Homélie dimanche de Pâques

A la rencontre de Jésus ressuscité

LES JARDINS DE LA REDEMPTION 

            Les trois actes du drame de la Rédemption ont pour scène un jardin :

* Le premier acte se passe au paradis terrestre. Le premier homme et la première femme, sortis de l’animalité, sont placés devant l’option que connaîtront tous leurs descendants : ou accepter la condition humaine avec ses limites et rendre grâce à Dieu du don de l’existence, de la vie et de la grâce, ou refuser sa situation de créature, se révolter et chercher à ravir, par ses propres forces, la condition divine. Adam et Eve, prototypes de l’humanité pécheresse, choisissent, à l’instigation de la puissance du Malin, de se passer de Dieu et aussitôt, ils découvrent, honteux, l’éveil de la concupiscence et une certaine régression à l’animalité. Ils sont alors chassés du Paradis terrestre. Charles Péguy a chanté le drame de ce premier Exode avec les paroles suivantes :

“O mère enseveli hors du premier jardin
Vous n’avez plus connu ce climat de la grâce
Et la vasque et la source et la haute terrasse
Et le premier soleil sur le premier matin

Ce qui depuis ce jour est devenu la mort
N’était qu’un naturel et tranquille départ
Le bonheur écrasait l’homme de toute part
Le jour de s’en aller était comme un beau port

* Le deuxième acte se passe dans un jardin aux portes de Jérusalem : l’enclos du pressoir à huile : Gethsémani. C’est là que Jésus se retire après la dernière Cène. C’est là qu’il “commence à ressentir tristesse et angoisse” (Mt 26, 37) accablé par le sort qui l’attend, saisi de nausée devant le péché du monde : “Père, disait-il, si Tu le veux, éloigne de moi cette coupe ! Cependant, que ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne”. Jésus souffre non en héros ou en stoïcien, bravant le sort et affrontant leur destin ; Il souffre avec tristesse. Thérèse de Lisieux écrivait à sa sœur : “Et nous, nous voudrions souffrir généreusement, grandement … Céline, quelle illusion !”

* Le troisième acte se passe aussi dans un jardin. Voici les paroles de l’évangéliste saint Jean :A l’endroit où il avait été crucifié il y avait un jardin, et dans ce jardin un  tombeau neuf où personne n’avait encore été enseveli”. (Jn 19, 41).  C’est dans ce jardin où Marie de Magdala se tient le matin de Pâques : “Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ?” “Seigneur, si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis et j’irai le prendre”. Jésus lui dit : “Marie”! Elle le reconnut et lui dit : “Rabbouni” (Jn 20, 11-16).

Dans le premier jardin, le Paradis perdu, l’homme se cache pour éviter la rencontre avec Dieu. Dans le deuxième jardin, celui de l’agonie, Jésus est broyé par le poids du silence de Dieu. Dans le troisième jardin, celui de la résurrection, Marie de Magdala cherche Jésus passionnément et elle le trouve. Jésus l’appelle par son nom et elle le reconnaît ; l’amour n’a pas besoin d’autres preuves.

Cette “unité de lieu” du drame de la Rédemption nous rappelle que la terre est le lieu où se joue notre destinée. Du jardin mystique de l’Eden, au jardin historique de Gethsémani et au jardin mystique du tombeau vide, le mystère pascal résume les phases de l’histoire spirituelle de l’humanité comme de l’histoire spirituelle de chaque personne humaine.

Chaque homme revit le mystère pascal :

– il fuit Dieu après la faute, comme Adam au paradis terrestre, mais il ne peut échapper au regard de Dieu ;

– il est accablé par le péché et par l’absence de Dieu, comme Jésus à Gethsémani ;

– il rencontre le Christ ressuscité, s’il reste fidèle à le chercher.

LA RENCONTRE DE JÉSUS RESSUSCITÉ

            Comment rencontrer où reconnaître la présence de Jésus ressuscité dans notre vie quotidienne ?      Les récits de la Résurrection de Notre Seigneur appellent trois remarques :

1) Jésus ressuscité ne se montre qu’à ceux qui l’aiment. Hérode, Caïphe et Pilate n’auront le privilège de le voir ressuscité. “Il se manifeste –comme le déclare Saint Pierre (Act 10, 40-41), non pas à tout le peuple mais aux témoins que Dieu avait choisis d’avance.

2) On ne le reconnaît pas aussitôt. Et cela parce que la Résurrection est l’inauguration d’un nouveau mode de présence de Jésus au milieu des siens, prémices d’un nouveau mode d’être, d’un nouvel état de la création : Marie Madeleine le prend d’abord pour un jardinier, Pierre et les Apôtres pour un spectre, les disciples d’Emmaüs pour en voyageur attardé sur la route.

3) On le reconnaît à un signe personnel. L’identité du Seigneur ressuscité se révèle, non par quelque trait général qui s’imposerait à tous, mais par un trait intime et particulier qui se lie en chacun au souvenir d’une rencontre antérieur.

            La rencontre par nous du Christ ressuscité présente les mêmes caractères :

* Il faut que nous l’aimions au moins obscurément pour qu’il se révèle

* Il se peut que nous ne le reconnaissions pas aussitôt, étant si discrète sa présence en nos vies.

* En fin d’ordinaire, nous le reconnaîtrons nous aussi, non pas par une preuve contraignante mais par un signe personnel que nous sommes libres d’accepter ou de refuser.

            Si nous sommes attentifs, alors Il nous appellera par notre nom, comme Marie Madeleine ; alors, Il nous fera faire quelque pêche miraculeuse où nous devinerons sa mystérieuse présence ; alors, Il nous rejoindra sur la route, restera dîner avec nous et –comme les disciples d’Emmaüs- nos yeux s’ouvriront et nous le reconnaîtrons à la fraction du pain.

                                                                                                Père Sergio PEREZ, IVE