Jacques ZERBO ; notre ami, a donné sa vie !

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Témoignage du Père Albert ION

C’est le premier message que j’ai reçu du P.Alfred Diban KI mardi 3 janvier, m’annonçant l’assassinat de son « grand frère » Jacques. Le lundi matin 2 janvier 2023, Jacques avait pris la route Dédougou – Toma, pour se rendre aux obsèques du professeur Maurice KI (qui, en novembre dernier, avait fait une communication à l’occasion du colloque sur la figure du premier chrétien de Haute-Volta, Di Alfred Diban Ki-Zerbo, dont la cause de béatification avait été confiée à Jacques par son évêque). C’est sur ce trajet, au village de Gassan, à 60 Km de Dédougou qu’il a été vu passant en voiture. Quelques minutes plus tard, la voiture est repassée à toute vitesse vers le village de Soro, à 5 Kms de Gassan. C’est là, à Soro, que son corps a été découvert, quelques heures après, baignant dans son sang au bord de la route, près de la chapelle du village.

Ses obsèques ont été célébrées le jeudi 5 à la cathédrale Ste Anne de Dédougou, à la même heure que celles de Benoit 16 à Rome. Il repose au cimetière des agents pastoraux, à Tionkuy, en banlieue de Dédougou.

Qui était Jacques Zerbo ?

Il était né le 28 décembre 1956 au Mali voisin. Originaire de TOUGAN, en pays samo, il a été ordonné prêtre le 19 juillet 1986 pour le diocèse de Dédougou.

Je l’avais rencontré une première fois en aout 1980 à Bouaké, où il était séminariste en vacances. Par la suite, nous nous sommes revus par deux fois au diocèse de La Rochelle, à la paroisse d’oléron un été, et à Pons-Gémozac lors d’nne année sabbatique. Mais surtout, à de nombreuses occasions où il m’a accueilli au Burkina. Il a commencé son ministère à la paroisse de TOMA. Beaucoup, même des non-chrétiens, venaient à l’église pour le voir célébrer, l’écouter chanter et prêcher l’Evangile. Mais, en même temps, pour ne pas être à la charge des paysans pauvres de la paroisse, il avait pris l’initiative de se faire paysan, de cultiver un verger qu’il m’a fait visiter ! Après avoir fait une formation liturgique en Espagne, il a été professeur au séminaire premier cycle de Ouagadougou. Il était très apprécié comme professeur et conseiller spirituel. Il a composé des chants liturgiques en langue samo.

Mais il restait un grand frère , les pieds sur terre, en encourageant les séminaristes à bien entretenir leurs vélos ! Après son année dans notre diocèse, son évêque l’a nommé vicaire général. Ces dernières années, il suivait avec beaucoup de cœur le dossier de la future béatification de Di Alfred, le premier chrétien de Haute-Volta, qui repose à Toma, ainsi que Joseph Ki-Zerbo, un de ses fils, qui fut un homme politique et un historien célèbre de son pays.

Jacques finit par obtenir de son évêque de le libérer pour qu’il puisse faire avancer le grand projet auquel il tenait tant : créer un Centre d’accueil pour soigner des jeunes dépendant de l’alcool, du tabac et des drogues en vente libre sur les marchés ! Pour cela, il revint en Espagne faire une formation spécifique. Puis il a fondé son Centre en pleine brousse, à Guyalé, près de Kiembara, non loin de la frontière du Mali.

Ainsi depuis une dizaine d’années, il partageait tout avec ces jeunes dans les activités, telles que la pisciculture, une bananeraie,etc..En 2019, par exemple, il avait 25 jeunes, un peu moins en 2020, avec la menace du covid. Chaque année, il envoyait un compte-rendu de ses activités en même temps que ses vœux. Depuis l’ouverture du Centre, sur plus de dix ans, ce sont 137 jeunes et adultes qui sont passés par ce Centre, unique en Afrique de l’ouest. Mais déjà une autre menace planait : celle venant des groupes djihadistes du Mali voisin. En raison de la situation de plus en plus critique, à la demande de son évêque, fin novembre 2021, il a quitté le centre de Guyelé, avec quelques jeunes, pour se réfugier plus au sud dans les locaux d’un ancien carmel, près de Dédougou. A Pâques 2022, il m’écrivait : « Heureux COVID 19 qui nous fait découvrir qu’on peut être chrétien autrement, que la richesse de la liturgie ne se limite pas aux rassemblements…Au Centre les 10 jeunes et moi-même, nous continuons notre vie, et chaque soir nous prions pour la paix au Burkina, même nos deux musulmans. Mais si la situation sanitaire se prolonge, nous devrons fermer le Centre. Les familles, vivant au jour le jour, ne pourront plus payer leur participation à la vie du Centre. ».

Le 27 décembre 2022, à Tougan, envoyé par son évêque, Jacques a célébré dans une grande joie la bénédiction de la nouvelle chapelle au cœur du grand quartier San, son quartier, heureux de voir cette belle œuvre de foi s’achever : une maison de prière située comme point de rencontre et d’unité au carrefour de trois petits quartiers ayant chacun sa religion ! A la fin de la messe, il a dit à un ami avec une grande émotion : « Tout est accompli ! »

Un des promotionnaires de Jacques au petit séminaire en témoigne : « Le connaissant,je suis sûr qu’avant de mourir, il a dû dire : Père, pardonne-leur ! ils ne savent pas ce qu’ils font ! » Jacques a été généreux, il a tout donné jusqu’au bout ! « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime »

Dans son message de vœux pour l’année nouvelle, il envoyait à ses amis ce SMS : « Bonne et heureuse année 2023 ! tout simplement ! Une année où Dieu tiendra sa vraie place, et toute sa place : une année où les autres, frères et sœurs, compteront vraiment : ce sera le début du bonheur ! »

Albert Yon. 19 janvier 2023.