Le projet de loi bioéthique revient en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, d’abord en commission spéciale bioéthique depuis le 29 juin, puis en session plénière à partir du 3 juillet. Ce projet de loi ouvre notamment l’accès à la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. Le projet de loi a été inscrit de manière inattendue à l’ordre du jour d’une session parlementaire extraordinaire qui s’ouvre le 1er juillet, en plein été, pendant les vacances, après les élections, sans aucune médiatisation.
Mgr Georges Colomb, évêque de La Rochelle et Saintes, s’étonne que la priorité actuelle l’Assemblée nationale consiste à étudier en catimini et dans l’urgence la révision de la loi de bioéthique.
Depuis le 29 juin, les députés ont commencé l’examen en deuxième lecture du projet de loi de bioéthique. Ce projet de loi prévoit entre autre l’abandon du critère d’infertilité médicale pour accéder aux techniques de procréation médicalement assistée ou encore la disparition des derniers remparts qui protégeaient jusqu’ici les embryons humains.
Compte tenu de la gravité des enjeux sociétaux mis en cause dans ce texte, l’évêque de La Rochelle et Saintes s’interroge sur l’urgence d’un tel vote en plein cœur de l’été. Les citoyens doivent avoir le temps de s’approprier toutes les conséquences pour les générations futures de ces choix législatifs gravissimes.
L’urgence est ailleurs ! Comme le répète le pape François, notre société devrait consacrer son énergie à protéger les plus faibles. Les responsables politiques engagent fortement leur responsabilité en choisissant d’éviter la mobilisation des consciences et en faisant l’impasse sur des discussions justes et ouvertes.
Communiqué de Mgr Colomb, 1er juillet 2020
En janvier 2020, Mgr Colomb s’était inquiété sur le sérieux du travail réalisé et avait exprimé son total désaccord avec le projet de société sous-tendu par ce projet de loi de bioéthique :
La commission spéciale du Sénat a achevé le 8 janvier 2020 l’examen des amendements déposés à l’encontre du projet de loi relatif à la bioéthique, élaboré par le gouvernement, et adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 15 octobre 2019. Le Sénat ne s’est donné que trente heures pour travailler ce texte qui modifie profondément le paysage bioéthique français. Ce rythme seul inquiète sur le sérieux du travail réalisé. Les débats en séance plénière débuteront le 21 janvier. Le vote de la loi au Sénat est prévu le 4 février 2020.
Le projet de loi, tel qu’il ressort des travaux du Sénat, est en profonde contradiction avec les attentes des français, exprimées lors des Etats Généraux de la Bioéthique en 2018, et néglige les profondes réserves scientifiques et philosophiques exprimées au Sénat, à l’Assemblée nationale, et dans la presse par des scientifique et des philosophes reconnus pour leur expertise.
Il entérine l’accès à la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes et pour les femmes seules, il organise l’inscription à l’état civil d’une filiation issue de deux mères, privant l’enfant né dans ces conditions de pouvoir « penser » sa paternité. Cette modification du droit français est incompatible avec la Convention internationale des droits de l’enfant, pourtant ratifiée par la France, qui pose le droit, « pour chaque enfant, de connaître ses parents et d’être élevé par eux ».
Le projet de loi bioéthique, tel qu’il est écrit aujourd’hui, aggrave l’atteinte à l’embryon humain, considéré comme un support de la recherche scientifique et médicale, en prolongeant à 21 jours la durée autorisée de culture de l’embryon in vitro, en autorisant la production d’embryons humains à partir de cellules souches pluripotentes, en supprimant l’obligation de recherche d’autorisation du consentement du couple dont est issu l’embryon. L’enfant, au stade le plus fragile de sa vie, se voit ainsi privé de la protection que doit lui garantir l’Etat, celle de sa vie, et devient le matériel d’une recherche aux ambitions industrielles évidentes.
Les sénateurs ont également introduit cette semaine, contre l’avis de la ministre de la santé, Mme Agnès Buzyn, malgré les appels réitérés des familles de personnes handicapées et des responsables d’associations et contre l’avis des députés, l’extension du diagnostic pré-implantatoire aux aneuploïdies, impliquant la destruction des embryons humains atteints de maladies chromosomiques avant leur implantation dans le cadre de la fécondation in vitro. Cette disposition aggrave le caractère eugénique du paysage bioéthique français actuel, et envoie un message très menaçant aux personnes les plus fragiles de notre société et à leurs familles. A un moment de notre histoire où toutes les solidarités sont mises à mal, ce choix de nos responsables politiques doit nous interroger et nous inquiéter.
Le projet de loi bioéthique, tel qu’il est écrit aujourd’hui, facilite également l’accès à l’interruption médicale de grossesse aux femmes mineures non émancipées, en dehors de l’autorisation de leurs parents, aggravant l’isolement des mères en devenir dans une société déjà morcelée.
Déclaration relative au projet de loi de bioéthique examiné au Sénat, janvier 2020
Cette déclaration se finissait ainsi :
Nous exprimons notre total désaccord avec le projet de société sous-tendu par ce projet de loi de bioéthique.
Nous exprimons notre indignation quant aux atteintes massives à l’être humain, qui caractérisent les modifications en cours du paysage bioéthique français, et affirmons qu’une société qui s’attaque au plus faible de ses membres organise sa propre destruction.
Nous exprimons notre indignation quant à l’opposition totale de ce projet de société avec les attentes exprimées par les français au moment des Etats généraux de la Bioéthique.
Nous exprimons une très vive inquiétude sur l’absence d’information de nos concitoyens dans le développement de ce processus altérant toutes les digues éthiques qui faisaient la dignité de la France dans le paysage bioéthique mondial.
Nous rappelons que « si l’éthique est le souci des institutions justes (…), les individus [ayant] tendance à suivre leurs intérêts particuliers, bien plus que le bien commun et les institutions justes, la recherche éthique est avant tout nécessaire au législateur. » Nous exprimons une très vive inquiétude sur la désinvolture avec laquelle le projet de loi de bioéthique a été travaillé en commission au Sénat.
Pour aller plus loin
Origine du projet de loi
Le texte avait été présenté au Conseil des ministres du 24 juillet 2019 par Madame Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice, Madame Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé et Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Adopté en première lecture en octobre 2019 après quatre-vingts heures de discussions, le projet de loi bioéthique sera examiné en deuxième lecture à l’Assemblée dès le 6 juillet 2020. Ce projet de loi concrétise la promesse de campagne d’Emmanuel Macron d’ouvrir la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes.
Un projet de loi à hauts risques
- Une procréation toujours plus artificielle aboutissant à une remise en cause de droits de l’enfant et un bouleversement de la filiation.
- Une pression vers plus de sélection des générations futures (eugénisme), à travers la multiplication des diagnostics pré-nataux, avec à la clé des risques de discriminations génétiques et de stigmatisation accrue du handicap.
- Franchissement de lignes rouges graves autour de la manipulation de l’humain, avec la perspective d’ouverture à des modifications génétiques de l’embryon humain, mais aussi l’autorisation de la création de chimères mélangeant des cellules animales avec des cellules humaines.
Quelques liens utiles pour approfondir la réflexion
« Sans vergogne, alors que notre pays vient de traverser une crise sanitaire qui l’a mis à genoux, la priorité du gouvernement est de faire adopter à l’Assemblée nationale le projet de loi bioéthique ».
Dans sa charge contre le retour précipité des lois bioéthiques à l’Assemblée, le 29 juin 2020, Mgr Aupetit, archevêque de Paris :
- s’étonne de l’empressement des députés à faire passer cette loi ;
- demande de tirer les leçons du confinement et de notre regard sur les aînés ;
- demande de faire passer la dignité humaine avant des intérêts financiers.
« Monsieur le Premier ministre, votre responsabilité gouvernementale est grande. Le débat démocratique est vital pour vous aider à l’assumer ».
Dans sa lettre ouverte à Édouard Philippe, 27 janvier 2020, Mgr d’Ornellas, archevêque de Rennes et responsable du groupe de bioéthique de la Conférence des évêques de France (CEF), demande :
- de donner la priorité à la raison éthique ;
- de sauver la fraternité mise à mal par ce projet ;
- un “supplément d’âme” quand les techniques rendent possible l’invraisemblable.
« Si nous nous taisons, les pierres crieront » (communiqué de Mgr Aupetit, 15 janvier 2020) :
- Après avoir commencé à détruire la planète, allons-nous laisser défigurer notre humanité ?
- Qui osera élever la voix ?
« Aucun être humain ne peut en traiter un autre comme un objet » (communiqué du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France, 13 janvier 2020).
Dans ce communiqué, les évêques demandent de :
- mettre au premier plan la dignité de l’enfant ;
- sauver la liberté démocratique ;
- lutter contre le risque de l’eugénisme.
Comprendre les enjeux des États généraux de la bioéthique (site de la Conférence des évêques de France) : le groupe de travail bioéthique de la CEF propose des fiches thématiques pour aider à mieux comprendre les enjeux des États généraux de la bioéthique.
- Assistance médicale à la procréation ;
- Gestation pour autrui ;
- Recherche sur l’embryon humain.
La loi de bioéthique 2020 : les analyses de la fondation Jérôme Lejeune
- modification génétique de l’être humain ;
- expérimentation des chimères animal-homme ;
- création de gamètes artificielles ;
- tri des embryons ;
- PMA à la demande ;
- banalisation de l’IMG.
Retour des lois bioéthiques à l’Assemblée nationale : un calendrier indécent, explique Tugdual Derville sur RCF :
- Le contexte est difficile. Le semi-confinement empêche largement le débat démocratique.
- En commission spéciale, les députés ont pris des positions, sans même la présence des ministres concernés.
- Loi discutée dans l’urgence, comme s’il fallait passer en force.
- Un récent sondage a montré que seulement 1% des Français estiment que ce projet de loi est prioritaire.