Jonzac 11 septembre 2022
Chers confrères dans le sacerdoce ;
Chers frères et sœurs dans le Christ,
Quelle joie de pouvoir ensemble vivre ce temps d’envoi. Celui que nous vivons pour votre doyenné vient du Seigneur qui sans cesse veut nous renouveler par la force de l’Esprit Saint.
Ensemble nous nous sommes mis à l’écoute du Saint Esprit. C’est en communauté que vous souhaitez recevoir ces priorités que votre assemblée synodale à mises en lumière, comme chemin pour les prochaines années. Il n’est pas toujours simple de se laisser bousculer. Et pourtant les points mis en relief convergent tous vers une nécessaire conversion des manières de faire. Je souhaite donc que vous preniez la route en Christ vers le frère à la lumière de ces priorités qui invitent à la conversion par l’accueil d’un renouveau.
1) Votre première priorité se trouve être l’évangélisation des enfants et des jeunes. Pour les rejoindre il nous faut les atteindre en comprenant ce qu’ils vivent. Atteindre c’est donc entrer en dialogue pour rejoindre et connaître. Dans l’Histoire Sainte Dieu entre en dialogue avec son peuple afin que ce même peuple connaisse Celui qui vient aimer le premier dans l’initiative d’une Alliance toujours renouvelée. Dans la finale de l’Evangile de Matthieu, le Seigneur envoie ses disciples baptiser toutes les nations, mais il les envoie aussi pour enseigner ces nouveaux baptisés à garder les commandements. Les suivre précisément permet de répondre à cette Alliance. Les enfants et les jeunes ont besoin de repères forts. Nous constatons en France une mutation galopante. Nous sommes pour beaucoup d’entre nous issus de générations éduquées dans la foi. Et je partage avec vous ce sentiment parfois déroutant de nous sentir en décalage avec les jeunes générations, qui évoluent dans un monde où la technique et le virtuel occupent le réel. Souvent nous faisons un constat silencieux attristant. Pourquoi depuis tant d’années des générations d’enfants et de jeunes passent dans nos structures, nos écoles, nos aumôneries, puis disparaissent sans prendre la place que nous leur offrions dans nos communautés ? J’ose une réponse qui nous bouscule et qui va engager vos communautés à vire ce renouveau que tous nous espérons.
Nous devons donner à tous ces jeunes et enfants un enseignement pour leur vie de foi qui soit structurant pour leur vie quotidienne et en conformité avec l’enseignement de l’Eglise. Ainsi nous ne les perdrons pas, mais nous leur semblerons authentiques dans les réponses qu’ils attendent. Notre tentation à toutes et tous fut parfois, dans le passé, de chercher à plaire en relativisant les vérités de la foi. Nous pensions alors souvent séduire pour convaincre et fidéliser. Nous ne prenions pas assez en compte que les jeunes n’avaient rien reçu, ni dans nos établissements scolaires hélas, ni dans les familles, avec des jeunes parents souvent eux-mêmes dépourvus de réponses et de convictions face aux interrogations de leurs enfants. Nos générations d’aînés ont pu bénéficier d’un terreau catholique avec tous les meilleurs effets d’une culture évangélique au service de l’humanité. Toutefois nos enfants et nos jeunes ne peuvent pas recevoir seulement un témoignage de vie évangélique, ils doivent pouvoir entrer avant tout dans une relation personnelle avec le Christ par la prière et les sacrements. Le directoire de 2020 pour la catéchèse demande que nos parcours soient kérygmatiques et mystagogiques. Les questions d’ordre temporel viennent ensuite. Il n’y a pas de murs droits sans fondations solides ! Je vous envoie donc auprès des jeunes et des enfants en repensant la catéchèse. N’hésitez pas à proposer au diocèse des remarques et des demandes concrètes pour avancer ensemble sur ce point.
Je perçois que souvent aux yeux du monde nos communautés n’apparaissent pas comme enracinées dans la foi mais seulement porteuses de discours humanistes d’inspiration évangélique. Notre devoir envers les enfants et les jeunes est de leur donner une colonne vertébrale solide dans la foi, c’est là notre mission commune. Comme évêque je souhaite, avec vous, que nous leur offrions une rencontre vivante et profonde avec le Seigneur par l’apprentissage de la prière et la participation aux sacrements, en leur donnant de pouvoir être actifs dans les célébrations. Je souhaite aussi qu’ils reçoivent un enseignement moral pour que leurs vies soient heureuses. il faut que cette formation soit assurée intelligemment afin qu’ils découvrent que les commandements de Dieu et l’enseignement de l’Eglise ouvrent un chemin de vraie liberté. Cela est d’autant plus urgent que les aspirations spirituelles fortes des jeunes et enfants les font se tourner vers d’autres mouvements religieux ou courants spiritualistes et sectaires, lorsque nous ne prenons pas les moyens ou le temps de les accompagner. Cela est notre échec commun depuis des décennies. C’est vraiment pourquoi je vous envoie avec cet encouragement à une conversion des mentalités. Atteindre pour joindre, c’est entrer en dialogue pour connaître et annoncer.
Depuis plusieurs décennies, le terme évangélisation est compris comme du prosélytisme forcené. Ce concept est parfois et à tort considéré comme une agression envers les consciences modernes. Evangéliser dans le respect de la liberté de conscience est pourtant un impératif venant du Seigneur lui-même et que les jeunes générations nous réclament. Ce fut le fer de lance des saints papes Paul VI et Jean Paul II. Benoit XVI a réconcilié l’Eglise d’Occident avec sa mission évangélisatrice trop souvent réduite au service du bonheur en ce monde. Le Pape François aujourd’hui nous invite à continuer l’aventure de l’Eglise par un renouvellement de notre manière d’être en anéantissant ces « Nous avons toujours fait comme cela ou comme ceci”. Cela est contre évangélique, selon le saint Père. Pour le Pape François, dans « Christus Vivit » les communautés doivent se laisser bousculer par les jeunes. Il les invite à courir, alors que, souvent, nous nous sommes habitués à marcher, en critiquant celles et ceux qui ne font pas “groupe”, parce qu’ils sont trop rapides et adeptes du changement. Notre Eglise a besoin de la vitalité des jeunes. Pour qu’ils puissent prendre leur place et donner le meilleur d’eux-mêmes il faut leur donner le Christ en acceptant que leurs sensibilités spirituelles et liturgiques ne soient plus les nôtres. Ils ont soif de Dieu, de sacré et de sens profond pour comprendre la condition mortelle des vivants. Les rejoindre, c’est les comprendre dans leur vie quotidienne, concrète, sans nous tromper d’époque. Nos générations montantes oublient parfois que les jeunes ne vivent plus du tout comme nous aux mêmes âges et que leurs aspirations reçoivent du vide en réponse. Notre société est bien différente de celle de nos vingt ans. Elle se caractérise par la sécularisation, le matérialisme, l’hédonisme, le transhumanisme, la post-modernité et bien souvent la désespérance.
2) L ’espérance est la moelle épinière de nos communautés et nous devons la soigner. En prendre soin est primordial pour notre joie communautaire. Le souci des uns et des autres est un chemin de joie. Le bonheur de croire ensemble est un chemin qui nous déplace les uns vers les autres puisque notre espérance est en Jésus qui est venu à nous pour nous relever. “L’espérance ne déçoit pas”, nous dit saint Paul et cette espérance devient notre force. Mettons-la en lumière, par une entraide mutuelle,
Cette force d’amour fraternel consiste à se soutenir les uns, les autres, en respectant les charismes de chacun, mais aussi en acceptant nos défaillances et nos limites. S’accepter mutuellement c’est se donner l’occasion de garder le regard plein d’espérance et le cœur plein de joie. Le Christ est notre espérance puisqu’en Lui nous recevons du Père, par l’Esprit, la joie des disciples et l’espérance des bienheureux.
Cet amour fraternel et cette joie profonde en Dieu nous donnent à comprendre que nous portons en nous, comme dans des vases d’argile, un trésor inestimable, cette vérité que rien ne nous séparera de l’Amour du Christ. Vivons cette réalité dans une convivialité nouvelle. Cette convivialité chrétienne, vous l’aurez compris, ne sera jamais un entre soi joyeux. Cette convivialité proclame la joie d’être invité aux noces de l’Agneau. Cette joie est un feu, une contagion d’amour pour celles et ceux qui approcheront de vos communautés. Je vous invite donc à prendre soin les uns des autres en vous encourageant dans l’amour porté à ceux qui vous rejoignent, à ceux qui sont aux périphéries.
3) C’est avec ce dernier point de l’accueil que je souhaite conclure. Notre monde est en attente de la paix de Dieu ; paix entre les nations, paix dans les couples, paix dans les foyers, paix dans les quartiers, paix dans les lieux de vie … Notre monde a besoin de Dieu et l’accueil dans nos communautés est un chemin paisible qui doit mener à rencontrer le Dieu Vivant et Vrai. L’accueil est un exercice communautaire de charité concrète. L’accueil devient donc une réalité ouverte. Accueil par et dans les liturgies, accueil de la différence de générations dans les groupes. Pourquoi ne pas imaginer des rencontres intergénérationnelles. Cet accueil doit enfin se déployer envers les pauvres, les migrants, les exclus et les chômeurs. Si nous manifestons l’amour du Seigneur nous ne pouvons pas oublier que Dieu est venu vivre notre condition humaine en toute chose, excepté le péché, et que pauvre il est venu aussi pour celles et ceux qui sont aujourd’hui sur le bord du chemin. Tout homme est une histoire sacrée chantions nous. Tout Homme a droit à la dignité de vivre en relation et d’être aimé. C’est la raison pour laquelle votre accueil doit être, dans la mesure du possible, ouverture, écoute, disponibilité, innovation…Je confie la qualité de cet accueil aux diacres qui auront à se tenir aux portes, aux périphéries. C’est à vous diacres qu’est confiée la porte d’entrée, la qualité de vie et la chaleur de l’auberge Eglise dans laquelle le Seigneur, Bon Pasteur et bon Samaritain, dépose les blessés de la vie qu’il nous demande de soigner.
Frères et sœurs, chers confères, le Concile Vatican II dans sa constitution sur l’Eglise nous éclaire sur le fait que l’Eglise est en marche, c’est à dire littéralement en synode. Marcher n’est pas seulement avancer, c’est progresser vers une fin, c’est vouloir atteindre une destination précise. La mission de l’Eglise dans ce monde vous l’aurez entendu dans mes propos n’est pas une ballade romantique où l’on se gargarise de mots parlant d’amour fraternel, sans vraiment le vivre. La marche de l’Eglise est une progression de sainteté, personnelle et communautaire, vers le Père sur le chemin véritable qui est Jésus dans la puissance de l’Esprit. Si cela n’est pas notre priorité alors nous ne répondrons jamais à notre vocation baptismale.
Vivre les trois priorités que vous avez mis en relief n’évacue pas évidemment tous les autres aspects que vous avez soulignés. Toutefois ces priorités deviennent, dès à présent, pour vous des propulseurs en Christ vers le frère afin de gagner la course avec le frère vers le Christ. Comme pasteur du diocèse, je suis à vos côtés ; ensemble nous marchons avec la joie de l’évangile au cœur. Laissons-nous renouveler, laissez-vous convertir, et de grand cœur je bénis votre charité, votre accueil, vos initiatives et votre bonne volonté au Nom du Père, du Fils et du Saint Esprit.
+ Georges
Évêque de La Rochelle et Saintes