Paraboles de la Semence et du grain de moutarde

Dimanche 13 juin 2021 – 11e dimanche du Temps Ordinaire –

LA SEMENCE ET LE GRAIN DE MOUTARDE

            Aujourd’hui nous recevons de Jésus deux courtes paraboles, deux belles images concrètes : le «grain qui pousse tout seul» … et «la graine de moutarde, la plus petite de toutes les graines». Il ne faut pas oublier que ce sont des images du Règne de Dieu : «Il en est du Règne de Dieu comme d’un homme qui jette le grain dans son champ … ». En précisant par deux fois qu’il nous parle du «règne de Dieu», Jésus définit très précisément l’horizon d’interprétation des paraboles qu’Il nous propose.

            * La première parabole -que l’on ne trouve que dans l’Évangile de Saint Marc- nous parle de la mystérieuse germination et maturation de la semence jetée dans un champ. Puisque le grain se développe idéalement, il semble décrire ce qui se passe lorsque la semence est tombée dans la «bonne terre» (4, 8).

            Quelle est la source de cette mystérieuse fécondité ? Ce n’est pas le semeur, qui se contente de jeter la semence, puis attend patiemment «le temps de la moisson pour y mettre la faucille». De la graine, il nous est dit qu’elle «germe et grandit» ; c’est bien la semence qui est le sujet de ces verbes. Pourtant, dans la seconde partie du verset l’action est attribuée à la terre, qui «produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin le blé plein l’épi». Il semble donc que Notre-Seigneur veuille souligner le dynamisme inhérent au sol fertile, qui permet à la semence de germer et de grandir dans le secret des entrailles de la terre.

            Appliquons les clés que Jésus Lui-même nous a données pour interpréter la parabole du semeur: la «semence» représente la Parole de Dieu, et la «bonne terre» ceux qui «l’entendent et l’accueillent» (4, 20). C’est bien la semence (la Parole) qui produit du fruit au centuple, mais à condition de pouvoir s’enfouir dans une terre accueillante qui la prend en charge, au point que celle-ci est présentée comme le sujet de l’action de produire l’herbe, l’épi et le blé. Par contraste, l’inactivité et l’ignorance du semeur est particulièrement soulignée : «qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment». Saint Paul écrit aux Corinthiens : «Moi, j’ai planté, Apollos a arrosé ; mais c’est Dieu qui donnait la croissance. Donc celui qui plante n’est pas important, ni celui qui arrose ; seul importe celui qui donne la croissance : Dieu» (1 Co 3, 6-7).

            En fait la nature est créée par Dieu en vue de la grâce, en laquelle elle trouve son accomplissement. Jésus souligne ici la mystérieuse complicité entre la Parole de Dieu et l’humanité. Celle-ci semble toute préparée et même orientée vers l’accueil de ce germe divin qui lui donne une fécondité inattendue.

            * Le processus décrit dans la seconde parabole est similaire à celui que nous venons d’analyser : un grain de moutarde est confié à la terre, qui accomplit son œuvre de gestation. Cependant l’insistance s’est déplacée ; elle porte cette fois sur le contraste entre la minuscule semence -«la plus petite de toutes»- et la taille de la plante qui en surgit la plus grande des plantes potagères, s’élevant à deux, voire trois mètres de hauteur. L’action de grandir et de se déployer n’est plus attribuée à la terre (comme dans la première des deux paraboles), mais au pouvoir extraordinaire inhérent à la minuscule graine. C’est bien dans les branches de la plante issue de la semence que «les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid». Certes la terre (la nature) est indispensable puisque c’est en elle que s’enracine l’arbrisseau, mais dans cette seconde parabole, il est clair que Jésus souligne davantage les potentialités inattendues de la semence (c’est-à-dire de la Parole de Dieu et de la grâce divine) que la fécondité du sol.

            Au terme de l’enseignement, nous découvrons que les deux paraboles constituent un diptyque. Par cette double présentation complémentaire, Jésus veut probablement suggérer la mystérieuse synergie entre la liberté humaine et la liberté divine. Dieu veut avoir besoin de notre foi pour rendre nos vies fécondes : c’est bien notre terre (c’est-à-dire notre vie) qui est appelée à produire du fruit (1èreparabole) ; mais en même temps, le Royaume de Dieu n’est pas de ce monde : il naît d’en-haut, et ne fait que prendre racine dans notre terre pour s’élever jusqu’aux cieux.

            L’arbre offrant sa protection aux oiseaux du ciel est une image biblique du Règne que le Seigneur instaurera en temps voulu, comme le rappelle la prophétie d’Ézéchiel : «Ainsi parle le Seigneur Dieu : ‘A la cime du grand cèdre, à son sommet, je cueillerai un jeune rameau, et je le planterai moi-même sur une montagne très élevée. Il produira des branches, il portera du fruit, il deviendra un cèdre magnifique. Tous les passereaux y feront leur nid, toutes sortes d’oiseaux habiteront à l’ombre de ses branches’» (1ère lecture).

            Que nos cœurs ne se troublent pas : c’est en vertu de sa propre puissance que la Parole accomplira tout cela ; à nous il est seulement demandé d’accueillir fidèlement la semence divine qui se présente sous des aspects si humbles, ou même si insignifiants (2èmeparabole). C’est cela précisément la foi : demeurer dans la «pleine confiance», alors que «nous cheminons sans voir», n’ayant d’autre «ambition que de plaire au Seigneur» (2èmelecture).

Chers frères et sœurs,

            Les paraboles rapportées par Marc nous invitent  à faire confiance à Dieu. Ces paraboles sont une réponse à ceux et celles qui se demandent : si Dieu existe, pourquoi n’intervient-Il pas ? Si Jésus est ressuscité, pourquoi le monde a-t-il si peu changé depuis ?

            Les paraboles nous invitent à ne pas céder au pessimisme. Dieu agit. L’évangélisation du monde a commencé avec un petit groupe ; elle s’est élancée, dans le souffle de la Pentecôte, à la conquête du monde, et elle a fait le tour de la planète. Puis, est venu le temps de l’essoufflement. Les nations qui avaient accueilli l’Evangile avec le plus de ferveur, comme l’Europe, se sont refroidies, elles se sont détournées de leur premier amour. C’est maintenant le temps de la nouvelle Evangélisation, de la germination. 

            Nous sommes invités à vivre dès aujourd’hui dans le Royaume de Dieu et à participer à ce qu’il grandisse chaque jour. Le Royaume est littéralement devant nos yeux dans le quotidien de nos familles, si nous marchons avec Jésus. Il est aussi partout où nous allons, en sachant que nous sommes des témoins de Jésus : notre lieu de travail, notre quartier, notre pays … La semence germe et grandit, l’arbre deviendra magnifique. Nous devons apprendre à patienter, à cheminer sans tout voir. 

            Dieu est venu dans le monde comme une semence porteuse de vie. Il est venu en agissant dans ce qui est petit et faible, mais qui deviendra majestueux. Dans le Royaume de Dieu, il y a de la place pour les faibles et les pauvres. C’est Jésus, Lui-même, la graine de moutarde de laquelle croît quelque chose de merveilleux. Il l’a dit et Il le fera.

            Le Royaume de Dieu est en train de grandir. Ce qui est important se cache dans ce qui est banal, dans le quotidien, dans les petits gestes de tous les jours. Sachons  regarder d’un œil neuf. «On ne voit bien –disait Saint-Exupéry dans son «Petit Prince»- qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux».