Pour celui qui ne croit pas, le récit de l’Annonciation est évidemment plein d’étrangetés. Un ange envoyé par Dieu. Une bourgade provinciale insignifiante, peut-être 20 ou 30 maisons, 150 habitants.
Une jeune fille qui ne vit pas encore en couple avec son fiancé. Une salutation curieuse. Une grosse crainte. Un test de grossesse inattendu. Le prénom à donner du futur bébé, un garçon ! Une cousine qui tombe enceinte sur le tard. Des expressions religieuses énigmatiques : l’Esprit Saint, l’ombre, le Très-Haut, Fils de Dieu, saint. Des mots du judaïsme : maison de David, trône de David, maison de Jacob. Et pour finir : « Voici la servante du Seigneur ».
On imagine la longue approche de ce récit par les 7135 catéchumènes baptisés dans la nuit de Pâques.Nous, baptisés de longue date, c’est dans la foi qu’il faut le ré-ouvrir, le re-découvrir, ou plutôt le ré-entendre pour raffermir notre foi : Jésus vrai Dieu, est vrai homme, grâce à Marie. Et Marie est modèle du croyant.
Il fallait le corps d’une femme pour que Dieu descende parmi nous, que Dieu ait un corps. Il fallait que cette femme soit immaculée pour être tabernacle de Dieu. Il fallait, pour accueillir le Très-Haut qui se fait le Très-Bas, que cette femme juive vive une vie ordinaire de fille, d’épouse et de mère. Il fallait Marie, la première en chemin, pour marcher avec nous dans la foi, dans la modestie de nos jours.
Où se trouve Marie au jour de l’Annonciation ? « L’ange entra chez elle ». Chez elle. Ce n’est pas une vision. C’est une rencontre, un rendez-vous. Ce n’est pas une effraction (il n’y a que la mort qui entre comme un voleur). Dieu est poli. Il salue : « Le Seigneur est avec toi ». « Le Seigneur soit avec vous »dit le prêtre célébrant. Cette salutation est un Bonjour. Shalom. Paix à toi. Dieu dit Bonjour à Marie, à nous. C’est devenu une habitude dans notre correspondance par mail de commencer par « Bonjour ».
Ce n’est pas un mot banal. « Bonsoir » fut le premier mot de François après son élection. A l’Annonciation, nous avons fêté le Bonjour, entre Dieu et nous. Bon Jour, puisque ce jour, où Marie a dit oui, est le commencement de notre sauvetage par Jésus (Dieu sauve). Dieu s’inculture avec des mots d’homme que l’homme peut comprendre. Dans l’évangélisation, il s’agit de faire comme Dieu : annoncer la Bonne Nouvelle comme un Bonjour, un Bonjour joyeux. « Je te salue » c’est « Kaïré » en grec qui veut dire en réalité « Réjouis-toi ».
Nous répétons cette salutation dans nos pauvres AVE MARIA : « Je vous salue Marie, pleine de grâce ». Comblée-de-grâce, favorisée de Dieu. Mais au premier AVE, Marie est bouleversée par son changement de nom. Qu’est-ce que cela signifie ? Marie devient Notre-Dame qui cherche. Le croyant n’est-il pas d’abord un chercheur de sens ? Un croyant n’a-t-il jamais fini de chercher ? «Tu as trouvé grâce auprès de Dieu ». Dieu t’a choisie. Tu es unique. Dieu t’appelle pour une mission : concevoir et enfanter. Et voilà ce que sera cet enfant…
Mais la croyante, qui est déjà dans l’acceptation, ne s’interdit pas de poser la question du « comment ». « Comment cela va-t-il se faire, puisque… » Foi et raisonnement ne sont pas incompatibles. Dieu prend en compte notre intelligence. Marie perçoit alors le mystère de la Personne de son Fils à travers les images et symboles de la Bible qu’une fille juive comprenait, l’ombre ou la nuée étant signe de présence de Dieu. N’y a-t-il pas en chacun, des signes autres de sa présence ? Pour Marie, recevoir Dieu, qui frappe à la porte, c’est être là quand il vient, dans la patience, la vigilance, l’attente, dans le vécu de l’instant présent.. Ce n’est pas chercher à être un autre dans l’aujourd’hui.
Que pouvait faire Marie en ce Bon Jour de l’Annonciation ? Priait-elle en silence dans son cœur ? Faisait-elle la vaisselle ? Pensait-elle à son Joseph ? Un Rabbi contemporain se posait la question :
« Où Dieu demeure-t-il ? » Il fit cette réponse : Dieu demeure là où on le fait entrer.
Jean-Yves Baudry