Solennité du Sacré-Cœur de Jésus

La tendresse de Dieu révélée dans le Sacré-Cœur de Jésus

Très chers frères et sœurs,

            Au début de cette homélie, en cette Fête du Sacré-Cœur de Jésus, je voudrais attirer votre attention sur deux représentations du Sacré-cœur de Jésus dans l’iconographie chrétienne.

– Il y a l’image du Sacré-Cœur où Jésus pointe son doigt vers son cœur sur sa poitrine ouverte. Cette belle image nous rappelle que notre Dieu a un cœur et qu’Il souhaite entretenir une relation d’amour avec nous. Jésus ne désigne pas son cerveau, ni ses pieds, mais son cœur. Notre Dieu est un Dieu à cœur ouvert, qui nous aime et que nous pouvons aimer.

– La deuxième image du Sacré-Cœur est celle de Jésus avec les bras grands ouverts. Cette image nous révèle un Dieu toujours prêt à accueillir, qui invite à la rencontre, qui nous redit : «Venez à moi vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi, Je vous soulagerai» (Mt 11, 28). Cette représentation du Sacré-Cœur nous rappelle sans cesse que dans les bras de notre Dieu, dans son cœur, il y a toujours de la place pour nous. Nous sommes toujours attendus et désirés, car il nous aime.  

            Dans toutes les civilisations du monde, le cœur a toujours été associé à l’amour, à la tendresse, à l’intimité. La Bible n’a pas échappé à cette symbolique. Dans la mentalité juive de l’Ancien Testament, le mot hébreu «néfesh» veut dire cœur ou esprit, et il fait référence à la globalité de la personne, à son intégralité. Pour le Juif, le cœur, l’esprit, le souffle signifient la vie et englobent toute la personne.

            Le Nouveau Testament et la prédication de Jésus s’insèrent dans cette dynamique, mais en la présentant d’une manière inouïe, à savoir : nous sommes capables de Dieu ! Nous sommes faits pour Dieu. Dieu veut nous insérer au Cœur de son Amour ! Telle est la Grande Nouvelle ! Telle est la Joie de l’Évangile ! Tel est le message que la Parole de Dieu nous livre aujourd’hui.

            La dévotion au Sacré-Cœur, très répandue en Europe entre le XVIe et le XIXe siècle, s’est rapidement propagée au monde entier. Elle est une mise en valeur concrète et progressive de la tendresse de Dieu pour l’humanité, telle qu’elle nous est révélée dans le Livre du Prophète Osée. Le Seigneur Dieu appelle Israël son «fils» (v. 1). Il lui apprend «à marcher, en le soutenant de (ses) bras» (v. 3). Il le «guide avec humanité par des liens de tendresse» (v. 4). Il le traite «comme un nourrisson qu’il soulève contre sa joue» (v. 4). «Il se penche vers lui pour le faire manger» (v. 4). Comment ne pas être touché et remué de l’intérieur devant des images d’une pareille tendresse ?

            On peut distinguer trois étapes dans ce beau texte du Livre d’Osée.

1) Le passé est d’abord rappelé pour évoquer les relations de Dieu avec son peuple (vv. 1-4).

2) L’infidélité d’Israël est si évidente que le châtiment est clairement annoncé (vv. 5-7).

3) Puis, soudainement, dans le cœur de Dieu, quelque chose d’inattendu et d’inédit se passe, ce qui bouleverse les perspectives (vv. 8-9). C

            C’est-à-dire, malgré les infidélités renouvelées de son peuple, malgré les châtiments qu’Il lui réservait, le cœur de Dieu se retourne en lui-même. Sa colère n’aura pas le dernier mot. Son Amour sera le plus fort. Le dernier verset l’exprime bien : «Je n’agirai pas selon l’ardeur de ma colère, je ne détruirai plus Israël, car Je suis Dieu, et NON pas homme : au milieu de vous Je suis le Dieu saint, Je NE viens pas pour exterminer» (vv. 9).

            La deuxième lecture d’aujourd’hui nous présente Saint Paul en prison ; et tout au long de la Lettre qu’il adresse aux chrétiens d’Éphèse, il réfléchit presque à haute voix sur «la hauteur, la longueur, la hauteur, la profondeur» (v. 18) du Mystère du Christ. Comme chez Osée, le ton est à l’émotion, à l’émerveillement. Dans l’extrait que nous venons d’entendre, saint Paul nous plonge, pour ainsi dire, au cœur même de son adoration et de sa contemplation. «C’est pourquoi je tombe à genoux devant le Père. Lui qui est si riche en gloire, qu’il vous donne la puissance par son Esprit, pour rendre fort l’homme intérieur» (vv. 14-16).

            Il est émouvant de voir ici, à côté du grand missionnaire et évangélisateur des païens, l’Apôtre qui «tombe à genoux», un Saint Paul adorateur, contemplatif qui se laisse séduire par son Seigneur. Et puis, à la fin de notre passage, le cri de Paul : «Que le Christ habite en vos cœurs par la foi ; restez enracinés dans l’amour, établis dans l’amour… Vous connaîtrez l’amour du Christ qui surpasse tout ce qu’on peut connaître. Alors vous serez comblés jusqu’à entrer dans la plénitude de Dieu» (vv. 17.19). Notons ici la précision des verbes employés : habités, enracinés, établis. Saint Paul insiste sur la nécessité d’être en permanence soudés, unis, attachés au Christ.

            L’attachement au Christ n’est pas un état passager ou temporaire. Non ! L’attachement à la personne du Christ se vit dans un état de libre volonté et de permanente communion. Le Pape François nous met souvent en garde : «ne soyons pas des chrétiens d’occasion, mais des chrétiens en état de quotidienne et permanente relation avec le Christ».

            La Fête du Sacré-Cœur nous permet de célébrer notre Dieu, un Dieu qui a un cœur aimant, un cœur qui cherche sans cesse à entrer en relation, en amitié, en alliance avec nous. La mesure de son Amour est d’aimer sans mesure !

            À la suite de nos réflexions sur la Parole de Dieu, nous pouvons tirer quelques enseignements concrets :

1) Depuis l’Ancien Testament, Dieu se présente comme l’Allié, l’Ami, le Compagnon de route de son peuple. Malgré les errances, les infidélités, les dérapages, les péchés de son peuple, le Cœur de Dieu, depuis la Genèse, ne cesse de battre pour lui. Cette tendresse de Dieu est manifestée par celui qui donne sa vie pour elle, le Christ. Le cœur du Christ libère des fleuves d’eau vive lorsqu’il est transpercé. De même, notre cœur peut faire jaillir des fleuves d’amour lorsqu’il va jusqu’au bout du don de sa vie pour les personnes qu’il aime.

2) La Solennité du Sacré-Cœur de Jésus célèbre la Vie à qui rien ne résiste :

– Le Sacré-Cœur de Jésus anime le monde à la manière du ferment dans la pâte et de la semence dans la terre.

– Le Sacré-Cœur de Jésus bat au cœur du monde.

– Le Sacré-Cœur de Jésus dénoue les impasses, ouvre les portes, même les plus verrouillées et Il fait surgir la Vie, plus vivante que jamais !

            Telle est notre foi ! Telle est la Bonne Nouvelle ! Telle est la Joie de l’Évangile !