22 juillet – Varzay fête la Sainte Madeleine

Sainte Madeleine à Varzay

Sainte Marie Madeleine

LES LARMES DE MARIE-MADELEINE

            L’évangile que nous venons d’entendre nous présente le chagrin de Marie-Madeleine. Sur qui pleure Marie-Madeleine ? Quelles sont les causes de sa tristesse ? Jadis, elle avait pleuré sur elle-même et sur ses péchés. Aujourd’hui, elle pleure parce que celui que «son âme désire» a disparu. Elle ne connaît pas encore la résurrection du Christ ; elle croit simplement qu’on a enlevé son corps et qu’elle ne sait pas où il a été déposé. Prenons le temps d’écouter son chagrin et de regarder ses larmes, car son chagrin et ses larmes disent quelque chose du désarroi de notre société.

            Beaucoup de nos contemporains ont perdu la capacité de reconnaître le Christ dans leur vie. Aujourd’hui nous tous, de quelque façon, nous faisons l’expérience de cette absence du Christ, ou du moins de notre difficulté à le retrouver : on «ne sait pas où on l’a déposé». En effet, nous tous sommes confrontés à des épreuves réelles : épreuves de santé, épreuves de la vie professionnelle, épreuves des trahisons affectives, épreuves collectives (par exemple, la pandémie). Est-ce que devant tout ce qui arrive dans une vie humaine, notre lien avec le Christ demeure une référence et une force ? Ou bien, est-ce que, comme Marie-Madeleine, nous vivons seulement sur le souvenir d’une présence disparue ? Marie-Madeleine ne se résigne pas à cette perte, elle est brisée de chagrin «tout en pleurs». Bienheureuses larmes qui expriment le manque de sa vie !

            Frères et Sœurs, ne prenons pas notre parti de ne plus savoir où est notre Seigneur. Il est si facile de sombrer dans le fatalisme, de ne voir que l’incohérence et l’injustice de ce monde, de chercher dans les erreurs des autres les causes de notre désarroi. On fait facilement la chasse aux coupables possibles, mais on se garde trop de regarder en quoi notre propre manière de vivre participe aussi des malheurs de l’humanité.

1. Dieu interdit de séjour

            Quand une société comme la nôtre dépense tant d’énergie à éradiquer -ou au moins à masquer- toute référence à Dieu et à la foi personnelle, nous ne pouvons pas nous étonner que cette forme d’interdiction de séjour se retourne contre nous. Combattre les errements du fanatisme par la seule contrainte de la force et de l’interdiction est voué à l’échec, si nous ne croyons plus réellement aux fondements de notre culture et de notre civilisation.

            De notre héritage chrétien, nous avons gardé, à juste titre, le goût et l’amour de la liberté. France, par exemple, en a hérité la liberté de croire, notre liberté de penser et la liberté de choisir sa façon de vivre ; et les Français peuvent être fiers de cet héritage et souhaiter le défendre. Mais l’on a cru et laissé croire que cette liberté pouvait se développer sans entraîner avec elle une exigence morale dans la manière de conduire notre vie. Cette exigence morale suppose que nos désirs personnels spontanés soient soumis à l’examen de notre raison. Il ne peut pas y avoir de société solidaire et unie s’il n’y a pas la conviction que les intérêts de chacun doivent être régulés par les impératifs du bien de tous.

            Nous en avons un exemple dans notre expérience de la vie familiale. La vied’une famille ne peut pas être harmonieuse et heureusesi chaque membre n’accepte pas de réduire ses attentes particulières pour la satisfaction de tous les membres de la famille. Combien de familles voyons-nous se désagréger parce que chacun des époux vit ses désirs et ses attentes sans s’inquiéter des désirs et des attentes de l’autre ?

            L’effacement de la référence divine dans notre culture et notre société, conduit immédiatement à l’effacement du devoir de solidarité et du service mutuel. Si nous oublions le Dieu de Jésus-Christ, si nous le rejetons hors de notre vie et de nos préoccupations, si nous en faisons un «interdit de séjour», ne nous étonnons pas que notre société perde confiance en ses valeurs fondamentales et qu’elle se transforme sous nos yeux en un champ de compétition pour que chacun puisse tirer le meilleur parti pour lui, fût-ce au détriment des autres.

            Si rien ne compte que ce que je désire pour moi, alors que m’importent les familles brisées, les jeunes sans avenir, les rejetés de notre société, les «déchets» comme nous dit le Pape François: les malades, les handicapés, les vieillards ? Qu’importe à une Europe prospère, les millions d’êtres humains qui meurent de faim ou victimes de la misère à travers le monde.

            Oui, si nous ne savons plus où on a mis le Seigneur, alors nous avons des raisons de pleurer avec Marie-Madeleine, car notre cœur est devenu indifférent aux hommes.

2. La lumière du Ressuscité.

            Mais Marie Madeleine a été aussi le premier témoin de la Résurrection. Laissons-nous donc conduire par Marie-Madeleine vers la lumière du Ressuscité. À travers ses larmes, quelques signes continuent de lui parvenir. Des signes qui restent mystérieux mais qui sont quand même réels : d’abord ces deux hommes installés dans le tombeau et un troisième qui vient derrière elle. Ce troisième homme, l’évangile nous dit que c’était Jésus, mais elle ne le savait pas et le prenait pour le jardinier.

            Même si nous nous sommes éloignés de Jésus, même si nous n’avons plus de Lui que des souvenirs brouillés, même si nous ne savons pas ce qu’Il est devenu, l’expérience de Marie-Madeleine nous permet de comprendre que Lui est toujours présent à notre vie. Il demeure présent si, comme Marie-Madeleine, nous gardons le souvenir de sa présence et si nous éprouvons le chagrin de son absence. Il demeure présent par des messagers qui nous posent des questions comme ces hommes en ont posé à Marie-Madeleine : «Pourquoi pleures-tu ? Que cherches-tu ?».

– Heureux sommes-nous si, dans le fond de notre cœur et de notre mémoire, nous n’avons pas encore perdu le désir de retrouver le Christ !

– Heureux sommes-nous si, comme Marie-Madeleine, nous sommes encore habités par une soif de Le retrouver et «d’aller Le prendre».

– Heureux sommes-nous si, comme Marie-Madeleine, nous entendons Jésus nous appeler par notre nom et se faire reconnaître de nous !

– Heureux sommes-nous si nous ne restons pas sourds à cette parole que Jésus adresse aujourd’hui au secret de nos cœurs !

            Qui que nous soyons, Jésus nous appelle à Le reconnaître comme notre maître et à nous laisser conduire par Lui. Mais, comme pour Marie-Madeleine, si le Seigneur se fait reconnaître de nous aujourd’hui, ce ne sera pas seulement pour nous donner la joie de Le posséder. Ce sera pour nous donner la mission de l’annoncer à nos frères.

            Sainte Madeleine voulait trouver Jésus et puis Le prendre. Il s’est laissé trouver, mais Il ne s’est pas laissé prendre : «Ne me retiens pas». C’est-à-dire : Jésus ne se fait pas connaître à nous pour nous rassurer et nous consoler dans nos épreuves ; Il se fait connaître pour fortifier la foi de ses frères. Il veut faire de nous ses témoins pour nous aider les uns les autres à reconnaître sa présence.

            Puissions-nous dire avec Marie-Madeleine: «J’ai vu le Seigneur», et raconter ce qu’il aura dit à nos cœurs. Amen !