Ouarzazate, le 13 avril 2021
Un peu de nouvelles des paroissiens lointains.
Cela fait plus de 6 mois que nous sommes au Maroc, à Ouarzazate, aux portes du désert du Sahara.
Nous sommes devenus les assistants pastoraux laïcs de l’église et du domaine de l’église Sainte Thérèse, c’est-à-dire chargés de l’accueil des personnes désirant être reçues, de l’entretien du domaine, des préparations eucharistiques, du relationnel auprès de nos frères musulmans, de l’intervention dans des associations caritatives.
Tout ce passe très bien. Notre intégration est réussie.
Les messes ont lieu tous les dimanches et nous les préparons avec un couple de fidèles tous les samedis après-midi : organisation de la messe, choix des chants, choix des lecteurs pour la liturgie de la parole. Nous avons la chance de pouvoir compter sur un prêtre du Diocèse de Paris, ancien journaliste sur TF1, retiré à Ouarzazate pour vivre sa vie d’ermite et écrire des livres philosophiques
sur la compréhension des textes sacrés.
Notre prêtre, Daniel Duigou, devant la
porte de l’église. Lorsqu’il faut beau et
que la température est clémente, la
messe se déroule à l’extérieur.
C’est un prêtre d’une très grande culture qui enchante, par ses homélies brillantes, la demie douzaine de fidèles qui assistent régulièrement à la messe. Mais il faut savoir que Pâques et Noël sont de fêtes qui remplissent l’église soit une soixantaine de participants. Cette année, Pâques n’a vuque 19 assistants, Covid oblige.
Le relationnel auprès de la population locale se fait aussi bien dans l’église qu’à l’extérieur.
Pour l’église, les demandes sont nombreuses de la part des personnes de confession musulmane.
Qu’est-ce qu’une église ? On y fait quoi ? C’est quoi la messe ? Autant de questions auxquelles il faut
répondre sans tomber dans le prosélytisme. Je ne vous ferai pas l’affront de répondre à votre place,
vous le savez évidemment. Nous recevons beaucoup d’étudiants marocains curieux d’apprendre le
contenu d’autres religions, chargés par leurs professeurs de faire des synthèses. Mais n’oublions pas que nous sommes dans un pays de cinéma et une école supérieure spécialisée dans les métiers du cinéma forme, chaque année, techniciens, ingénieurs et administratifs dont le long générique défile à la fin de chaque film. Il en vient, de temps en temps, à l’église pour se familiariser avec des reportages et des prises de vue. La dernière en date a vu une poignée de futurs caméraman, scripte,
perchman, nous demander une interview car le professeur avait donné comme sujet de faire un reportage sur un endroit singulier de Ouarzazate. Or une église dans un monde musulman, n’est-ce pas un endroit singulier ?A l’extérieur de l’église, nous avons un relationnel exceptionnel avec les Ouarzazis.
La police et l’armée sont toujours à notre porte pour assurer une présence rassurante. Toute s les églises en activité au Maroc ont vu s’installer les forces de police aux portes des domaines ecclésiastiques suite aux attentats de France (entre autre le massacre de la Cathédrale de Nice). Néanmoins, les civils qui
nous entourent sont charmants, coopératifs, souriants et prêts à rendre service.
Avec le Covid, la pauvreté a envahi le pays. Il faut dire qu’une partie importante de l’économie repose sur le tourisme et les français en représentent la plus grosse part. La pandémie a fermé les frontières. De ce fait, nous les entourons de toute l’affection possible et nous les aidons matériellement dans la mesure de
nos possibilités. La majeure partie des français résidents font de même. Un petit hic à ces propos optimistes, le Darija, le langage utilisé au Maroc, fait d’un mélange d’arabe, de berbère (3 ou 4 dialectes différents), de français, d’espagnol.
On prend des cours, ça vient, mais la prononciation est très délicate et certains caractères très gutturaux sont totalement imprononçables pour nous.
Heureusement, tout le monde parle un français très compréhensible et pour le reste, on se débrouille.
Le monde associatif est très important au Maroc. Il y a des associations de femmes et d’enfants partout. Mais peu sont reconnues d’utilité publique et ne bénéficient donc d’aucune subvention publique. A Ouarzazate, elles ont été créées, pour la plupart, par des sœurs franciscaines, dont Francesca (85 ans), une italienne, à la retraite en Italie. Elle a été reçue par Mohamed VI, le roi actuel du Maroc, venu spécialement à Ouarzazate pour la féliciter du travail accompli. Nous avons
commencé par intégrer Achourouk, une association de jeunes sourds et muets en internat.
Nous les aidions pour les devoirs scolaires et l’apprentissage aux loisirs créatifs. Mais la tâche était très lourde avec des enfants allant de 5 ans à 15 ans, une différence d’âge rédhibitoire pour un travail en équipe sans suivi possible. Nous nous sommes alors tournés vers une association, Al Michkat,
(https://almichkat.wixsite.com/) d’enfants laissés pour compte, nés dans la violence du viol, de l’inceste et de la prostitution. Il faut savoir que ces enfants, nés sans père et hors mariage, risquent de finir inconnus à l’état civil. Les mamans les confient à l’association en dehors des heures scolaires pour leur éviter de trainer dans la rue et pour faire les devoirs scolaires et des animations, telles que :
De gauche à droite : Daniel, Malika,
Thérèse, Fabienne, une maman berbère.
chant, coiffure, cuisine, couture, tricot, broderie, auprès d’autres mamans plus instruites et de volontaires comme nous. Dans cette association, des conférences sont données aux femmes pour les confronter à leur condition féminine souvent délicate. Nous avons trouvés notre place auprès de la
directrice, Malika au grand cœur.Thérèse dirige le cours de couture
à l’association Al Michkat
Ouarzazate est aux confins du désert, près du Grand Atlas dont on voit les neiges éternelles de chez nous. De nombreux petits villages sont disséminés dans les collines et la montagne. Les habitants vivent de l’élevage et de la culture (ou de ce qu’ils peuvent).
Dans la région d’Ouarzazate, il y a des spécialités telles le safran à Taliouine, les roses et ses dérivées, dans la vallée du Dadès, les amandes au nord d’Ouarzazate.
Les jardins sont installés dans les oueds, rivières le plus souvent à sec mais pouvant devenir de
véritables torrents impétueux qui emportent tout. Le peu d’eau, qui reste par temps sec, permet aux
cultures de résister. On y fait pousser de la vigne, de l’orge, du blé, de l’avoine, des cultures vivrières.
(Mais on lave aussi son linge dans les poches d’eau accessibles)
Les jardins dans l’oued avec les amandiers
et des cultures bien maigres.
Quand il y a du surplus, ces braves paysans essaient de le vendre aux souks (marchés
hebdomadaires). Et malgré ces difficultés majeures, ils vous offrent un thé et une poignée d’amandes
si vous passez près de chez eux. Alors, il faut leur donner une pièce. Ils en ont tant besoin, leur vie est
si dure mais leur sort est dans les mains d’Allah.
Ma kaïn mouchkil ! Abdoulilah (Pas de problème ! A la Grâce de Dieu).
Thérèse et Daniel Le Scoarnec