2 novembre – Messe pour les défunts

Ce matin, rassemblés pour prier avec toute l’Eglise pour nos défunts, nous sommes les disciples de Quelqu’un qui nous a appris à regarder la mort en face.

Le chrétien ne se dissimule pas cette réalité, qui sera, pour chacun, le moment ultime de sa course sur terre. Et, en ce jour de prière pour les défunts, bien évidemment  nous y pensons tout spécialement.

Quel mystère que nous côtoyons dans notre expérience humaine, et dans lequel nous entrerons un jour.

Devant cette question de la mort, le Christ ne nous laisse pas une réponse ; Il se donne Lui-même, et nous ouvre à une espérance indépassable.

Car il est arrivé quelque chose à la mort, le jour où le Christ l’a traversée du feu de sa vie divine : Il a rendu un sens à ce non-sens. Il a fait de cette impasse une Pâque, un passage.

Comme le reproduisent les prêtres à la messe, « Il étendit les mains à l’heure de sa passion », afin que soit brisée la mort et que la résurrection soit manifestée.

C’est pourquoi l’Église, en ce « jour des morts », nous redit à tous cette unique espérance : Cette espérance de Pâques, de Celui qui s’est fait chair, qui est entré dans la finitude, la vulnérabilité, dans toutes les limites de cette expérience humaine, y compris l’ultime limite de la mort, pour les éclairer de manière définitive de son Amour, et du Salut qu’il nous offre.

Cette espérance, jaillie de notre foi, vient éclairer notre réflexion sur une question, parmi d’autres, qui concerne la mort dans notre société actuelle :

  • Le rapport au corps du défunt, avec le développement de la crémation.

Comment expliquer ce développement de la crémation ?

Cette pratique n’est pas sans lien avec une vision du corps et avec un discours ambiant qui tantôt l’exalte (surtout quand il est jeune, beau et  bronzé), tantôt le marginalise comme insignifiant (on parle alors d’une simple enveloppe).

Il est intéressant de repérer que la célébration des Obsèques va à l’encontre de ce courant.

Ce corps du défunt, ce corps dépouillé dans sa conscience et ses relations, qui va vers sa dégradation et son effacement comme forme humaine, dit toute la vulnérabilité et la finitude de l’être humain que la société a du mal à accepter.

  • Pourtant la liturgie chrétienne des funérailles se déploie toute entière autour de ce corps, pour souligner sa dignité ; et c’est bien à partir de lui que l’Église annonce l’espérance de la résurrection.

Dans les funérailles chrétiennes, il y a une grande attente – respectueuse au corps du défunt, qui fait écho à l’estime biblique pour le corps humain, inscrite non seulement dans la création, qui porte la marque de la bonté du Créateur, mais encore dans la manière même par laquelle le Seigneur a choisi de se révéler par les hommes, à la manière des hommes, et de manière indépassable en Jésus, Verbe fait chair, dont la réalité corporelle devient l’expression même du Seigneur.

Ainsi donc, à la conception morcelée du corps humain, qui est dominante dans la société, la foi en la Résurrection oppose et met en relief la dignité du corps humain et l’intégrité de la personne humaine, corps et âme.

La personne humaine n’est pas seulement quelqu’un qui a un corps, mais qui est son corps.

C’est ce que met en valeur cet extrait d’un texte de réflexion des évêques allemands :

       « Le corps privé de vie a lui aussi sa dignité.

Il est corps de la mère ou du père auquel les enfants doivent la vie ; corps de l’ami dont la proximité était la communauté de relation et d’amour ; le corps qui, dans sa vie, a porté les stigmates de la maladie, du handicap, de l’âge et de la déchéance, plaies qui dans la transfiguration de la chair ressuscitée reçoivent valeur éternelle ».

Ainsi, les funérailles chrétiennes ont une manière de considérer le corps du défunt :

Il n’est plus la présence de celui, ou de celle, qui est parti, et pourtant il continue de signifier son être présent.

Autrement dit, la célébration chrétienne des funérailles invite donc à considérer le corps du défunt, non comme un simple reste, voire un rebut ou une enveloppe, mais comme « le lien » d’attente du mystère de la résurrection de la chair.

A la lumière de ces réflexions, disons un mot sur la signification de l’inhumation et de la mise au tombeau :

On en connaît toute l’importance dans les récits évangéliques de la mort et de la résurrection de Jésus, à partir du tombeau vide.

L’inhumation laisse le temps faire son œuvre : pour l’entourage, déposer le corps du défunt au tombeau, c’est consentir à un lâcher-prise sur l’avenir de son corps, sur le temps ; c’est, dans l’espérance, le remettre à Dieu.

La symbolique de la mise au tombeau chez Paul est très importante pour parler de la résurrection, mais aussi du baptême.

A partir de ces réflexions, l’Église exprime sa préférence pour l’inhumation, même si elle respecte la liberté des familles.

D’où le rituel de bénédiction.

Depuis ces trois jours où Jésus a reposé en terre, la tombe des hommes est devenue, pour les croyants, signe d’espérance en la résurrection.

Même si la crémation ne porte pas atteinte au mystère chrétien, osons dire qu’il y a une réelle tension entre les rites funéraires dont l’Eglise entoure le corps du défunt et la crémation, dans la mesure où celle-ci est un acte volontaire et violent, accélérant le processus de destruction et d’effacement du corps.

Que ces réflexions suscitent la nôtre à ce sujet.

Tournons-nous, dans une prière confiante, vers le Christ, premier né d’entre les morts, pour lui confier tous nos défunts.     Amen.

                                                                               Père Bertrand Monnard