Homélie donnée par Mgr Colomb pour la messe chrismale
Is 61, 1-3a, 6a 8b-9; Ps 88 (89) ; Ap 1, 5-8; Luc 4, 16-21
La messe chrismale est ordinairement un temps fort de rassemblement dans le diocèse. Religieuses, religieux, consacrés, laïcs en mission, peuple de Dieu, toutes et tous entourent les prêtres et diacres du diocèse pour ce moment unique dans l’année où l’évêque consacre et bénit les huiles saintes par lesquelles Dieu va manifester sa grâce et sa présence sur cette terre tout au long de l’année. La messe chrismale c’est aussi le moment où les prêtres renouvellent les promesses de leur engagement. C’est enfin un moment de convivialité et de fraternité.
En cette année 2020 les prêtres réunis ici sont peu nombreux et le peuple est absent. La crise sanitaire nous a contraints à déplacer la date de cette célébration. Les temps conviviaux sont limités. Ces bouleversements ne doivent pas nous troubler plus que de raison. Dieu vient à nous aujourd’hui pour nous assurer de sa présence salvatrice en ce monde. L’Esprit répandu est esprit de force, de grâce et de consolation. Il va se manifester dans la bénédiction de l’huile des malades et de celle des catéchumènes, ainsi que dans la consécration du Saint Chrême. Il est puissance agissante et inspirante pour les hommes. La sortie du confinement, vécu pendant deux mois, est un temps donné pour repenser nos rythmes de vie, notre rapport au temps, notre rapport aux autres, à la communauté dans laquelle nous vivons notre foi et de laquelle nous nous sommes tenus éloignés, la relation à la création qui nous est confiée, notre vie sacramentelle. Nous prendrons les moyens, comme cela se fait dans de nombreux diocèses, pour faire le bilan de ce temps de confinement, nous nous poserons, avec les paroissiens, les bonnes questions et nous apprécierons ce qu’il convient de conserver, ce qu’il convient de changer dans notre vie de disciple missionnaire.
Le Seigneur m’a consacré par l’onction
Aujourd’hui, dans l’épreuve de la pandémie qui dure, dans l’incertitude pour l’avenir, Jésus nous interpelle. Refermant le livre du prophète Isaïe que nous avons lu il déclare : “Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre”. Et que venons-nous d’entendre ? Nous venons d’entendre la promesse de la Bonne Nouvelle qui s’accomplit, la consolation des cœurs brisés, la libération des captifs, la proclamation d’une année de bienfaits pour la terre. Dieu vient en nous en consolateur. Il veut déverser sur nous “l’huile de la joie” et nous revêtir d’habits de fête.
Les huiles que je vais bénir et consacrer vont rejoindre toutes les paroisses de notre diocèse où elles seront utilisées pour conférer les sacrements : le baptême, la confirmation, l’onction des malades, mais aussi l’ordination. Elles nourriront la vie du peuple de Dieu qui a dû vivre en étant privé des sacrements, au cours de ces dernières semaines. Le Christ lui-même se donne à nous, le Christ mort et ressuscité, le Christ seul prêtre, prophète et roi, le Christ en qui tout sacerdoce s’origine. Le Seigneur nous a oints dans le Christ avec l’huile de joie, joie de se savoir guéri, sauvé, purifié, joie aussi pour le prêtre de participer du sacerdoce du Christ même. Cette joie est un don que nous recevons pour nous-mêmes, mais aussi un don appelé à ruisseler sur le peuple de Dieu qui nous est confié.
Chez les anciens, l’huile était signe de santé et de force, de joie aussi. La santé fait la une de nos journaux depuis plusieurs mois. La pandémie nous a frappés, nous obligeant à reconnaître la fragilité et l’impréparation de nos sociétés. Elle nous fait prendre conscience aussi de la terrible situation de déréliction, d’abandon moral, dans lequel trop de nos anciens vivent leurs dernières années, la pauvreté et l’isolement de beaucoup de nos contemporains, une pauvreté qui risque de s’accroître encore dans les mois à venir. Elle nous montre aussi de quelles solidarités, de quel dévouement les hommes sont capables. Je pense ici aux soignants qui se sont dévoués, se mettant parfois eux-mêmes en danger. N’oublions pas les prêtres, les diacres, les religieuses et religieux qui ont également pris des risques en visitant des fidèles. La prière de bénédiction de l’huile des malades s’ouvre par une adresse au Père : “de qui vient tout réconfort” (2 Co 1, 3-4). Face à toutes souffrances, l’Eglise supplie Dieu de poursuivre son œuvre de guérison et de salut : “Étends donc ta main pour que se produisent guérisons, signes et prodiges, par le nom de Jésus, ton Saint, ton Serviteur» (Ac 4, 29-30).
Comme l’huile des malades, l’huile des catéchumènes donne la force du Christ à ceux qui vont recevoir le baptême. A nos catéchumènes qui n’ont pu recevoir le sacrement tant désiré, je veux dire mon soutien : chers amis, vous avez déjà rencontré le Christ ! Dès que cela sera possible, vous prendrez la place qui est la vôtre dans l’Eglise, marqués par le Saint Chrême, symbole des dons de l’Esprit Saint, vous continuerez à cheminer dans la découverte jamais achevée du Dieu d’amour, donnant aussi par votre participation le meilleur de vous-même à notre grande famille. Je pense notamment à Quentin et aux autres qui seront baptisés pour la fête de pentecôte.
Il a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu et Père
Cette année nous aurons la joie d’ordonner quatre nouveaux prêtres, le 20 juin à la cathédrale de La Rochelle, Joseph Marie Vo Ta Sam et Eric Ndikubwayo et le 27 juin à la cathédrale de Saintes, Brice Degbey et Jean-Eudes Blandin de Chalain. Le sacerdoce est un don de Dieu, source de joie pour celui qui en est bénéficiaire comme pour le peuple qui lui est confié.
La joie sacerdotale puise sa force dans la circulation d’amour qui est la vie même de la Trinité Sainte. “Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite”, dit Jésus à ses apôtres (Jn 15, 11). Elle est signe d’une amitié vécue au quotidien avec Jésus le Christ. Elle est aussi joie missionnaire, qui nous porte vers l’autre, vers le peuple de Dieu rassemblé et à rassembler.
Prêtres et diacres, nous renouvelons chaque année, au cours de la messe chrismale, l’engagement pris le jour de notre ordination. Le fait que nous soyons, aujourd’hui, dispersés dans le diocèse, n’enlève rien au sens de ce renouvellement. Comme au premier jour, dans une liberté parfaite, qui accepte de se donner, avec le même amour, la même force, peut être avec plus de lucidité et de sens du don, nous nous engageons à nous unir davantage au Christ. La crise que nous traversons nous oblige à repenser nos modes de vie et à approfondir notre sens de la charité, notre rapport à l’autre et au monde. Sachons faire de cette crise une opportunité pour que rayonne un peu plus sur ce monde en souffrance la consolation de Dieu !
+ Georges Colomb
Évêque de La Rochelle et Saintes