homélie du père Georges VIMARD, aumônier de la mer pour la région Nord, pour la fête des marins à St-Pierre le 25 juin 2023

Homélie- fête des marins Saint Pierre et Miquelon- 25 Juin

…Heureux d’être parmi vous, rêve réalisé, augmenté par les histoires que racontent mon père, marin-pêcheur, par l’épopée des Terre- Neuva de Fécamp à Granville, région de la côte  où j’exerce  mon service à la Mission de la Mer.

L’Evangile nous rappelle ses exigences en ce jour de fête.

Quand Jésus parle à ses disciples, il faut entendre derrière l’ évangéliste Mathieu qui s’adresse aux premiers chrétiens en butte à la persécution politique et religieuse : l’armée romaine occupe la Palestine et les juifs excluent les convertis  des synagogues.

«  Ne craignez pas ceux qui vous livrent et vous pourchassent de ville en ville, ne craignez rien de ceux qui  tuent le corps mais ne peuvent tuer l’âme. »

Parole d’hier, parole d’aujourd’hui…en écoutant par exemple l’évêque du Sahel, Laurent Dabiré, auteur d’un rapport sur la liberté religieuse dans le monde :

«  au Sahel, les communautés chrétiennes disparaissent »

Et, dans le  terrible contexte de la guerre en Ukraine…ce jeune pope russe, au cours d’une liturgie qui prie non pour la victoire mais pour la paix…il s’est fait exclure.

« Ne craignez pas ceux qui vous livrent… »

St Mathieu , en écrivant son évangile, n’en n’ a t-il pas trouvé une trace dans le portrait saisissant du prophète Jérémie ( 1° lecture) «  J’entends les calomnies de la foule… »

«  Ce qui est voilé, caché, dissimulé…pensons aux abus dans l’ Eglise…ce qui est étouffé.. »

Voilà tout le climat de la nuit qui tombe à Jérusalem, nuit de la Passion.

Jésus dénoncé, sous les rumeurs de la foule, Judas qui trahit, Pierre qui renie, les autres  qui le suivaient qui  s’enfuient, sauf les femmes…

Voilà ce qu’il en coûte au Fils se déclarer pour son Père devant les hommes.

Jésus meurt d’avoir libéré l’homme de la peur. La peur qu’il assume lui-même dans la confiance souffrante qu’il fait à son Père.

«  Père, s’il est possible, que cette coupe s’éloigne de moi… »

Jésus fait comprendre à ses disciples que tant qu’on a peur , on n’est pas libre ; devant l’argent, les préjugés, la méfiance, l’indifférence.

Par sa mort sur la Croix, il a libéré les hommes de la haine qui sépare les uns des autres, libéré la vie  nouvelle de la Résurrection qui fait peur devant l’amour fou de Dieu pour ses enfants.

Voilà ce qui sera à jamais  dévoilé, connu, proclamé, que nous accueillons déjà à l’intime de notre  coeur.

«  Vous valez mieux que tous les moineaux… » dit Jésus, alors qu’aurait -il dit regardant les goélands de l’archipel…

« Vos cheveux sont tous comptés… » comme une mère qui caresse les cheveux de son enfant, comme des amoureux aux cheveux emmêlés…ainsi nous assure Dieu. 

Dans la 2° lecture, Paul, le violent libéré de la peur s’écrie :...Combien plus la grâce de Dieu s’est-elle répandue en abondance sur la multitude, cette grâce qui est donnée en un seul homme, Jésus Christ. »

La liberté nouvelle du soleil de Pâques, votre communauté de baptisé-es en est témoin chaque dimanche, le Jour du Seigneur comme au quotidien de vos engagements.

Je découvre une vie sociale si particulière ici sur l’archipel où est né en 1927 Jean-Marie Tillard, célèbre dominicain des années conciliaires. Est ce dû à son pays natal, ses travaux ont mis l’accent sur la vie d’une Eglise locale en communion avec l’Église universelle. Non pas que chaque église soit une île solitaire, mais qui a sa vie propre, particulière, en lien avec l’Église présente sur d’autres

continents.

Ainsi, notre assemblée eucharistique ce matin où se vit le passage à témoin de vos pasteurs, hier soir, la célébration des sacrements de  baptême et de confirmation, cela concerne toute l’Église que l’Esprit saint fait grandir ailleurs, mystérieusement.

Le pape François a lancé, il y a deux ans, la démarche du synode, demandant la contribution des paroisses et des diocèses, pour rendre l’Église moins pyramidale.

Votre évêque, Georges Colomb, dans la tourmente, dans sa tourmente , a écrit avec un  message avec  force : « la mission continue. »

Sans vous connaître, en admirant la rude et merveilleuse nature ici, est ce que votre mission ne serait pas autour de la  sauvegarde de la création pour en être signe ailleurs ?

Voici ce qu’écrit François dans sa lettre Laudato Si- qui a inspiré la prière universelle de cette messe :

«  Si nous nous approchons de la nature et de l’environnement sans cette ouverture à l’étonnement et à l’émerveillement,

si nous ne parlons plus le langage de la fraternité et de la beauté dans notre relation avec le monde, nos attitudes seront celles du dominateur, du consommateur ou du pur exploiteur de ressources, incapables de fixer des limites à ses intérêts immédiats.

En revanche, si nous nous sentons intimement unis à tout ce qui existe, la sobriété et le souci de protection jaillieront spontanément. »   

«  N’ayez pas peur… » dit Jésus

Comme je demandais au père Bertrand quelles étaient les raisons d’avoir peur ici, il m’ a parlé du traumatisme lié au moratoire des pêches en 1992, sujet de peur de l’avenir et qui vous a conduit à vous ré-inventer, à vous ouvrir au monde de la plaisance et du tourisme vert.

Sur les côtes en métropole, les pêcheurs connaissent aussi la peur , le défi en ce moment où la filière joue sa survie :

-plan de sortie de flotte lié aux conséquences du Brexit pour les ports bretons et normands

-«  un bateau, ça a une âme, pas seulement une coque de ferraille qui va à la casse »

-les champs éoliens, les Aires Marines Protégées, la mise en place de quotas, autant de défis à l’horizon des marins : « Laissez nous vivre notre métier, notre passion » j’ai  entendu cela sur les quais au moment des grèves de Mars.  Les marins aiment la mer et aiment leur  communauté de vie.

Sans en oublier les dangers :

Vos péris en mer ici chères familles, ces bien-aimés qui vous manquent  tant,

Les migrants qui périssent en Manche en Méditerranée

L’implosion du sous-marin le Titan à quelques 700 km d’ici.

Mais la mer unit les hommes.

A la Mission   de  la mer, nous les aumôniers, dans les visites auprès des équipages internationaux en escale aux ports de commerce, à la Rochelle ! votre diocèse, à Caen, au Havre…nous le partageons souvent, nos rencontres avec eux, de langue, de culture, de religions différentes, ce qui frappe, c’est cette fraternité qui lie ensemble tous ces marins philippins,  indiens, chinois, indonésiens, russes, ukrainiens, roumains, croates…l’humanité est une, au-delà de la diversité, dans la tendresse de Dieu Père de tous les hommes.

Voilà ce qui sera à jamais révélé, connu, proclamé au grand Jour de Dieu, jusqu’aux îles lointaines comme le chante le psaume ce matin, à partir de l îles lointaine de st Pierre et Miquelon !

Oui, vive lumière sur cette île et sa population. 

Merci de votre accueil, pour la lumière et le vent, 

merci au Dieu  créateur , comme un Père de tendresse.