«À qui irions-nous, Seigneur, tu as les paroles de la vie éternelle».

Dimanche 22 août 2021 – 21° dimanche du Temps Ordinaire (B)

«Heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de scandale»

            Avec ce dimanche s’achève la lecture du chapitre sixième de l’Evangile selon saint Jean, le «discours sur le pain de vie»

Une mise à l’épreuve

            Comme dans plusieurs autres moments que nous rapporte saint Jean, ce passage se termine par un dialogue dramatique. Dans l’épisode de la Samaritaine (ch. 4), toute la population entre dans la foi du Sauveur ; dans l’épisode de l’aveugle-né (ch. 9), les pharisiens rejettent la lumière et seul l’homme guéri reconnaît en Jésus le Fils de l’Homme. Ici, seuls les Douze Apôtres restent et, en leur nom, Pierre reconnaît  le Saint de Dieu.

            Au moment de conclure son Evangile, saint Jean résume le but qu’il s’est proposé, le même que Jésus proposait à ceux qui venaient à Lui : «Jésus a fait encore en présence de ses disciples bien d’autres signes qui ne sont pas consignés dans ce livre. Ceux-ci ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour que, en croyant, vous ayez la vie en son nom». (Jean 20, 30 et 31). 

            Comme les deux épisodes de Samarie ou de l’aveugle-né, celui du discours sur le pain de vie indique que la foi doit, pour aboutir, affronter des épreuves ou, ce qui est équivalent, des achoppements, au sens où Jésus disait : «Heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de scandale».  (Matthieu 11,6)

Les achoppements

            Dans ce chapitre sixième que nous avons parcouru dimanche après dimanche, nous pouvons voir les étapes du rejet progressif que rencontre Jésus (étapes qui peuvent être les nôtres ou celles de nos contemporains) :

– D’abord, la foule des braves gens, bien disposés, mais trop «réalistes» : «Et toi-même, quel signe fais-tu pour que nous voyons et que nous puissions te croire» (Jean 6, 28-30).

– Puis, les juifs religieux : «Comment peut-il déclarer : je suis descendu du ciel ?» (Jean 6, 41).

– Enfin, les disciples, qui murmurent comme les juifs : «Cette parole est dure. Qui peut l’écouter ?» (Jean 6, 60) Alors un grand nombre cesse alors de marcher à la suite de Jésus ; l’enthousiasme qui entraînait la foi de ces disciples est tombé.

            A l’apparente bonne volonté initiale de la foule, des juifs et des disciples, a succédé un scepticisme tel qu’ils cessent d’être avec Jésus et donc ne pourront plus voir les signes que le Père lui donne de faire. Ils se sont heurtés :

– aux problèmes de la preuve («quel signe fais-tu pour que nous … puissions te croire ?») ;

– au scandale de l’Incarnation (Jésus se déclare «le Fils de l’Homme descendu du ciel») ;

– et au scandale de l’Eucharistie (Jésus dit : «celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle»).

Entrer dans les vues de Dieu

            Quelle a été la réaction du Seigneur ? Il leur dit : «Cela vous heurte ? Cela vous scandalise ?» À ce point l’on peut se demander si la foule et les juifs auraient tort de refuser de croire aux paroles de Jésus. Certes non s’ils prennent les paroles du Seigneur comme venant d’un homme quelconque et s’ils les entendent selon leurs propres capacités humaines. Si tout se joue sur le plan de la «chair» (au niveau humain), en effet, la promesse de Jésus est délirante.

            En d’autres termes, cela scandalise la foule et les juifs parce qu’ils ne songent qu’à la nature humaine du Christ. Ils seront bien étonnés quand ils Le verront prendre possession de la place qui appartient à son être divin. D’où la demande de Jésus : «Et quand vous verrez le Fils de l’Homme monter là où Il était auparavant ?» C’est précisément cet être surnaturel qui doit les mettre sur la voie. Les paroles de Jésus ne prennent leur sens que pour ceux qui s’ouvrent au souffle de l’Esprit, cet Esprit que seul le Père peut donner, à condition de l’accueillir en nous dépouillant de nos propres points de vue humains. Sinon, tout reste ‘charnel’ avec ce que ce mot indique d’incapacité à entrer dans les vues de Dieu.

            Pour venir donc à Jésus, il nous faut non pas une foi humaine ou une conviction sentimentale, mais une foi surnaturelle, la foi véritable. S’adressant à Nicodème, Jésus avait donné un enseignement très net sur ce point : «Nul, s’il ne naît de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair. Ce qui est né de l’Esprit est Esprit». (Jean 3, 5-6). La foi n’est pas affaire de conviction humaine mais d’ouverture et d’adhésion à Dieu. Saint Jean ne sépare jamais l’adhésion au Christ de la fidélité au Père dont nous acceptons le don : «Vous croyez en Dieu, croyez aussi en Moi». (Jean 14. 1) ; «Personne ne peut venir à Moi si cela ne Lui est donné par le Père» (Jean 6, 65).

La foi de l’Église

            En contraste avec tous ceux qui s’éloignent, Pierre adhère au Seigneur, en son nom personnel mais aussi au titre du ministère spécial qui sera le sien dans l’Eglise. Dans l’Evangile de saint Jean, il n’a pas reparu en personne depuis que Jésus lui a donné ce nom de Pierre (Jean 1, 43). Ici, il parle avec assurance au nom des apôtres, au nom des Douze que Jésus questionne.

            Après sa question «à qui irions-nous ?», qui retentit presque comme un reproche affectueux, comme si le Maître avait pu supposer qu’ils en cherchaient un autre, Pierre ajoute une profession de foi formelle. Les autres s’éloignent parce qu’ils ne croient plus ; les Douze ont cru et croient encore, et bien plus même, cette foi leur donne le savoir : «Nous savons que Tu es le Saint de Dieu».

            Les Douze refusent de quitter le Christ. Et pourtant, à l’heure de la Passion, leur désir de suivre le Seigneur fléchira. Avant le don de l’Esprit, nul ne peut suivre le Christ jusque-là. Mais une fois «revenu, converti» (Luc 22. 32) Pierre pourra confirmer ses frères qui reviennent eux aussi, sauf celui qui a livré le Maître. Le «nous» de la profession de Pierre exprime l’adhésion provisoire et imparfaite des Douze. Elle est comme la nôtre, une adhésion faite de renouvellements permanents par-delà nos fléchissements.

            De nos jours, comme au temps de Jésus, un grand nombre de chrétiens abandonnent leurs convictions religieuses pour suivre d’autres dieux et d’autres idoles : l’argent, le prestige, la carrière, les honneurs, le bien-être, la science, le progrès technique … Il n’y a rien de très nouveau dans tout cela.

            Le Christ demande encore ce jour à chacun de nous : «Voulez partir vous aussi ?». La fidélité au Seigneur sera possible seulement si nous entretenons l’amour et la confiance que nous avons envers lui. «À qui irions-nous, Seigneur, tu as les paroles de la vie éternelle».