Scandale des abus sexuels et spirituels, suicide de prêtres, cléricalisme, diminution du nombre des fidèles catholiques… l’Église traverse une tempête qui n’épargne ni les clercs ni les laïcs. À l’occasion de la sortie de son livre « Les prêtres, don du Christ pour l’humanité », le modérateur général de la Communauté Saint-Martin, Don Paul Préaux, réhabilite la figure du prêtre.
Le cléricalisme est régulièrement désigné comme étant la cause des abus sexuels commis dans l’Église, à tel point que certains remettent en cause l’existence même d’un clergé. Qu’en pensez-vous ?
Il est vrai que le cléricalisme a fait beaucoup de mal dans l’Église. Mais clergé n’est pas synonyme de cléricalisme, et l’Église ne peut pas s’affranchir d’un clergé sans renier la parole du Christ. Le cléricalisme est également un danger pour tous et pas seulement pour les prêtres. Nous sommes tous sujets à ce genre de tentation de pouvoir, de notoriété. Ceci étant dit, il est nécessaire de veiller à ne pas tomber dans l’abus de pouvoir. Le Christ a envoyé ses Apôtres avec autorité, mais une autorité qui est d’abord et essentiellement au service de la charité et de la liberté intérieure. C’est un pouvoir spirituel en vue de l’édification du corps du Christ.
Comment ne pas tomber dans une mauvaise autorité ?
En ayant l’humilité de se rappeler que nous sommes envoyés, c’est-à-dire que nous ne sommes pas la source mais les dépositaires d’une autorité mise au service du bien intégral des personnes. On ne doit pas exercer son autorité pour s’imposer aux autres, mais pour conduire l’ensemble de ceux qui nous sont confiés vers l’unique but qui est le Christ. Cette mise en garde vaut pour les prêtres mais aussi pour les pères et mères de famille, par exemple.
Le cléricalisme est-il l’apanage des clercs ?
Il arrive que certains laïcs, plutôt que d’être dans une logique de service, soient plus dans une logique de pouvoir. Toute personne qui reçoit une certaine autorité sur son frère ou sa sœur doit l’exercer avec l’esprit du Christ. En cherchant à briller, on éblouit plus qu’on éclaire. On cherche à séduire, à conduire à soi, et non au Christ. C’est redoutable !
Quels conseils donnez-vous aux fidèles qui peuvent contribuer au développement de ce cléricalisme ? Comment respecter les prêtres sans les déifier ?
Pour respecter les prêtres sans les déifier, il faut adorer Jésus-Christ ! Et seulement Jésus-Christ. Certains mettent des prêtres sur un piédestal. Je le vois lorsque je change un prêtre de paroisse : certains paroissiens sont très mécontents. Dans ce cas, je leur demande : « Êtes-vous attaché à Jésus-Christ unique sauveur ou êtes-vous attaché à Don X ? Vous ne croyez pas que quelque chose est mal ajusté ? » Je demande aussi aux prêtres de veiller à rester modestes. Je comprends qu’une personne endeuillée s’attache au prêtre qui l’écoute et l’aide à cheminer, ou qu’un jeune soit très lié au prêtre qui lui a fait découvrir la foi. Je comprends aussi que des prêtres marquent plus ou moins les fidèles. Toutefois, nous ne sommes pas envoyés pour briller mais pour éclairer. Le Christ a dit : « Vous êtes la lumière du monde. » En cherchant à briller, on éblouit plus qu’on éclaire. On cherche à séduire, à conduire à soi, et non au Christ. C’est redoutable. C’est donc au prêtre de faire attention afin de vivre un réel effacement. C’est là que la vie en communauté est très utile. Elle protège de la starisation.
Qu’est-ce qui distingue le prêtre du laïc ?
Tous les baptisés participent au sacerdoce du Christ. Il y a une confusion dans l’esprit des gens. Dès qu’on dit « sacerdoce », on pense d’abord au prêtre au sens de ministre ordonné. Mais le sacrement initial et fondamental de tout chrétien est le baptême. Tout baptisé participe d’une façon spéciale au sacerdoce filial de Jésus. Le sacerdoce hiérarchique est au service du sacerdoce baptismal. Il n’a de sens que pour sanctifier l’ensemble des baptisés. Il n’est ni au-dessus ni en dessous, mais en face, pour rappeler que le rassemblement de tous les fidèles, qu’on appelle l’Église, ne se fait pas par eux-mêmes mais se fait par le Christ. Lumen gentium (n° 10) dit que les deux sacerdoces sont « ordonnés l’un à l’autre ». Les prêtres sont ordonnés au service et à la promotion du laïcat et des consacrés. Et les fidèles baptisés sont ordonnés au sacrement de l’ordre parce qu’ils doivent soutenir les prêtres et parce que c’est parmi eux qu’il y aura des vocations sacerdotales.