Frères et sœurs bien-aimés !
Nous avons fêté avec faste et solennité hier la nativité de notre Seigneur Jésus, Fils et Verbe de Dieu fait chair. Dieu s’est fait proche de nous, il a fait irruption dans notre monde et dans nos vies. Malgré notre indigence, notre finitude et notre fragilité humaines, il a choisi de naître parmi nous et être semblable à nous en toutes choses à l’exception du péché. Nous sommes donc toujours dans la mouvance de Noël avec toujours au centre : Jésus, l’Enfant-Dieu, Prince de la paix, Etoile du matin. Et précisément aujourd’hui, nous fêtons la Sainte Famille : Jésus, Marie, Joseph. Que nous enseigne la Sainte Famille ? Quelle est la réalité de la famille chrétienne aujourd’hui dans notre Eglise, dans notre société ? Et la femme ? Voilà le fil d’ariane de notre méditation de ce jour.
Nazareth est l’école où l’on commence à comprendre la vie de Jésus. L’école de l’Evangile. En effet, porté dans le sein d’une femme où il a été formé comme les autres enfants, le Fils de Dieu est né comme eux. Jésus a grandi au même rythme que tous les enfants et dans les conditions semblables aux leurs, dans une famille que rien apparemment ne distinguait des autres. Il a reçu de ses parents et de son entourage sans nul doute, une éducation comparable à tous points de vue à celle des enfants de Nazareth. La portion d’Evangile lue ce jour nous montre bien son ancrage dans les us et coutumes qui étaient de son époque. C’est d’eux qu’il a appris les mots de la langue dans laquelle il devait annoncer plus tard la Bonne Nouvelle, et révéler les secrets du Père. Cette fête consacre donc pour ainsi dire, l’humanité du Fils de Dieu et met en exergue une vérité de notre foi. Il est non seulement vrai Dieu, comme nous le réitère le Nouveau Missel romain qui a revisité le « Consubstantialem Patri », « Consubstantiel au Père », mais Jésus est aussi vrai homme, de Marie et de Joseph et de la lignée de David, de la tribu de Juda, né à Bethléem dans une étable aux milieux des bêtes. La Sainte Famille nous enseigne donc d’abord l’humilité, la discrétion, la simplicité, le silence. Ce sont des dispositions indispensables et dont nous avons besoin, nous qui sommes assaillis par tant de clameurs, de bruits du monde, de fracas et de cris dans notre vie moderne très bruyante. « Ô silence de Nazareth, silence de Joseph dès le début, silence de Marie, enseigne-nous le recueillement, l’intériorité, l’écoute, la prière que Dieu seul voit dans le secret.
Nazareth, c’est aussi une leçon de vie familiale. La communauté d’amour, le caractère sacré et inviolable de la famille. Les parents de Jésus se soucient de Lui, ils le présentent au Seigneur à Jérusalem. L’importance de la formation que l’on reçoit dans la famille se révèle et se déploie plus tard dans la société. La famille, c’est le fondement de la société. Les destinées du monde se décident souvent sous le toit de la maison natale. Dans l’humble maison de Nazareth, Jésus, Marie et Joseph consacrèrent, par l’exercice des vertus, la vie de famille qui sert de base à la société. Ils y pratiquèrent la charité, la bonté, la douceur, l’aide mutuelle, le respect, l’obéissance. Ils y retrouvèrent toujours dans la prière et le recueillement, la joie et la paix.
Mais au-delà de ce modèle qu’est la Sainte Famille, arrêtons-nous un tant soit peu sur la réalité de la famille aujourd’hui.
Parler de la famille aujourd’hui dans notre société moderne est immanquablement d’une extrême délicatesse et d’une sensibilité inouïe et incontestable, au regard de toutes les libertés que nous offre la société moderne. Les nouvelles conjugalités se sont invitées au concert de la famille et parfois les chrétiens en perdent tout leur latin, parce que pris dans un tourbillon de propositions au point qu’ils ne savent plus à quel saint se vouer. Mais malgré tout, il faut donner du respect, de la considération et de l’amour à tous ! Toutefois, quitte à passer pour des personnes qui nourrissent sans cesse les archives du passé, il convient de garder les repères qui ont de tout temps, fait la singularité de la famille chrétienne et qui nous viennent fort heureusement encore aujourd’hui de la Sainte Famille. Ne tombons donc pas dans ce que le sociologue Durkheim appelle l’« anomie », qui est une perte totale de repères et de valeurs.
Bien-aimés, est-il encore besoin de le dire ? La famille dans notre société moderne est naufragée et étranglée par les vagues des eaux tumultueuses de notre propre modernité. Voilà pourquoi je voudrais, en cette fête de la Sainte Famille, revisiter avec vous, les sacrements du mariage et du baptême qui consacrent l’idéal chrétien de la famille.
Le mariage est le sacrement qui nous permet de vivre réellement l’amour du Christ pour son Eglise (Ep5, 32), l’amour de Dieu pour toute l’humanité et ce, dans la fidélité, la liberté, l’indissolubilité, l’unité, l’éducation chrétienne des enfants. Ainsi, les familles chrétiennes sont invitées à faire de leurs maisons, des demeures de Dieu et des églises domestiques. La famille pour ainsi dire est la cellule de base de l’Eglise. Mais au regard du thermomètre familial et du baromètre social, le constat n’est pas reluisant. Le mariage est devenu pour certains une formalité sociale voire une simple tradition familiale sans ancrage intérieur véritable. Le manque d’appropriation de la démarche donne malheureusement lieu à une facilité déconcertante de séparations, de divorces, ce qui naturellement crée à déstabiliser des familles, qui pourtant filait certainement le parfait amour. La jeune génération échange au lieu de recoller les morceaux comme à l’ancienne. Comment ne pas penser aujourd’hui à toutes ces personnes esseulées, effondrées, désespérées, meurtries, dont l’amour aura peut-être été trahi ? A ces personnes seules à élever leurs enfants ? A toutes ces familles divisées, éclatées, disloquées ? A ces familles recomposées parce que « décomposées » ?. Pensons à toutes ces personnes divorcées, séparées, que chacun trouve en Jésus, au sein de la Sainte famille, force, courage, paix intérieure, réconfort et joie de vivre.
La famille, église domestique, a aussi la mission de présenter à Dieu le fruit de son amour. C’est la place du baptême dans nos vies. Ainsi, comme Abraham qui voulut sacrifier Isaac au Seigneur, pourtant son seul et unique fils, comme Marie et Joseph qui présentent Jésus au Seigneur, les familles chrétiennes, quel que soit le cas de figure, devraient présenter à Dieu le fruit de leur amour (Mais le nombre d’enfants appelés au baptême a drastiquement diminué, ainsi qu’au catéchisme). Nous redonnons ainsi à Dieu ce que nous avons reçu de Lui, car les enfants sont un don de Dieu. Pensons à ces personnes qui n’ont pas connu la joie de l’enfantement, des cris d’un enfant, les gestes de la maternité. Et la femme ?
J’ai voulu ouvrir cette brèche en cette fête de la Sainte Famille pour mettre en exergue le rôle primordiale de la femme dans une famille, sans y ignorer celui de l’homme, tout aussi important. La femme est puissante dans sa famille et l’est aussi dans la société. Que la femme, l’épouse, la mère se sanctifie et le monde sera rénové. Le règne de la femme est dans la cellule de la famille, cellule mère d’où partent et le règne social et le règne national. Si l’on veut connaître l’état de la société, observez les foyers, voyez s’ils sont habités par des femmes, de vraies femmes. La nation n’est que le prolongement en grand de la famille. La flamme véritable, la flamme initiale se trouve dans la famille, là où la femme est « flambeau ». La Très Sainte Vierge Marie est le modèle de toutes les femmes. Que les femmes aillent à Marie pour se retremper en elle, qu’elles apprennent auprès d’elle comment on améliore la société. Nous avec, bien-sûr !
Prions pour l’Eglise, notre famille spirituelle, prions pour nos familles, les familles divisées où des frères et sœurs ne peuvent plus se saluer, ni manger ensemble, encore moins se fréquenter, prions pour les personnes éloignées de leurs familles, les migrants dont le Pape recommande sans cesse l’accueil, qu’en cette fête de la Sainte Famille, nous puissions être porteurs de joie, d’amour, de consolation, de paix et de réconfort à l’image de la Sainte Famille : Jésus, Marie, Joseph.
Amen !
Père Joël ENAMA