Solennité de Pentecôte

LA FÊTE DE LA PENTECÔTE

Act 2, 1-11; Ga 5, 16-25; Jn 20, 19-23.

            Parmi toutes les solennités célébrées pendant l’année liturgique, la Pentecôte est une des plus importantes, parce qu’en Elle se réalise ce que Jésus Lui-même avait annoncé comme étant le but de toute sa mission sur la terre. En effet, alors qu’Il montait à Jérusalem, il avait déclaré à ses disciples: «Je suis venu jeter un feu sur la terre et comme Je voudrais que déjà il fût allumé» (Lc 12,49). Ces paroles trouvent leur réalisation la plus évidente cinquante jours après la résurrection, à la Pentecôte, antique fête juive qui, dans l’Eglise, est devenue par excellence la fête de l’Esprit Saint : «Ils virent apparaître des langues qu’on eût dites de feu … Tous furent alors remplis de l’Esprit Saint» (Act 2, 3-4).

            Le feu véritable, l’Esprit Saint, a été apporté sur la terre par le Christ. Il ne l’a pas arraché aux dieux, comme Prométhée, selon le mythe grec, mais il s’est fait le médiateur du «don de Dieu» et il l’a obtenu pour nous, par le plus grand acte d’amour de l’histoire : sa mort sur la croix.

            Dieu veut continuer à donner ce «feu» à chaque génération humaine, et naturellement il est libre de le faire comme et quand Il le veut. Il est esprit, et l’esprit «souffle où Il veut» (cf. Jn 3, 8). Mais il y a une «voie normale» que Dieu a choisie pour «jeter le feu sur la terre» : cette voie c’est Jésus, son Fils unique incarné, mort et ressuscité. A son tour, Jésus a constitué l’Eglise comme son Corps mystique, afin qu’Elle prolonge sa mission dans l’histoire : «Recevez l’Esprit Saint», a-t-il dit aux Apôtres au soir de la Résurrection, en accompagnant ces paroles par un geste expressif : Il a «soufflé» sur eux (cf. Jn 20, 22). Ainsi, Il a manifesté qu’Il leur transmettait son Esprit, l’Esprit du Père et du Fils.

Les conditions pour recevoir le don de l’Esprit Saint

            Dans la Solennité d’aujourd’hui, les textes de l’Ecriture nous dit encore une fois comment doit être la communauté qui se prépare pour recevoir le don de l’Esprit Saint. Dans le récit, qui décrit l’événement de la Pentecôte, l’auteur sacré rappelle que les disciples «se trouvaient tous ensemble en un seul lieu». Ce «lieu» est le Cénacle, la «chambre haute», où Jésus avait fait la Dernière Cène avec ses disciples ; où Il était apparu à eux, ressuscité ; cette chambre qui était devenue pour ainsi dire le «siège» de l’Eglise naissante (cf. Act 1,13). Cependant, plutôt que d’insister sur le lieu physique, les Actes des Apôtres veulent faire remarquer l’attitude intérieure des disciples : «Tous d’un même cœur étaient assidus à la prière» (Act 1, 14). Donc, la concorde des disciples est la condition pour que l’Esprit Saint vienne ; et le présupposé de la concorde c’est la prière.

            Ceci vaut aussi pour l’Eglise d’aujourd’hui, cela vaut pour nous, qui sommes ici réunis. Si nous ne voulons pas que la Pentecôte se réduise à un simple rite ou à une commémoration, même suggestive, mais soit un événement actuel de salut, nous devons nous prédisposer en religieuse attente du don de Dieu par l’écoute humble et silencieuse de sa Parole. Pour que la Pentecôte se renouvelle à notre époque, il faut peut-être -sans rien enlever à la liberté de Dieu- que l’Eglise soit moins «essoufflée» par les activités et plus dédiée à la prière. C’est ce que nous enseigne la Mère de l’Eglise, la très sainte Vierge Marie, Epouse de l’Esprit Saint.

Les images de l’Esprit Saint

            Pour désigner l’Esprit Saint, dans le récit de la Pentecôte, les Actes des Apôtres utilisent deux grandes images : l’image de la tempête (un “violent coup de vent”) et celle du feu. Il est clair que saint Luc a à l’esprit la manifestation de Dieu du Sinaï, racontée dans les livres de l’Exode et du Deutéronome

1) Dans le monde antique la tempête était vue comme le signe de la puissance divine, devant laquelle l’homme se sentait assujetti et craintif. Mais il faudrait souligner aussi un autre aspect : la tempête est décrite comme un «vent impétueux» et cela fait penser à l’air qui différencie notre planète des autres astres et nous permet d’y vivre. Ce que l’air est à la vie biologique, l’Esprit Saint l’est à la vie spirituelle ; et de même qu’il existe une pollution atmosphérique qui empoisonne l’environnement et les êtres vivants, de même il existe une pollution du cœur et de l’esprit qui mortifie et empoisonne l’existence spirituelle. Alors qu’il ne faut pas s’habituer aux poisons de l’air (et pour cela l’engagement écologique représente aujourd’hui une priorité), on devrait agir de même pour ce qui corrompt l’esprit. Il semble au contraire que l’on s’habitue sans difficulté à tant de produits qui polluent l’esprit et le cœur et circulent dans notre société (par exemple les images qui font un spectacle du plaisir : de la violence ou du mépris de l’homme et de la femme). C’est aussi cela la liberté, dit-on, sans reconnaître que tout cela intoxique l’esprit, surtout des nouvelles générations, et finit ensuite par conditionner la liberté elle-même. La métaphore du vent impétueux de Pentecôte fait penser au contraire à quel point il est précieux de respirer un air propre, un air physique, par les poumons, et par le cœur, un air spirituel, l’air salubre de l’esprit qui est l’amour !

2) L’autre image de l’Esprit Saint que nous trouvons dans les Actes des Apôtres est le feu. Nous avons mentionné au début l’opposition entre Jésus et la figure mythologique de Prométhée, qui rappelle un aspect caractéristique de l’homme moderne. S’étant emparé des énergies du cosmos -le feu- l’être humain semble aujourd’hui s’affirmer comme un dieu et vouloir transformer le monde en mettant de côté, ou même en refusant le Créateur de l’univers.

            L’homme ne veut plus être image de Dieu, mais de soi-même ; il se déclare autonome, libre et adulte. Il est évident qu’une telle attitude révèle un rapport non authentique avec Dieu, conséquence d’une fausse image qu’il s’est faite de Lui, comme l’enfant prodigue de la parabole évangélique qui croit se réaliser lui-même en s’éloignant de la maison de son père. Entre les mains d’un tel homme, le «feu» et ses énormes potentialités deviennent dangereux ; ils peuvent se retourner contre la vie et contre l’humanité elle-même, comme l’histoire le démontre. Les tragédies de Hiroshima et Nagasaki, dans lesquelles l’énergie atomique, utilisée à des fins belliqueuses, a fini par semer la mort dans des proportions inouïes, sont une mise en garde constante.

            Jésus Christ a apporté sur la terre l’Esprit Saint,  c’est-à-dire l’amour de Dieu qui «renouvelle la face de la terre» en la purifiant du mal et en la libérant de la domination de la mort (cf. Ps 103/104,29-30). Ce «feu» pur, essentiel et personnel, le feu de l’amour est descendu sur les apôtres, réunis dans la prière avec Marie au Cénacle, pour faire de l’Eglise le prolongement de l’œuvre rénovatrice du Christ.

Vainqueur sur la peur

            Enfin, une dernière réflexion tirée du récit des Actes des Apôtres : l’Esprit Saint vainc la peur. Nous savons comment les disciples s’étaient réfugiés au Cénacle après l’arrestation de leur Maître et y étaient restés enfermés par peur de subir le même sort. Après la résurrection de Jésus, leur peur ne disparaît pas à l’improviste. Mais voilà qu’à la Pentecôte, lorsque l’Esprit Saint se posa sur eux, ces hommes sortirent sans peur et commencèrent à annoncer à tous la bonne nouvelle du Christ crucifié et ressuscité. Ils n’avaient plus peur, parce qu’ils se sentaient entre les mains du plus fort. Oui, chers frères et sœurs, l’Esprit de Dieu, là où  il entre, chasse la peur ; Il nous fait savoir et sentir que nous sommes entre les mains d’une Toute-Puissance d’amour: quoi qu’il arrive, son amour infini ne nous abandonne pas. C’est ce que montrent le témoignage des martyrs, le courage des confesseurs, l’élan intrépide des missionnaires, la franchise des prédicateurs, l’exemple de tous les saints, certains même adolescents et enfants. C’est ce que montre l’existence même de l’Eglise, qui, en dépit des limites et des fautes des hommes, continue de traverser l’océan de l’histoire, poussée par le souffle de Dieu, et animée par son feu purificateur.

            Avec cette foi et cette joyeuse espérance, répétons-nous aujourd’hui, par l’intercession de Marie : «Envoie ton Esprit, Seigneur, qu’il renouvelle la face de la terre».  Amen