dans l’après-midi, le pape a rencontré la communauté catholique du Luxembourg, invitant les chrétiens au service, à la mission et à la joie.
- S’agissant du service, je voudrais vous recommander un aspect très urgent aujourd’hui : celui de l’accueil. Je le fais ici parmi vous d’une manière particulière, parce que votre pays a – et maintient – vivante une tradition séculaire dans ce domaine. […] Oui, l’esprit de l’Évangile est un esprit d’accueil, d’ouverture à tous, et il n’admet aucun type d’exclusion. Je vous encourage donc à rester fidèles à votre héritage, à cette richesse que vous avez, en continuant à faire de votre pays une maison d’amitié pour tous ceux qui frappent à votre porte en demandant aide et hospitalité.
- Et ceci nous amène au deuxième thème : la mission. […] L’Église, dans une société sécularisée, évolue, mûrit, grandit. Elle ne se replie pas sur elle-même, triste, résignée, rancunière, non. Mais, dans la fidélité aux valeurs de toujours, elle relève le défi de redécouvrir et de revaloriser de façon nouvelle les voies d’évangélisation, en passant de plus en plus d’une simple approche de l’attention pastorale à celle de l’annonce missionnaire – et il faut du courage. Et pour ce faire, elle est prête à évoluer : par exemple en partageant les responsabilités et les ministères, en marchant ensemble comme une Communauté qui annonce et en faisant de la synodalité une “manière durable d’être en relation” entre ses membres.
- Venons-en ainsi au troisième mot : la joie. […] Notre foi est ainsi : elle est joyeuse, “dansante”, parce qu’elle nous dit que nous sommes les enfants d’un Dieu ami de l’homme, qui nous veut heureux et unis, et ne peut être davantage réjoui que par notre salut. À ce propos, je vous en prie, ces chrétiens tristes, ennuyeux et à la triste mine font du tort à l’Église. Non, ce ne sont pas des chrétiens. S’il vous plaît, ayez la joie de l’Évangile : c’est ce qui nous fait tant croire et grandir.
Dans ce carrefour qu’est la Belgique, vous êtes une Église “en mouvement”. En effet, depuis un certain temps, vous essayez de transformer la présence des paroisses sur le territoire, de donner une forte impulsion à la formation des laïcs ; surtout, vous vous efforcez d’être une Communauté proche des gens, qui accompagne les personnes et témoigne par des gestes de miséricorde.
En m’inspirant de vos questions, je voudrais vous proposer quelques pistes de réflexion autour de trois mots : évangélisation, joie, miséricorde.
La première voie à parcourir est l’évangélisation. Les changements de notre époque et la crise de la foi que nous vivons en Occident nous ont poussés à revenir à l’essentiel, c’est-à-dire à l’Évangile, afin que la bonne nouvelle que Jésus a apportée au monde soit à nouveau proclamée à tous, en faisant resplendir toute sa beauté. […] Nous sommes passés d’un christianisme installé dans un cadre social accueillant à un christianisme “de minorité”, ou plutôt, de témoignage. Cela demande le courage d’une conversion ecclésiale pour initier les transformations pastorales qui touchent aussi les coutumes, les modèles, les langages de la foi, afin qu’ils soient vraiment au service de l’évangélisation.
Deuxième chemin : la joie. Nous ne parlons pas ici des joies liées à quelque chose de momentané, et nous ne pouvons pas suivre les modèles de l’évasion et du divertissement consumériste. Il s’agit d’une joie plus grande, qui accompagne et soutient la vie même dans les moments sombres ou douloureux, et c’est un don qui vient d’en haut, de Dieu. C’est joie du cœur suscitée par l’Évangile : c’est savoir que nous ne sommes pas seuls sur le chemin et que, même dans les situations de pauvreté, de péché, d’affliction, Dieu est proche, il prend soin de nous et ne permettra pas à la mort d’avoir le dernier mot. Dieu est proche ; proximité. Bien avant de devenir Pape, Joseph Ratzinger a écrit qu’une règle du discernement est la suivante : « Là où la joie manque, là où l’humour meurt, là il n’y a même pas l’Esprit Saint […] et vice versa : la joie est un signe de la grâce ». C’est beau. Et alors je voudrais vous dire : que votre prédication, votre célébration, votre service et votre apostolat laissent transparaître la joie du cœur, car cela suscite des questions et attire même ceux qui sont loin. La joie du cœur : pas ce sourire factice, du moment, la joie du cœur. […]
Et le troisième chemin : la miséricorde. L’Évangile, accueilli et partagé, reçu et donné, nous conduit à la joie parce qu’il nous fait découvrir que Dieu est le Père de la miséricorde qui s’émeut pour nous, qui nous relève de nos chutes, qui ne retire jamais son amour pour nous. Fixons cela dans notre cœur : jamais Dieu ne retire son amour pour nous.