Qui aurait pu prévoir un tel carême 2020 ? Écoles, frontières et lieux publics fermés, spectacles et sports en mode pause, messes et rassemblements annulés, personnes âgées et familles confinées à la maison. Le désert s’installe en ville, le dépouillement se fait isolement, le silence s’invite avec la quarantaine. Même le pape François, qui souhaite une « Église en sortie », a quitté pour quelques heures le Vatican, le 15 mars, et fait un court pèlerinage dans les rues désertes de Rome, priant pour la fin de la pandémie.
À chaque jour sa peine
Il n’aura fallu qu’un virus, appelé le Covid-19, pour chambouler notre mode de vie et nous imposer une retraite planétaire forcée. Chose impensable il y a quelques semaines, on a vu des courses endiablées au supermarché pour du papier de toilette. Devant l’incertitude et l’inconnu, chacun réagit comme il peut. Certains s’adaptent difficilement à l’imprévu ; l’inquiétude prend le pas sur la confiance. D’autres, face à l’adversité, font preuve de résilience en vivant le moment présent, sans trop se projeter dans le futur : «À chaque jour suffit sa peine» (Mt 6, 34), disait Jésus. Gardons-nous de juger trop sévèrement les réactions des uns et des autres.
Une occasion de croissance
Le combat que nous menons contre le coronavirus est personnel et collectif ; il change nos habitudes en profondeur. Plusieurs l’ont compris et posent des gestes concrets de solidarité fraternelle et générationnelle envers le personnel de la santé, les personnes âgées, les enfants à la maison. Chacun y va avec sa bienveillance, sa créativité, son empathie, pour traverser cette épreuve ensemble et faire de la crise une occasion de croissance, une prise de conscience pour l’avenir.
Pâques au bout de ce temps
Pour nous, chrétiens, le Carême est un temps de conversion et de désert où nous suivons Jésus jusque dans sa Passion pour mieux nous recentrer sur l’essentiel : l’amour de Dieu et du prochain. Cette année, il n’y aura probablement pas de célébrations publiques durant la Semaine sainte. Nous serons tout autant solidaires des angoisses et des peines de nos contemporains en quête de sens, comme Jésus l’a été à son époque. L’espérance chrétienne pourtant n’est compromise par aucune pandémie. Elle puise sa cohérence et sa pertinence de la résurrection du Christ, de la victoire de l’amour sur la mort. Pâques est toujours au bout de ce temps. Tel est le sens profond de la foi chrétienne qui se déploie en toute liberté dans le silence de la prière et dans l’engagement envers les plus fragiles.
Augmente en nous la foi
Le prophète Jérémie a dit : «Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur, l’homme dont le Seigneur est la confiance» (Jr 17, 7). Si nous devons faire tout ce qui est en notre possible pour lutter contre ce fléau –et nous devons être reconnaissants envers les personnels de santé qui œuvrent avec dévouement, parfois jusqu’à l’héroïsme, voire l’épuisement, au service des malades–, il nous faut nous tourner vers le Seigneur et le supplier avec foi d’épargner son peuple. Il est très important que nous soyons exemplaires, sans doute dans l’application des précautions sanitaires qui nous sont demandées et qui peuvent encore sauver beaucoup de vies, mais surtout dans la confiance que nous mettrons dans le Seigneur. Ne mettons pas le Seigneur à l’épreuve, comme les hébreux qui disaient : «Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non ?» (Ex 17, 7) ; croyons avec une foi inébranlable que Jésus est dans la barque et que si nous nous adressons à Lui Il nous exauce, comme dans l’évangile de la tempête apaisée (cf. Mc 5, 35-41). Mais demandons-Lui : «Seigneur, augmente en nous la foi» (Lc 17, 5).
Père Sergio PEREZ, curé de Saintes RG