Synode sur la synodalité : une nouvelle étape

15 Juil 2024

En prévision de la 2e session du synode sur la synodalité, qui aura lieu en octobre 2024 à Rome, le Saint-Siège vient de publier le deuxième “Instrumentum Laboris”, base de travail pour les participants au Synode, en vue de répondre à cette question : Comment être une Église synodale en mission ?

Depuis le mois de mars dernier, le pape François a également demandé à 10 groupes d’étude de travailler sur des sujets abordés lors de la première Assemblée de 2023 : l’écoute du cri des pauvres, la mission dans le contexte numérique, les critères de sélection des candidats à l’épiscopat, les questions doctrinales, pastorales et éthiques controversées… Ces sujets ne sont donc pas abordés dans l’Instruementum Laboris, qui se concentre sur la manière de vivre la synodalité dans l’Eglise.

Il est intéressant de parcourir en entier ce document ; pour en découvrir quelques aspects, nous vous en proposons quelques extraits choisis sur différents thèmes :

Hommes et femmes dans l'Eglise

La réflexion synodale a mis en évidence la nécessité de mieux valoriser les charismes, la vocation et le rôle des femmes dans tous les domaines de la vie ecclésiale. La participation trouve ses racines au niveau des implications ecclésiologiques du baptême ; comme peuple de baptisés, nous sommes appelés non pas à enfouir nos talents, mais à reconnaître les dons que l’Esprit répand sur chacun pour le bien de la communauté et du monde ; dans le respect de la vocation de chacun et chacune, les dons de l’Esprit accordés aux fidèles sont ordonnés les uns aux autres. Et le principe de coresponsabilité doit guider la collaboration entre tous les baptisés. (§13)

Les contributions des conférences épiscopales reconnaissent que de nombreux domaines de la vie de l’Église sont ouverts à la participation des femmes. Cependant, elles notent également que ces possibilités de participation restent souvent sous-utilisées. (§15)

Demandes concrètes :

  • (a) la promotion d’espaces de dialogue dans l’Église, afin que les femmes puissent partager leurs expériences, leurs charismes, leurs compétences, leurs connaissances spirituelles, théologiques et pastorales pour le bien de toute l’Église ;
  • b) une plus grande participation des femmes aux processus de discernement ecclésial et  de décision ;
  • c) un plus grand accès aux postes de responsabilité ;
  • d) une reconnaissance accrue et un soutien plus résolu à la vie et aux charismes des femmes consacrées ;
  • e) l’accès des femmes aux postes de responsabilité dans les séminaires, les instituts et les facultés de théologie ;
  • f) l’augmentation du nombre de femmes juges dans les processus canoniques.
  • utilisation d’un langage plus inclusif et sur les images tirées de l’Écriture et de la tradition dans la prédication, l’enseignement, la catéchèse. (§16)

Alors que certaines Églises locales demandent l’admission des femmes au ministère diaconal, d’autres réaffirment leur opposition. Sur ce sujet, qui ne fera pas l’objet des travaux de la deuxième session, il est bon que la réflexion théologique se poursuive, avec les temps et les modalités appropriés. (§17)

Beaucoup des demandes exprimées ci-dessus s’appliquent également aux hommes laïcs, dont on déplore souvent la faible participation à la vie de l’Église. (§18)

Les charismes et les ministères

À l’origine de la variété des charismes (dons de la grâce) et des ministères (formes de service dans l’Église en vue de sa mission) se trouve la liberté de l’Esprit Saint : il les accorde et œuvre sans cesse pour qu’ils manifestent l’unité de la foi et l’appartenance à l’Église une et unique dans la diversité des personnes, des cultures et des lieux.  Les charismes, même les plus simples et les plus répandus, sont destinés à répondre aux besoins de l’Église et à sa mission. (§27)

Les charismes ne sont pas d’abord appelés à se manifester dans l’organisation d’activités ou de structures ecclésiales, mais dans la vie quotidienne, dans les relations familiales et sociales. La fécondité des charismes dépend de l’action de Dieu, de la vocation de chacun, de l’accueil généreux et sage des baptisés, ainsi que de la reconnaissance et de l’accompagnement par l’autorité. (§28)

Divers ministères existent dans l’Église pouvant être exercés par tout baptisé, homme ou femme. Ce sont des services non occasionnels, reconnus par la communauté et par ceux qui sont chargés de la guider. On les appelle ministères baptismaux : coordination au sein d’une petite communauté ecclésiale, animation de moments de prière (lors de funérailles ou autres), le ministère extraordinaire de la communion, ou d’autres services, pas nécessairement de nature liturgique. Comment confier ces ministères aux laïcs sous une forme plus stable ? Comment promouvoir d’autres formes de ministérialité laïque, même en dehors de la liturgie ? (§29)

Certains types de service ont reçu une nouvelle configuration comme ministères institués : le ministère des lecteurs et celui des acolytes. Le ministère institué des catéchistes a également pris forme. (§30)

Si tous les charismes ne prennent pas une configuration proprement ministérielle, tous les ministères sont fondés sur des charismes donnés à certains membres du Peuple de Dieu. Tout comme les charismes, les ministères doivent être reconnus, promus et valorisés. Le discernement des charismes et des ministères est un acte proprement ecclésial. (§30)

Il semble extrêmement opportun de créer un ministère de l’écoute et de l’accompagnement reconnu et éventuellement institué, qui rende concrètement réalisable une caractéristique si distinctive d’une Église synodale. Il est nécessaire d’avoir une « porte ouverte » dans la communauté, par laquelle les personnes peuvent entrer sans se sentir menacés ou jugés. (§34)

Une formation indispensable

Un enjeu majeur est de prioriser la mise en place de parcours de formation cohérents, en accordant une attention particulière à la formation continue pour tous. (§51)

Il apparait donc primordial d’approfondir la formation qui permet de découvrir comment l’Esprit agit dans l’Église et reconnaître comme Il la guide à travers les âges. (§52)

Une Église synodale missionnaire repose fondamentalement sur la capacité à écouter, ce qui implique la reconnaissance que nul n’est autosuffisant dans l’exercice de sa mission et que chacun a une contribution unique à offrir tout en ayant à apprendre des autres. La formation à l’écoute s’impose donc comme un premier prérequis essentiel. (§54)

La formation doit susciter des témoins authentiques, des hommes et des femmes capables d’assumer la mission de l’Église en coresponsabilité, guidés par la force de l’Esprit. La formation prendra donc appui sur le dynamisme de l’initiation chrétienne, visant à favoriser une expérience personnelle de rencontre avec le Seigneur. Elle encouragera ainsi un processus de conversion continue touchant les attitudes, les relations, les mentalités et les structures.

L’Eucharistie, « source et sommet de toute la vie chrétienne », apparait comme le lieu fondamental de la formation à la synodalité. La famille, en tant que communauté de vie et d’amour, occupe une place privilégiée dans l’éducation à la foi et à la pratique chrétienne. (§55)

La formation se va plus loin que la simple acquisition de connaissances ou compétences, pour cultiver la capacité de rencontre, de partage et de coopération, de discernement en commun. Cette approche intégrale doit donc interpeller toutes les dimensions de la personne : intellectuelle, affective et spirituelle. Loin d’être purement théorique, cette formation doit inclure des expériences concrètes adéquatement accompagnées. (§56)

La conversion et la réforme des structures

Jésus a commencé son ministère public par un appel à la conversion. C’est une invitation à reconsidérer le mode de vie personnel et communautaire et à se laisser transformer par l’Esprit. Aucune réforme ne peut se limiter aux structures seules. Elle doit s’enraciner dans une transformation intérieure.

Pour une Église synodale, la première conversion est celle de l’écoute, dont la redécouverte a été l’un des fruits les plus importants du chemin parcouru jusqu’ici : d’abord l’écoute de l’Esprit Saint, véritable protagoniste du Synode, puis l’écoute mutuelle comme disposition fondamentale pour la mission. (§19)

La synodalité pourrait être une source d’inspiration pour l’avenir de nos sociétés. La manière synodale de vivre les relations est un témoignage social qui répond au besoin humain profond d’être accueilli et de se sentir reconnu au sein d’une communauté concrète. C’est un défi contre l’isolement croissant des personnes et l’individualisme culturel. Mais c’est aussi un défi contre un communautarisme social exagéré qui étouffe les personnes. (§20)

Diacres, prêtres et évêques : les ministères ordonnés

Données contrastées concernant l’exercice du ministère ordonné au sein du Peuple de Dieu :

  • joie, engagement et dévouement des évêques, des prêtres et des diacres
  • difficultés : sentiment d’isolement, de solitude, d’être coupés de relations saines et durables, ainsi que d’être accablés par l’exigence de répondre à tous les besoins. Cela peut être l’un des effets toxiques du cléricalisme. (§35)

Une réévaluation du ministère ordonné impliquera une nouvelle manière de penser et d’organiser l’action pastorale, qui intègre la participation de tous les baptisés, hommes et femmes, à la mission de l’Église, en mettant particulièrement en valeur, en reconnaissant et en animant les différents charismes et ministères baptismaux.

Passer d’un mode pyramidal d’exercice de l’autorité à un mode synodal. (§36)

Prise de décision et transparence

La participation de tous aux processus de décision apparaît comme le moyen le plus efficace de promouvoir une Église véritablement synodale : cela permet à la fois de respecter chaque membre de la communauté et valoriser ses compétences et ses dons propres en vue d’une prise de décision partagée. (§67)

L’autorité est tenu de procéder à une consultation avant de prendre une décision. Cette consultation ecclésiale va bien au-delà de la simple écoute, elle engage l’autorité à ne pas agir comme si cette consultation n’avait pas eu lieu. L’exercice de l’autorité ne consiste pas à imposer une volonté personnelle arbitraire, mais, à exercer un ministère au service de l’unité du peuple de Dieu, en facilitant la recherche commune de ce que l’Esprit demande. (§69)

La compétence décisionnelle de l’évêque, du Collège des évêques et du Pontife romain est inaliénable, car elle est enracinée dans la structure hiérarchique de l’Église établie par le Christ. Cependant, elle n’est pas inconditionnelle : une orientation émergeant du processus consultatif ne peut être ignorée. L’objectif du discernement ecclésial synodal n’est ni de soumettre les évêques à la voix du Peuple, ni de légitimer des décisions préétablies, mais de parvenir à une décision partagée par l’obéissance à l’Esprit Saint. (§70)

Une Église synodale nécessite une culture et une pratique de la transparence et de l’accountability (terme anglais également utilisé dans d’autres langues que l’on peut traduire en français par rendre compte ou redevabilité). (§73)

Rendre compte de son ministère à la communauté appartient à la tradition la plus ancienne, remontant à l’Église apostolique. (§74)

De nos jours, la demande de transparence et d’accountability au sein et de la part de l’Église découle de la perte de crédibilité due aux scandales financiers et surtout aux abus sexuels et autres abus perpétrés sur des mineurs et des personnes vulnérables. (§75)

Elles doivent également concerner les plans pastoraux, les méthodes d’évangélisation et la manière dont l’Église respecte la dignité de la personne humaine, par exemple en ce qui concerne les conditions de travail au sein de ses institutions. (§76)

La transparence doit être une caractéristique de l’exercice de l’autorité dans l’Église. L’évaluation permet aux ministres d’effectuer des ajustements opportuns, et favorise leur capacité à rendre un meilleur service. (§77)

Lire le texte de l’Instrumentum Laboris

Introduction

Le Seigneur de l’univers préparera pour tous les peuples, sur sa montagne,

un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés.

Sur cette montagne, il fera disparaître le voile de deuil qui enveloppe tous les peuples

et le linceul qui couvre toutes les nations.

Il fera disparaître la mort pour toujours.

Le Seigneur Dieu essuiera les larmes sur tous les visages,

et par toute la terre il effacera l’humiliation de son peuple.

Le Seigneur a parlé.

Is 25, 6-8

Le prophète Isaïe présente l’image d’un banquet surabondant et délicieux préparé par le Seigneur au sommet de la montagne. Celui-ci, destiné à tous les peuples est un symbole de convivialité et de communion. À l’heure de son retour vers le Père, le Seigneur Jésus confie à ses disciples la mission de rejoindre tous les peuples, pour leur servir un banquet composé d’une nourriture qui donne la plénitude de la vie et de la joie. À travers son Église, guidée par son Esprit, le Seigneur veut raviver l’espérance dans le cœur de l’humanité, restaurer la joie et sauver tout le monde, en particulier ceux dont le visage est baigné de larmes et qui crient vers lui dans l’angoisse. Leurs clameurs parviennent aux oreilles de tous les disciples du Christ, des hommes et des femmes qui marchent dans les profondeurs de l’histoire humaine. Ces cris sont encore plus forts en ce moment où le cheminement du Synode a été accompagné par l’éclatement de nouvelles guerres et de conflits armés, s’ajoutant à ceux déjà trop nombreux qui continuent à ensanglanter le monde.

Au cœur du Synode 2021-2024. Pour une Église synodale. Communion, participation, mission, se trouve un appel à la joie et au renouveau pour le Peuple de Dieu qui, à la suite du Seigneur est invité à l’engagement au service de sa mission. Cet appel à être des disciples missionnaires est fondé sur notre identité baptismale commune, appel qui s’enracine dans la diversité des contextes dans lesquels l’Église[1] est présente. Et il trouve son unité dans l’unicité du Père, du Seigneur et de l’Esprit. C’est un appel qui concerne tous les baptisés, sans exception : « Tout le Peuple de Dieu est le sujet de l’annonce de l’Évangile. En lui, chaque baptisé est appelé à être protagoniste de la mission, parce que tous, nous sommes des disciples missionnaires » (CTI, n° 53). Ce renouveau prend forme dans une Église qui, rassemblée par l’Esprit grâce à la Parole et à l’Eucharistie (cf. CD 11), proclame le salut dont elle fait continuellement l’expérience à un monde en attente de sens et assoiffé de communion et de solidarité. C’est pour ce monde que le Seigneur prépare un banquet sur sa montagne.

Pratiquer la synodalité – qui est une expression de la nature même de l’Église – est une manière pour nous aujourd’hui de renouveler notre engagement dans cette mission. Grandir en tant que disciples missionnaires signifie, avant tout, répondre à l’appel de Jésus à s’engager à sa suite, répondre à ce don que nous avons reçu lorsque nous avons été baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ; cela signifie ensuite apprendre à nous accompagner les uns les autres en tant que membres d’un peuple pèlerin traversant l’histoire en chemin vers une destination commune : la cité céleste. En avançant sur ce chemin, en rompant le pain de la Parole et de l’Eucharistie, nous devenons ce que nous recevons. Nous comprenons ainsi que notre identité de peuple sauvé et sanctifié a une dimension communautaire incontournable qui englobe toutes les générations de croyants qui nous ont précédés et celles qui nous suivront : le salut à recevoir et dont nous témoignons est relationnel, car personne ne se sauve tout seul. Ou plutôt, en utilisant les mots de la contribution envoyée par une conférence épiscopale d’Asie, nous grandissons lentement dans cette prise de conscience : « La synodalité n’est pas simplement un but, mais également un cheminement à vivre par tous les croyants, un parcours à accomplir ensemble, main dans la main. C’est pourquoi il faut du temps pour en comprendre toute la signification »[2]. Saint Augustin compare la vie chrétienne à un pèlerinage solidaire, une marche ensemble « vers Dieu, non pas avec les pieds, mais avec l’amitié » (Discours 306 B, 1), en partageant une vie de prière, de proclamation et d’amour du prochain.

Le Concile Vatican II enseigne qu’ « à cette union avec le Christ, lumière du monde, de qui nous procédons, par qui nous vivons, vers qui nous tendons, tous les hommes sont appelés » (LG 3). Au cœur du chemin synodal se trouve le désir, ancien et toujours nouveau, de communiquer à tous la promesse et l’invitation du Seigneur, conservées dans la tradition vivante de l’Église, de reconnaître la présence du Seigneur ressuscité parmi nous et d’accueillir les fruits nombreux fécondés par son Esprit. Cette vision de l’Église, comme peuple de pèlerins qui, dans toutes les parties du monde, recherche la conversion synodale au service de la mission, est pour nous un guide alors que nous avançons avec joie et espérance sur le chemin du Synode. Cette vision contraste fortement avec la réalité d’un monde en crise, marqués par des blessures et des inégalités scandaleuses qui retentissent douloureusement dans le cœur de tous les disciples du Christ. Cela nous convoque à prier pour toutes les victimes de violence et d’injustice et à renouveler notre engagement aux côtés des femmes et des hommes qui, partout dans le monde, travaillent comme artisans de justice et de paix.

Trois ans de cheminement

 

Après l’ouverture du processus synodal les 9 et 10 octobre 2021, les Églises locales du monde entier, à des rythmes différents et avec des expressions multiformes, se sont engagées dans une première phase d’écoute. Faire partie de l’Église signifie appartenir à l’unique Peuple de Dieu, composé de personnes et de communautés existant dans des temps et des lieux concrets : la phase d’écoute synodale a démarré à partir de ces communautés, puis est passée ensuite par des étapes diocésaines, nationales et continentales, à travers un dialogue continu que le Secrétariat général du Synode a soutenu et animé par la publication de synthèses et documents de travail. La circularité de ce processus synodal est une manière de reconnaître et valoriser l’enracinement local de l’Église en des contextes variés, tout en renforçant les liens qui les unissent.

La nouveauté de cette première phase a été celle de l’expérience des Assemblées Continentales, qui ont réuni les Églises locales d’une même macro-région, en les invitant à apprendre à s’écouter et s’accompagner mutuellement en cheminant côte à côte pour discerner ensemble les principaux défis missionnaires à affronter dans le contexte géoculturel dans lequel elles se trouvent.

La première session de la XVIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques (octobre 2023) a ensuite ouvert une deuxième phase. En accueillant les fruits de cette écoute elle a été une expérience de prière et dialogue, pour discerner les pas suivants à entreprendre en se laissant guidés par l’Esprit. Cette phase se poursuit jusqu’à la conclusion de la deuxième session (octobre 2024), qui offrira au Saint-Père les fruits de son travail, en vue d’une mise en œuvre plus intense à réaliser par toutes les Églises locales.

La préparation de la deuxième session est nécessairement fondée sur ce qui a émergé de la première session, et a été recueilli dans le rapport de synthèse (RdS). Sur cette base, conformément à la circularité qui caractérise l’ensemble du processus synodal et en vue d’une orientation précise des travaux de la deuxième session, une nouvelle consultation de toute les Églises locales a été lancée, à partir de cette question fondamentale : « Comment être une Église synodale en mission ? » Comme l’explique le document Vers octobre 2024[3], l’objectif de cette consultation était « d’identifier les chemins à suivre et les outils à adopter dans les différents contextes et circonstances, en valorisant l’originalité de chaque baptisé et de chaque Église dans l’annonce du Seigneur ressuscité et de son évangile au monde d’aujourd’hui. Il ne s’agit donc pas de se limiter au projet d’améliorations techniques ou procédurales qui rendent les structures de l’Église plus efficaces, mais de travailler sur les formes concrètes de l’engagement missionnaire auquel nous sommes appelés, dans le dynamisme entre unité et diversité propre à une Église synodale ».

Les réponses à cette question de réflexion – envoyées par la plupart des conférences épiscopales et des organismes continentaux de regroupements d’Églises locales, les Églises orientales catholiques, les diocèses qui ne font pas partie d’une conférence épiscopale, les Dicastères de la Curie romaine, l’Union des Supérieurs généraux et l’Union internationale des Supérieures générales représentant la vie consacrée, ainsi que des témoignages d’expériences et de bonnes pratiques reçus du monde entier et les observations de près de deux cents réalités internationales, facultés universitaires, associations de fidèles, communautés et individus – ont constitué la base pour le processus de rédaction de cet Instrumentum laboris écrit pour la deuxième session, en enracinant celui-ci dans la vie même du Peuple de Dieu à travers le monde.

Ces contributions ont exprimé la gratitude pour ce chemin parcouru, les difficultés qu’il demande parfois, mais surtout le désir d’aller de l’avant. Une conférence épiscopale d’Amérique du Nord l’exprime ainsi : « La gratitude pour le chemin synodal est profonde […] Des tensions subsistent également, qui nécessiteront de poursuivre la réflexion et le dialogue, en s’inspirant de l’idée d’une culture de la rencontre proposée par le Pape François. Mais ces tensions ne rompent pas la communion de charité dans l’Église ». Elles nous rappellent aussi que le chemin à parcourir est encore long.

Comme dans les phases précédentes, les fruits de l’adoption de la méthode de la conversation dans l’Esprit sont réaffirmés. Par exemple, une fédération de conférences épiscopales rapporte : « De nombreuses synthèses venant de toute l’Asie expriment un enthousiasme incroyable pour la méthodologie synodale, qui mettent en place la conversation dans l’Esprit comme point de départ du cheminement. De nombreux diocèses et conférences épiscopales ont introduit cette méthode dans leurs structures existantes avec grand succès ». Cet enthousiasme s’est déjà traduit par la mise en œuvre de mesures concrètes pour expérimenter une manière de procéder plus synodale. Dans une conférence épiscopale européenne, « il a été décidé d’entamer une phase d’expérimentation synodale de cinq ans. Au niveau national, il s’agit de développer, d’évaluer et de perfectionner des formes de consultation synodale, de dialogue, de discernement, ainsi que des processus de prise de décision qui articulent la phase d’élaboration d’une décision (decision-making) avec la prise de décision (decision-taking). Les expériences des diocèses seront prises en compte, ainsi que les développements synodaux dans d’autres parties du monde et dans l’Église universelle. Nous sommes au début d’un parcours d’apprentissage exigeant mais important ». On voit une grande prise de conscience de la valeur des Églises locales et de leur cheminement, de la richesse dont elles sont porteuses et de la nécessité de faire entendre leur voix. D’après une synthèse envoyée par une conférence épiscopale africaine, « on ne peut plus considérer et traiter les Églises locales comme de simples destinataires de l’annonce de l’Évangile, qui n’ont rien ou presque rien ? à apporter ».

À ces contributions se sont ajoutés les fruits de la Rencontre internationale « Curés de paroisse pour le Synode » (Sacrofano [Rome], 28 avril – 2 mai 2024), qui a permis aux prêtres engagés dans la pastorale paroissiale de se faire entendre. Les synthèses de ces groupes d’étude expriment tout d’abord « la joie de pouvoir s’écouter les uns les autres : une expérience enrichissante, qui a nourri un sens profond de la compréhension et du respect des spécificités du contexte d’origine de chacun ». Ils expriment « la nécessité d’une nouvelle compréhension du rôle du curé dans une Église synodale, en respectant la variété des traditions dans l’Église » et la préoccupation de ne pas pouvoir assez rejoindre les périphéries et ceux qui vivent en marge : « Si l’Église veut être synodale, elle doit écouter ces personnes. »

De même, les cinq groupes d’étude constitués par la Secrétairerie Générale du Synode, composés d’experts d’origine géographique, de sexe et de condition ecclésiale diverses, ont fourni des matériaux pour la rédaction de cet Instrumentum laboris. Ces groupes ont travaillé selon une méthode synodale en vue d’un approfondissement théologique et canonique de la notion de synodalité et de ses implications pour la vie de l’Église [4].

Un groupe d’experts, composé d’évêques, de prêtres, d’hommes et de femmes consacrés et laïcs, théologiens, canonistes et biblistes, provenant de tous les continents et ayant des responsabilités ecclésiales diverses, a été chargé de lire toutes les contributions et tous les matériaux reçus et d’articuler les réponses données à la question fondamentale en vue de la rédaction de cet Instrumentum laboris. Les réflexions de ce groupe, ainsi que celles des cinq groupes d’étude mentionnés ci-dessus, alimenteront également le support qui accompagnera cet Instrumentum laboris, en approfondissant les fondements théologiques de certains contenus.

Parallèlement aux travaux de préparation de la deuxième session, les travaux des dix groupes d’étude[5] ont commencé. Ils ont la charge d’approfondir certains thèmes[6] issus de la RdS, décidés par le Saint-Père à l’issue d’une consultation internationale. Ces groupes d’étude, composés de pasteurs et d’experts de tous les continents, suivent une méthode de travail synodale. Ils sont « constitués d’un commun accord entre les Dicastères de la Curie romaine compétents pour les différents thèmes et le Secrétariat général du Synode, qui en assure la coordination », d’après le Chirographe signé par le Pape François le 16 février 2024 et dans l’esprit de la Constitution apostolique Praedicate evangelium (art. 33). Ils devront achever cette étude approfondie d’ici juin 2025, si possible, mais ils présenteront un rapport d’étape à l’Assemblée en octobre 2024. Ainsi, sans attendre la conclusion de la deuxième session, le Pape François a déjà intégré certaines des demandes de la première session et entamé le travail de mise en œuvre, sous la forme prévue par la Constitution apostolique Episcopalis Communio : « Avec le Dicastère de la Curie Romaine compétent, mais aussi avec les autres Dicastères intéressés à différents égards, selon le thème et les circonstances, le Secrétariat Général du Synode promeut pour sa part la mise en œuvre des orientations synodales approuvées par le Pontife Romain » (art. 20, c. 1). En outre, en accord avec le Dicastère pour les textes législatifs, une Commission de droit canonique au service du Synode a été créée. Enfin, afin de mettre en œuvre l’indication donnée par la première session (cf. RdS 16q), le SCEAM (Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar) a annoncé, le 25 avril 2024, la mise en place d’une Commission spéciale chargée de discerner les implications théologiques et pastorales de la polygamie pour l’Église d’Afrique.

Un outil de travail pour la deuxième session

Au cours d’un parcours tissé de silence, de prière, d’écoute de la Parole de Dieu, de dialogue fraternel et de rencontres joyeuses, parfois non sans difficultés, nous avons mûri, en tant que Peuple de Dieu, une conscience plus profonde de notre relation de frères et sœurs en Christ, avec la responsabilité commune d’être une communauté de sauvés qui proclame la beauté du Royaume de Dieu au monde entier, par la parole et par la vie. Cette identité n’est pas de l’ordre d’une idée abstraite, mais d’une expérience vécue, habitée par des noms et des visages. Dans ce temps de préparation de la deuxième session et durant les travaux de cette assemblée, nous continuons à nous poser cette question : comment l’identité de Peuple de Dieu synodal en mission peut-elle se concrétiser dans les relations, les cheminements et les lieux où se déroule la vie de l’Église ?

Le présent Instrumentum laboris doit servir cette perspective. Et l’on peut appliquer également à son compte ce qui a été dit pour l’Instrumentum laboris de la première session : « ce n’est pas un document du Magistère de l’Église, ni le rapport d’une enquête sociologique ; il ne vise ni à formuler des indications opérationnelles, de buts et d’objectifs, ni à offrir l’élaboration complète d’une vision théologique » (n. 8). Pour comprendre ce document, il est essentiel de le situer au sein de l’ensemble du processus synodal. Il est en effet le de cette circularité du dialogue entre les Églises qui caractérise ce processus animé et accompagné par le travail du Secrétariat général du Synode. La première session de l’Assemblée (2023) avait recueilli les fruits de la double consultation locale et continentale à la recherche des « signes caractéristiques d’une Église synodale et sur les dynamiques de communion, de mission et de participation qui l’habitent » (RdS, Introduction). Par la prière, le dialogue et le discernement, elle a recueilli et exprimé dans le RdS les convergences, les questions à traiter et les propositions qui ont émergé du travail commun. Il en ressort ce que l’on peut qualifier de première réponse à la question « Église synodale, que vous enseigne-t-elle de vous-mêmes ? ». La deuxième session est appelée à aller plus loin, en se concentrant sur sa question-guide : « Comment être une Église synodale en mission ? » Sur d’autres questions apparues en cours de route, le travail se poursuit sous d’autres formes, au niveau des Églises locales comme dans les dix groupes d’étude. Les deux Sessions ne peuvent être séparées, ni opposées : elles sont en continuité, et surtout elles font partie d’un processus plus large qui, sur la base de ce qui est indiqué dans la Constitution Apostolique Episcopalis communio, ne s’achèvera pas à la fin du mois d’octobre 2024.

Plus concrètement, cet Instrumentum laboris s’ouvre sur une section consacrée aux Fondements de la compréhension de la synodalité, qui repropose la prise de conscience mûrie au fil du temps et approuvée par la Première Session. Cette section est suivie de trois parties étroitement liées, qui éclairent la vie synodale missionnaire de l’Église à partir de différentes perspectives : (I) la perspective des Relations – avec le Seigneur, entre frères et sœurs et entre Églises – qui soutiennent la vitalité de l’Église bien plus radicalement que ses structures ; (II) la perspective des Cheminements qui soutiennent et nourrissent concrètement le dynamisme des relations ; (III) la perspective des Lieux qui, contre la tentation d’un universalisme abstrait, parle du caractère concret des contextes dans lesquels les relations s’incarnent, avec leur variété, leur pluralité et leur interconnexion, et avec leur enracinement dans le fondement jaillissant de la profession de foi. Chacune de ces sections fera l’objet de prière, d’échange et de discernement dans l’un des modules qui jalonneront les travaux de la deuxième session, où chacun sera invité à « offrir sa contribution comme un don pour les autres et non comme une certitude absolue » (RdS, Introduction), dans un processus que les membres de l’Assemblée sont appelés à rédiger ensemble. Sur cette base, un document final sera rédigé, concernant l’ensemble du processus jusqu’à présent, qui offrira au Saint-Père des lignes directrices sur les étapes à suivre et les moyens concrets d’y parvenir.

On peut s’attendre à un approfondissement de la compréhension commune de la synodalité, à une meilleure focalisation sur les pratiques d’une Église synodale, et même à la proposition de quelques changements dans le droit canonique (d’autres, plus significatifs, pourront être proposés après avoir mieux assimilé et vivifié la proposition de base), mais certainement pas à la réponse à toutes les questions. C’est aussi parce que d’autres émergeront sur le chemin de conversion et de réforme que la deuxième session invitera toute l’Église à entreprendre. Parmi les acquis du processus, nous pouvons certainement compter le fait que nous avons expérimenté et appris une méthode pour aborder les questions ensemble, dans le dialogue et le discernement. Nous sommes encore en train d’apprendre à être une Église synodale missionnaire, mais c’est une tâche que nous avons expérimentée et que nous pouvons entreprendre avec joie.

Fondements

 

Cette section de l’Instrumentum laboris cherche à esquisser les fondements de la vision d’une Église synodale missionnaire, en nous invitant à approfondir notre compréhension du mystère de l’Église. Elle le fait sans prétendre offrir un traité complet d’ecclésiologie, mais en se mettant au service du chemin de discernement de l’Assemblée synodale d’octobre 2024. Pour aborder cette question « Comment être une Église synodale en mission ? » il est nécessaire d’avoir une vision globale dans laquelle pourront s’intégrer les réflexions et propositions pastorales et théologiques, pour guider l’Eglise dans son cheminement qui se révèle être essentiellement un processus de conversion et de réforme. Les mesures concrètes que prendra ensuite l’Église permettront de mieux cibler l’horizon et approfondir la compréhension des fondements, dans une circularité qui marque toute l’histoire de l’Église.

En Christ, lumière des nations, nous formons un seul peuple de Dieu, appelé à être signe et instrument de l’union avec Dieu et de l’unité du genre humain. Nous réalisons cela en marchant ensemble dans l’histoire, en vivant la communion qui se nourrit de la vie trinitaire, en promouvant la participation de tous et toutes, pour accomplir notre mission commune. Cette vision est bien enracinée dans la tradition vivante de l’Église. Le processus synodal a permis la maturation d’une conscience renouvelée de celle-ci, par l’expression des convergences apparues au cours du voyage commencé en 2021. Lors de la première session d’octobre 2023, l’Assemblée synodale (octobre 2023) les a identifiés et recueillis ces éléments dans le RdS. Ce document a ensuite été partagé avec l’ensemble de l’Église, afin de nourrir un processus de discernement collectif qui enrichira la deuxième session.

L’Église Peuple de Dieu, sacrement de l’unité

1. Le Baptême au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit donne naissance à l’identité mystique, dynamique et communautaire du Peuple de Dieu. Identité orientée à la fois vers la plénitude de vie dans laquelle le Seigneur Jésus nous précède et vers la mission d’inviter tout homme et toute femme à accueillir le don du salut dans la liberté (cf. Mt 28,18-19). Par le baptême, le Christ nous enveloppe de sa présence, nous faisant participer à son identité et à sa mission (cf. Ga 3,27).

2. « Le bon vouloir de Dieu a été que les hommes ne reçoivent pas la sanctification et le salut séparément, hors de tout lien mutuel ; il a voulu en faire un peuple qui le connaîtrait selon la vérité et le servirait dans la sainteté » (LG 9), par la participation même à la communion trinitaire. Dans et par son peuple, Dieu réalise et manifeste le salut donné dans le Christ. La synodalité s’enracine dans cette vision dynamique du Peuple de Dieu, appelé universellement à la sainteté et à la mission, en pélerinage vers le Père sur les traces de Jésus-Christ et vivifié par l’Esprit Saint. Dans les différents contextes où il vit et marche, ce Peuple de Dieu synodal et missionnaire proclame et témoigne de la Bonne Nouvelle du salut. Il marche avec tous les peuples de la terre, avec leurs cultures et leurs religions, dialoguant avec eux et les accompagnant.

3. Le processus synodal a permis de prendre conscience de ce que signifie être ce Peuple de Dieu rassemblé comme « Église ‘de toute tribu, langue, peuple et nation’ » (RdS 5), vivant cette marche vers le Royaume dans des contextes variés et des cultures différentes. Le Peuple de Dieu, sujet communautaire, traverse les étapes de l’histoire du salut vers son accomplissement. Le Peuple de Dieu n’est jamais la somme des baptisés, mais le « nous » de l’Église, sujet communautaire et historique de la synodalité et de la mission, afin que tous puissent recevoir le salut préparé par Dieu. Incorporés à ce Peuple par la foi et le Baptême, nous sommes accompagnés par la Vierge Marie, « signe d’espérance assurée et de consolation », « devant le Peuple de Dieu en pèlerinage », « en attendant la venue du jour du Seigneur (cf. 2 P 3, 10) » (LG 68), par les apôtres, par ceux qui ont témoigné de leur foi jusqu’au don de leur vie, par les saints reconnus et les saints « de la porte d’à côté ».

4. « Le Christ est la lumière des peuples » (LG 1) et cette lumière brille sur le visage de l’Église, qui est, « dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (ibid.). Telle la lune, l’Église reflète une lumière qui n’est pas la sienne : sa mission ne peut être autoréférentielle, mais consiste à être le sacrement des liens, des relations et de la communion pour l’unité du genre humain. Elle porte cette responsabilité à une époque marquée par la crise de la participation, où le sentiment d’une destinée commune s’estompe au profit d’une vision individualiste du bonheur et du salut. Sa mission est de transmettre au monde le projet divin d’unir toute l’humanité à Lui par le salut. Ce faisant, elle ne se proclame pas elle-même, mais annonce que « Jésus Christ est le Seigneur » (2 Co 4,5). Autrement, elle perdrait son essence de « sacrement » dans le Christ (cf. LG 1), son identité et sa raison d’être. En cheminant vers la plénitude, l’Église incarne le sacrement du Royaume de Dieu dans le monde.

La signification commune de la synodalité

 

5. Les termes synodalité et synodal, issus de l’antique et pérenne pratique ecclésiale des synodes [7], ont été mieux compris et vécus grâce à l’expérience de ces dernières années. Ils sont de plus en plus associés au « désir d’une Église plus proche des personnes, moins bureaucratique et plus relationnelle » (RdS 1b), ce qui renvoi à ces deux images de la maison et de la famille de Dieu. La première session de l’Assemblée a dégagé une convergence sur le sens de la ‘synodalité’, celle-ci sous-tend cet Instrumentum laboris. Les différentes pistes d’approfondissement en cours visent à mieux centrer la perspective catholique sur cette dimension constitutive de l’Église, dans un dialogue avec les autres traditions chrétiennes, respectueux des différences et des particularités de chacune. Dans son sens le plus large, « la synodalité peut être comprise comme la marche des chrétiens avec le Christ et vers le Royaume, avec l’ensemble de l’humanité ; orientée vers la mission, elle implique de se réunir en assemblée aux différents niveaux de la vie ecclésiale, de s’écouter les uns les autres, de dialoguer, de procéder à un discernement communautaire, de rechercher le consensus comme expression de la présence du Christ dans l’Esprit, et de prendre des décisions dans le cadre d’une coresponsabilité différenciée » (RdS 1h).

6. La synodalité désigne donc « le style particulier qui détermine la vie et la mission de l’Église » (CTI, n. 70), un style qui part de l’écoute comme premier acte de l’Église. La foi, qui naît de l’écoute de l’annonce de la Bonne Nouvelle (cf. Rm 10, 17), vit de l’écoute : écoute de la Parole de Dieu, écoute de l’Esprit Saint, écoute réciproque, écoute de la tradition vivante de l’Église et de son Magistère. Au cours des étapes du processus synodal, l’Église a une fois de plus fait l’expérience de ce que les Écritures enseignent : il n’est possible de proclamer que ce que l’on a entendu soi-même.

7. La synodalité « doit s’exprimer dans la façon ordinaire de vivre et d’œuvrer de l’Église. Ce modus vivendi et operandi se réalise à travers l’écoute communautaire de la Parole et de la célébration de l’Eucharistie, la fraternité de la communion et la responsabilité partagée, et la participation de tout le Peuple de Dieu, à ses différents niveaux et dans la distinction des divers ministères et rôles, à la vie et à la mission de l’Église » (ibid.). Le terme indique ensuite les structures et les processus ecclésiaux dans lesquels la nature synodale de l’Église s’exprime au niveau institutionnel. Il désigne enfin les événements particuliers dans lesquels l’Église est convoquée par l’autorité compétente (cf. ibid.). Dans sa référence à la réalité de l’Église, le concept de synodalité n’est pas une alternative à celle de communion. En effet, dans le contexte de l’ecclésiologie du Peuple de Dieu illustrée par le Concile Vatican II, le concept de communion exprime la substance profonde du mystère de l’Église et de sa mission, qui trouve dans la célébration de l’Eucharistie sa source et son sommet, à savoir l’union avec Dieu Trinité et l’unité entre les personnes humaines réalisée dans le Christ par l’Esprit Saint. Dans le même contexte, la synodalité « signifie le modus vivendi et operandi spécifique de l’Église Peuple de Dieu qui manifeste et réalise concrètement son être de communion dans le fait cheminer ensemble, de se réunir en assemblée et que tous ses membres prennent une part active à sa mission évangélisatrice » (CTI, n. 6).

8. La synodalité n’implique en aucun cas la dévaluorisation de l’autorité particulière et de la tâche spécifique des pasteurs confiée par le Christ lui-même : les évêques avec les prêtres, leurs collaborateurs, et le Pontife romain comme « principe perpétuel et visible et le fondement de l’unité qui lie entre eux soit les évêques, soit la multitude des fidèles » (LG 23). Elle offre plutôt « le cadre d’interprétation le plus adapté pour comprendre le ministère hiérarchique lui-même » (François, Discours en commémoration du 50e anniversaire de l’établissement du Synode des évêques, 17 octobre 2015), invitant toute l’Église, y compris ceux qui détiennent l’autorité, à une véritable conversion et réforme.

9. La synodalité n’est pas une fin en soi. Dans la mesure où elle offre la possibilité d’exprimer la nature même de l’Église et contribue à valoriser tous les charismes, vocations et ministères dans l’Église, elle permet à la communauté de ceux qui « regardent avec la foi vers Jésus » (LG 9) d’annoncer l’Évangile de la manière la plus appropriée aux femmes et aux hommes de tous les lieux et de tous les temps, et d’être un « sacrement visible » (ibid.) de l’unité salvifique voulue par Dieu. Synodalité et mission sont donc intimement liées. La deuxième session, en se focalisant sur des aspects spécifiques de la vie synodale, vise à renforcer l’efficacité missionnaire. Simultanément, la synodalité constitue un prérequis pour progresser sur la voie œcuménique vers l’unité visible de tous les chrétiens. L’intégration des fruits du chemin œcuménique dans les pratiques ecclésiales est traitée par le Groupe d’étude n° 10.

L’unité comme harmonie des différences

 

10. Le dynamisme de la communion ecclésiale et donc de la vie synodale de l’Église trouve son modèle et son accomplissement dans la liturgie eucharistique. En elle, la communion des fidèles (communio fidelium) est aussi la communion des Églises (communio ecclesiarum), manifesté dans la communion des évêques (communio episcoporum), en raison du principe très ancien selon lequel « l’Église est dans l’évêque et l’évêque est dans l’Église » (saint Cyprien, Épître 66, 8). Au service de la communion, le Seigneur a placé l’apôtre Pierre (cf. Mt 16, 18) et ses successeurs. En vertu du ministère pétrinien, l’évêque de Rome est « le principe perpétuel et visible et le fondement » (LG 23) de l’unité de l’Église, exprimée dans la communion de tous les fidèles, de toutes les Églises, de tous les évêques. Ainsi se manifeste l’harmonie que l’Esprit opère dans l’Église, lui qui est l’harmonie en personne (cf. Saint Basile, Sur le Psaume 29, 1).

11. Au fil du processus synodal, l’aspiration à l’unité de l’Église s’est intensifiée, parallèlement à une prise de conscience accrue de sa diversité. Le dialogue entre les Églises nous a rappelé que la mission est indissociable du contexte, rappelant que l’Évangile est offert à des personnes et des communautés ancrées dans des époques et lieux spécifiques. Ces dernières, loin d’être repliées sur elles-mêmes, sont porteuses d’histoires qui méritent reconnaissance et respect, tout en étant invitées à s’ouvrir à des horizons plus larges. Rencontrer et célébrer la beauté du « visage multiforme de l’Église » (Saint Jean-Paul II, Novo Millennio Ineunte, 40) fut l’un des plus grands dons reçus à travers ce chemin. Le renouveau synodal valorise les contextes comme lieux où l’appel universel de Dieu à faire partie de son peuple, de ce Royaume « de justice, de paix et de joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14, 17), se manifeste et s’accomplit. Ainsi, les diverses cultures peuvent mieux saisir l’unité qui sous-tend et enrichit leur vibrante pluralité. Reconnaître la valeur des contextes, des cultures et de la diversité est essentiel pour l’épanouissement d’une Église synodale missionnaire.

12. De même, on a pris conscience de la variété des charismes et des vocations que l’Esprit Saint suscite constamment au sein du Peuple de Dieu. Cette prise de conscience suscite l’aspiration à développer la capacité de discerner ces charismes, de c au sein de chaque Église et de comprendre leur interrelation dans la vie concrète de chaque Église et de l’Église dans son ensemble, et surtout de les articuler pour le bien de la mission. Il est aussi nécessaire d’approfondir la question de la participation de tous en lien avec la communion et la mission. À chaque étape du processus s’est manifesté le désir d’élargir les possibilités de participation et d’exercice de la coresponsabilité de tous les baptisés, hommes et femmes, dans la diversité de leurs charismes, de leurs vocations et de leurs ministères. Ce désir s’oriente selon trois axes. Le premier est la nécessité de « mettre à jour » la capacité de proclamer et de transmettre la foi par des moyens adaptés au contexte contemporain. Le deuxième est celui du renouveau de la vie liturgique et sacramentelle, en commençant par l’appel à vivre des célébrations qui soient belles, dignes, accessibles, pleinement participatives, bien inculturées et capables de nourrir l’élan missionnaire. Le troisième axe découle de la tristesse provoquée par le manque de participation de nombreux membres du Peuple de Dieu à ce chemin de renouveau ecclésial et par la difficulté de l’Église à vivre pleinement une relation juste entre hommes et femmes, entre différentes générations et entre personnes et groupes de cultures et conditions sociales différentes, en particulier les pauvres et les exclus. Le manque de réciprocité, de participation et de communion entrave le renouveau intégral de l’Église vers une synodalité missionnaire.

Sœurs et frères en Christ : une réciprocité renouvelée

 

13. La première différence que nous rencontrons en tant qu’êtres humains est la différence homme-femmes. Notre vocation chrétienne implique d’honorer cette différence donnée par Dieu en vivant au sein de l’Église une réciprocité relationnelle dynamique comme témoignage pour le monde. La réflexion synodale des contributions recueillies à toutes les phases a mis en évidence la nécessité de mieux valoriser les charismes, la vocation et le rôle des femmes dans tous les domaines de la vie ecclésiale comme étape indispensable pour favoriser cette réciprocité relationnelle. La perspective synodale met en évidence trois points de référence théologiques comme guide pour le discernement : a) la participation trouve ses racines au niveau des implications ecclésiologiques du baptême ; b) comme peuple de baptisés, nous sommes appelés non pas à enfouir nos talents, mais à reconnaître les dons que l’Esprit répand sur chacun pour le bien de la communauté et du monde ; c) dans le respect de la vocation de chacun et chacune, les dons de l’Esprit accordés aux fidèles sont ordonnés les uns aux autres. Et le principe de coresponsabilité doit guider la collaboration entre tous les baptisés. Pour éclairer notre réflexion, nous pouvons nous appuyer sur le témoignage des Saintes Écritures : Dieu a choisi des femmes comme premiers témoins et messagers de la résurrection. En vertu du baptême, elles sont sur un même pied d’égalité, elles reçoivent la même effusion des dons de l’Esprit et sont appelées à servir la mission du Christ.

14. pour cela, on doit en premier opérer un changement de mentalité : une conversion vers une vision relationnelle, de l’interdépendance et de la réciprocité entre femmes et hommes, des sœurs et frères dans le Christ, portant ensemble une mission commune. L’absence de cette conversion, tant dans les relations que dans les structures, affecte négativement la communion, la participation et la mission de l’Église. Comme l’indique la contribution d’une conférence épiscopale latino-américaine, « une Église dans laquelle tous les membres peuvent se sentir coresponsables est aussi un lieu attrayant et crédible ».

15. Les contributions des conférences épiscopales reconnaissent que de nombreux domaines de la vie de l’Église sont ouverts à la participation des femmes. Cependant, elles notent également que ces possibilités de participation restent souvent sous-utilisées. C’est pourquoi elles suggèrent que la deuxième session en promeuve la prise de conscience et encourage leur développement ultérieur au sein des paroisses, des diocèses et d’autres réalités ecclésiales, y compris les responsabilités pastorales. Elles appellent également à l’exploration d’autres formes ministérielles et pastorales qui donnent une meilleure expression aux charismes que l’Esprit répand sur les femmes en réponse aux besoins pastoraux de notre temps. Voici comment une conférence épiscopale latino-américaine l’a exprimé : « Dans notre culture, la présence du machisme reste forte, alors qu’une participation plus active des femmes dans tous les domaines ecclésiaux est nécessaire. Comme l’affirme le Pape François, leur perspective est indispensable dans les processus décisionnels et dans l’assomption de rôles dans les diverses formes de pastorale et de mission. »

16. Les contributions des conférences épiscopales font ressortir des demandes concrètes à prendre en considération par la Deuxième Session, notamment : (a) la promotion d’espaces de dialogue dans l’Église, afin que les femmes puissent partager leurs expériences, leurs charismes, leurs compétences, leurs connaissances spirituelles, théologiques et pastorales pour le bien de toute l’Église ; b) une plus grande participation des femmes aux processus de discernement ecclésial et à toutes les étapes des processus décisionnels (élaboration et prise de décision) ; c) un plus grand accès aux postes de responsabilité dans les diocèses et les institutions ecclésiastiques, en accord avec les règlementations existantes; d) une reconnaissance accrue et un soutien plus résolu à la vie et aux charismes des femmes consacrées, ainsi que leur emploi à des postes de responsabilité ; e) l’accès des femmes aux postes de responsabilité dans les séminaires, les instituts et les facultés de théologie ; f) l’augmentation du nombre de femmes juges dans les processus canoniques. Les contributions reçues continuent d’attirer l’attention sur l’utilisation d’un langage plus inclusif et sur les images tirées de l’Écriture et de la tradition dans la prédication, l’enseignement, la catéchèse et la rédaction des documents officiels de l’Église.

17. Alors que certaines Églises locales demandent l’admission des femmes au ministère diaconal, d’autres réaffirment leur opposition. Sur ce sujet, qui ne fera pas l’objet des travaux de la deuxième session, il est bon que la réflexion théologique se poursuive, avec les temps et les modalités appropriés. Les fruits du Groupe d’étude n°5 contribueront à sa maturation, en tenant compte les résultats des deux Commissions qui ont traité de cette question par le passé.

18. Beaucoup des demandes exprimées ci-dessus s’appliquent également aux hommes laïcs, dont on déplore souvent la faible participation à la vie de l’Église. En général, la réflexion sur le rôle des femmes met souvent en évidence le désir d’un renforcement de tous les ministères exercés par les laïcs (hommes et femmes). On demande également aux fidèles laïcs, hommes et femmes, adéquatement formés, de contribuer à la prédication de la Parole de Dieu, même lors de la célébration de l’Eucharistie.

Appel à la conversion et à la réforme

 

19. Jésus a commencé son ministère public par un appel à la conversion (cf. Mc 1,15). C’est une invitation à reconsidérer le mode de vie personnel et communautaire et à se laisser transformer par l’Esprit. Aucune réforme ne peut se limiter aux structures seules. Elle doit s’enraciner dans une transformation intérieure selon les « sentiments de Jésus Christ » (Ph 2,5). Pour une Église synodale, la première conversion est celle de l’écoute, dont la redécouverte a été l’un des fruits les plus importants du chemin parcouru jusqu’ici : d’abord l’écoute de l’Esprit Saint, véritable protagoniste du Synode, puis l’écoute mutuelle comme disposition fondamentale pour la mission.

20. Le style synodal de l’Église offre de nombreuses pistes importantes pour l’humanité. À une époque marquée par des inégalités de plus en plus prononcées, par une désillusion grandissante à l’égard des modèles traditionnels de gouvernance, par le désenchantement face au fonctionnement de la démocratie et par la prédominance du modèle du marché dans les relations interpersonnelles, ainsi que par la tentation de résoudre les conflits par la force plutôt que par le dialogue, la synodalité pourrait être une source d’inspiration pour l’avenir de nos sociétés. Son attrait réside dans le fait qu’elle n’est pas une stratégie de gestion, mais une pratique à vivre et à célébrer dans la gratitude. La manière synodale de vivre les relations est un témoignage social qui répond au besoin humain profond d’être accueilli et de se sentir reconnu au sein d’une communauté concrète. C’est un défi contre l’isolement croissant des personnes et l’individualisme culturel, que même l’Église a souvent absorbés, et qui nous appelle au soin mutuel, à l’interdépendance et à la coresponsabilité pour le bien commun. Mais c’est aussi un défi contre un communautarisme social exagéré qui étouffe les personnes et ne leur permet pas d’être des sujets libres de leur propre développement. La volonté d’écoute de tous, en particulier des pauvres, que promeut le mode de vie synodal, contraste fortement avec un monde où la concentration du pouvoir exclut les pauvres, les marginaux et les minorités. Le caractère concret du processus synodal a montré combien l’Église elle-même a besoin de croître dans cette dimension : le Groupe d’étude n° 2 travaille sur cette question.

21. À chaque étape du processus synodal, le besoin de guérison, de réconciliation et de restauration de la confiance au sein de l’Église et de la société a résonné avec force. Il s’agit d’une orientation fondamentale de l’engagement missionnaire du Peuple de Dieu dans notre monde, tout en étant un don que nous devons invoquer d’en haut. Le désir de cheminer sur cette voie est en soi un fruit du renouveau synodal.

Partie I. relations

Tout au long du processus synodal et sous toutes les latitudes, l’on a demandé une Église non bureaucratique mais davantage capable de nourrir des relations : avec le Seigneur, entre hommes et femmes, dans la famille, dans la communauté, entre groupes sociaux. Seul un réseau de relations qui tisse la multiplicité des appartenances est capable de soutenir les personnes et les communautés, en leur offrant des points de référence et d’orientation, et en montrant la beauté de la vie selon l’Évangile : c’est dans les relations – avec le Christ, avec les autres, dans la communauté – que se transmet la foi.

Comme exigence de la mission, la synodalité ne doit pas être considérée comme un expédient organisationnel ; elle doit être vécue et cultivée comme l’ensemble des moyens par lesquels les disciples de Jésus tissent des relations solidaires, capables de correspondre à l’amour divin qui les rejoint continuellement et qu’ils sont appelés à témoigner dans les contextes concrets où ils se trouvent. Comprendre comment être une Église synodale en mission passe donc par une conversion relationnelle, qui réoriente les priorités et l’action de chacun, en particulier de ceux qui ont pour tâche d’animer les relations au service de l’unité, dans le concret d’un échange de dons qui libère et enrichit tout le monde.

Dans le Christ et dans l’Esprit : l’initiation chrétienne

 

22. L’Église pèlerine est missionnaire par nature, puisqu’elle naît de la mission du Fils et de la mission de l’Esprit Saint selon le dessein de Dieu le Père (AG 2). La rencontre avec Jésus, l’adhésion de foi à sa personne et l’initiation chrétienne introduisent dans la vie même de la Trinité. En donnant l’Esprit Saint, le Seigneur Jésus fait participer ceux qui reçoivent le Baptême à sa relation avec le Père. L’Esprit dont Jésus a été rempli et qui l’a guidé (cf. Lc 4, 1), qui l’a oint et envoyé proclamer l’Évangile (cf. Lc 4, 18), qui l’a ressuscité d’entre les morts (cf. Rm 8, 11) est le même Esprit qui a oint les membres du Peuple de Dieu. Cet Esprit fait de nous des enfants et des héritiers de Dieu et c’est par lui que nous nous adressons à Dieu en l’appelant « Abba ! Père ! » (Ga 4, 6 ; Rm 8, 15).

23. Pour comprendre la nature d’une Église synodale en mission, il est indispensable de saisir son fondement trinitaire, et en particulier le lien inextricable entre l’œuvre du Christ et l’œuvre de l’Esprit Saint dans l’histoire humaine et dans l’Église : « L’Esprit Saint qui habite dans le cœur des croyants, qui remplit et régit toute l’Église, réalise cette admirable communion des fidèles et les unit tous si intimement dans le Christ, qu’il est le principe de l’unité de l’Église » (UR 2). C’est pourquoi le chemin de l’initiation chrétienne des adultes est un contexte privilégié pour comprendre la vie synodale de l’Église. Il met en évidence son origine et son fondement : les relations qui unissent et distinguent les trois Personnes divines. Par les dons baptismaux, l’Esprit Saint nous conforme au Christ roi, prêtre et prophète, nous rend membres de son corps, qui est l’Église, et nous constitue enfants du seul et unique Père. Nous recevons ainsi l’appel à la mission et la coresponsabilité de ce qui nous unit dans la seule et unique Église. Ces dons ont une orientation triple et inséparable : personnelle, communautaire et missionnaire. Ils habilitent et engagent chaque baptisé, homme ou femme : à construire des relations fraternelles dans sa propre communauté ecclésiale ; à rechercher une communion toujours plus visible et profonde avec tous ceux avec qui l’on partage le même Baptême ; à proclamer et témoigner de l’Évangile.

24. Si la synodalité missionnaire prend racine, d’une part, dans l’initiation chrétienne, elle doit, de l’autre, éclairer la manière dont le Peuple de Dieu vit concrètement le parcours de l’initiation et l’adopte, le prenant pour ce qu’il signifie réellement, dépassant une vision statique et individualiste qui n’est pas suffisamment liée à la suite du Christ et à la vie dans l’Esprit, afin d’en récupérer la valeur dynamique et transformatrice. Aux premiers siècles, en lisant dans la Genèse que le sixième jour Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance » (Gn 1, 26), les chrétiens ont discerné que le dynamisme relationnel était inscrit dans l’anthropologie de la création. Ils ont vu dans l’image celle du Fils incarné et dans la ressemblance la possibilité progressive de la conformité, manifestation de l’heureuse aventure de la liberté de choisir d’être avec et comme le Christ. Cette aventure commence par l’écoute de la Parole de Dieu, grâce à laquelle le catéchumène entre progressivement dans la suite du Christ Jésus. Le Baptême est au service du dynamisme de la ressemblance, c’est pourquoi il n’est pas un acte ponctuel clos au moment de sa célébration. Il est plutôt un don qui doit être confirmé, nourri et mis en valeur à travers l’engagement de conversion, le service de la mission et la participation à la vie de la communauté. L’initiation chrétienne culmine en effet dans l’Eucharistie dominicale, qui se répète chaque semaine, signe du don incessant de la grâce qui nous conforme au Christ, nous rend membres de son corps, et nous nourrit dans notre chemin de conversion et dans la mission.

25. L’assemblée eucharistique, en ce sens, manifeste et nourrit la vie synodale missionnaire de l’Église. À travers la participation de tous les chrétiens, la présence des différents ministères et la présidence de l’évêque ou du prêtre, la communauté chrétienne devient visible, lorsqu’en elle se réalise une coresponsabilité différenciée de tous pour la mission. La liturgie, en tant que « sommet vers lequel tend l’action de l’Église, et en même temps la source d’où découle toute sa vertu » (SC 10), est simultanément la source de la vie synodale de l’Église et le prototype de tout événement synodal, révélant « comme dans un miroir » (1 Co 13, 12 ; cf. DV 7) le mystère de la Trinité.

26. Il est nécessaire que les propositions pastorales et les pratiques liturgiques préservent et rendent toujours plus évident le lien entre l’itinéraire de l’initiation chrétienne et la vie synodale et missionnaire de l’Église, évitant de le réduire à un instrument purement pédagogique ou à un indicateur d’appartenance purement sociale. Au contraire, elles doivent promouvoir l’accueil du don personnel orienté vers la mission et l’édification de la communauté. Des ajustements pastoraux et liturgiques appropriés doivent être développés dans la diversité des situations historiques et des cultures dans lesquelles sont immergées les différentes Églises locales, en tenant également compte de la différence entre celles où l’initiation chrétienne concerne principalement les jeunes ou les adultes, et celles où elle concerne principalement, voire exclusivement, des enfants.

Pour le peuple de Dieu : charismes et ministères

 

27. « Les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit. Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est le même Dieu qui agit en tout et en tous. À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien » (1 Co 12, 4-7). À l’origine de la variété des charismes (dons de la grâce) et des ministères (formes de service dans l’Église en vue de sa mission) se trouve la liberté de l’Esprit Saint : il les accorde et œuvre sans cesse pour qu’ils manifestent l’unité de la foi et l’appartenance à l’Église une et unique dans la diversité des personnes, des cultures et des lieux. Les charismes, même les plus simples et les plus répandus, sont destinés à répondre aux besoins de l’Église et à sa mission (cf. LG 12). En même temps, ils contribuent efficacement à la vie de la société, dans ses différents aspects. Les charismes sont souvent partagés et donnent naissance aux différentes formes de vie consacrée et à la pluralité des agrégations ecclésiales.

28. Le domaine principal où les charismes que chaque baptisé porte sont appelés à se manifester n’est pas l’organisation d’activités ou de structures ecclésiales : c’est dans la vie quotidienne, dans les relations familiales et sociales, dans les diverses situations où les chrétiens, individuellement ou collectivement, sont appelés à faire fructifier les dons de la grâce reçue pour le bien de tous. La fécondité des charismes, tout comme celle des ministères, dépend de l’action de Dieu, de la vocation qu’Il adresse à chacun, de l’accueil généreux et sage des baptisés, ainsi que de la reconnaissance et de l’accompagnement par l’autorité. En aucun cas, ils ne peuvent donc être interprétés comme la propriété de ceux qui les reçoivent et les exercent, ni destinés à leur avantage exclusif.

29. Comme expression de la liberté de l’Esprit dans l’attribution de ses dons et en réponse aux besoins des communautés individuelles, divers ministères existent dans l’Église pouvant être exercés par tout baptisé, homme ou femme. Ce sont des services non occasionnels, reconnus par la communauté et par ceux qui sont chargés de la guider. On les appelle ministères baptismaux, pour indiquer leur racine commune (le baptême) et pour les distinguer des ministères ordonnés, enracinés dans le sacrement de l’ordre. Il y a, par exemple, des hommes et des femmes qui exercent le ministère de coordination au sein d’une petite communauté ecclésiale, le ministère d’animation de moments de prière (lors de funérailles ou autres), le ministère extraordinaire de la communion, ou d’autres services, pas nécessairement de nature liturgique. Les dispositions canoniques latine et orientale prévoient déjà que, dans certains cas, même des fidèles laïcs, hommes ou femmes, peuvent être ministres extraordinaires du baptême. Dans la règlementation latine, l’évêque peut déléguer à des fidèles laïcs, hommes ou femmes, la tâche d’assister aux mariages. Il est utile de poursuivre la réflexion sur la manière de confier ces ministères aux laïcs sous une forme plus stable. Cette réflexion devrait s’accompagner de celle sur la promotion d’autres formes de ministérialité laïque, même en dehors de la sphère liturgique.

30. Ces derniers temps, certains types de service présents depuis longtemps dans la vie de l’Église ont reçu une nouvelle configuration comme ministères institués : le ministère des lecteurs et celui des acolytes (cf. Lettre apostolique sous forme de Motu proprio Spiritus Domini, 10 janvier 2021). Le ministère institué des catéchistes a également pris forme (cf. Lettre apostolique sous forme de Motu proprio Antiquum ministerium, 10 mai 2021). Les ministères institués sont conférés par l’évêque à des hommes et femmes, une seule fois dans leur vie, avec un rite spécial, après un discernement approprié et une formation adéquate. Le temps et les modalités de leur exercice doivent être définis par un mandat de l’autorité légitime. Certaines questions théologiques et canoniques concernant des formes spécifiques de ministère ecclésial – en particulier la question de la nécessaire participation des femmes à la vie et au leadership de l’Église – ont été confiées au Dicastère pour la Doctrine de la Foi, en dialogue avec le Secrétariat générale du Synode (Groupe d’étude n° 5).

31. Si tous les charismes ne prennent pas une configuration proprement ministérielle, tous les ministères sont fondés sur des charismes donnés à certains membres du Peuple de Dieu, qui sont appelés à agir de différentes manières pour que chacun dans la communauté puisse participer à l’édification du corps du Christ (cf. Ep 4, 12), dans un service réciproque. Tout comme les charismes, les ministères doivent être reconnus, promus et valorisés. Le processus synodal a mis en évidence à plusieurs reprises que le discernement et la promotion des charismes et des ministères, ainsi que l’identification des besoins des communautés et de la société auxquels ils sont censés répondre, sont des aspects sur lesquels les Églises locales ont besoin de croître, en se donnant des critères, des outils et des procédures appropriés. Le Concile Vatican II enseigne qu’il revient aux pasteurs de reconnaître les ministères et les charismes « de telle sorte que tout le monde à sa façon et dans l’unité apporte son concours à l’œuvre commune » (LG 30). Le discernement des charismes et des ministères est un acte proprement ecclésial : pour les reconnaître et les promouvoir, l’évêque est tenu d’écouter la voix de tous les intéressés : fidèles individuels, communautés, organismes de participation. Dans ce but, il convient d’identifier des procédures adaptées aux différents contextes, tout en veillant à rendre possible un véritable consensus sur les critères et les résultats du discernement. Les résultats de la rencontre « Les curés pour le Synode » soulignent fermement ces besoins.

32. Il en ressort également une invitation à une plus grande confiance dans l’action de l’Esprit et à plus de courage ainsi qu’à une créativité accrue dans le discernement de la manière de mettre les dons reçus et accueillis au service de la mission de l’Église de manière appropriée aux différents contextes locaux. C’est précisément la diversité des contextes et donc des besoins des communautés, qui suggère que les Églises locales, sous la conduite de leurs pasteurs, et leurs regroupements « dans chaque grand territoire socioculturel » (AG 22), entreprennent avec humilité et confiance un discernement créatif sur les ministères qu’elles doivent reconnaître, confier ou instituer afin de répondre aux besoins pastoraux et sociaux. Il est donc nécessaire de définir les critères et les modalités pour mener à bien ce discernement. Une réflexion doit également être engagée sur la manière de confier les ministères baptismaux (non institués et institués) à une époque où les personnes se déplacent d’un lieu à un autre avec une facilité croissante, en précisant les périodes et les domaines de leur exercice.

33. Le chemin parcouru jusqu’ici a conduit à reconnaître qu’une Église synodale est une Église qui écoute, capable d’accueillir et d’accompagner, perçue comme une maison et une famille. Ce besoin émerge sur tous les continents et concerne les personnes qui, pour diverses raisons, sont ou se sentent exclues ou en marge de la communauté ecclésiale, ou peinent à y trouver une pleine reconnaissance de leur dignité et de leurs dons. Ce manque d’accueil les rejette, entrave leur cheminement de foi et leur rencontre avec le Seigneur, et prive l’Église de leur contribution à la mission.

34. Il semble donc extrêmement opportun de créer un ministère de l’écoute et de l’accompagnement reconnu et éventuellement institué, qui rende concrètement réalisable une caractéristique si distinctive d’une Église synodale. Il est nécessaire d’avoir une « porte ouverte » dans la communauté, par laquelle les personnes peuvent entrer sans se sentir menacés ou jugés. Les formes d’exercice de ce ministère devront être adaptées aux circonstances locales, en fonction de la diversité des expériences, des structures, des contextes sociaux et des ressources disponibles. Cela ouvre donc un espace de discernement à articuler au niveau local, avec l’implication des conférences épiscopales nationales ou continentales également. La présence d’un ministère spécifique ne signifie cependant pas réserver l’engagement de l’écoute aux seuls ministres. Au contraire, ce ministère revêt un caractère prophétique. D’une part, il souligne que l’écoute et l’accompagnement sont une dimension ordinaire de la vie d’une Église synodale, qui engage de différentes manières tous les baptisés et invitant toutes les communautés à croître ; d’autre part, il rappelle que l’écoute et l’accompagnement sont un service ecclésial, et non une initiative personnelle, dont la valeur est ainsi reconnue. Cette prise de conscience est un fruit mûr du processus synodal.

Avec les ministres ordonnés : au service de l’harmonie

 

35. Le processus synodal a fait émerger des données contrastées concernant l’exercice du ministère ordonné au sein du Peuple de Dieu. On souligne, d’une part, la joie, l’engagement et le dévouement des évêques, des prêtres et des diacres dans l’accomplissement de leur service ; de l’autre, on entend l’expression d’une certaine difficulté, liée principalement à un sentiment d’isolement, de solitude, d’être coupés de relations saines et durables, ainsi que d’être accablés par l’exigence de répondre à tous les besoins. Cela peut être l’un des effets toxiques du cléricalisme. La figure de l’évêque particulièrement est souvent exposée à une surcharge de responsabilités, qui nourrit des attentes irréalistes quant à ce qu’une seule personne peut raisonnablement accomplir.

36. La rencontre « Les curés pour le Synode » a mis en relation cette fatigue avec la difficulté des évêques et des prêtres à cheminer vraiment ensemble dans leur ministère commun. Une réévaluation du ministère ordonné dans le contexte de l’Église synodale missionnaire est donc non seulement une exigence de cohérence, mais aussi une occasion de libération de ces défis, à condition qu’elle s’accompagne d’une conversion effective des pratiques, capables de rendre le changement et les avantages qui en découlent perceptibles pour les ministres ordonnés et les autres fidèles. Outre le niveau de la vie personnelle des ministres, ce chemin de conversion impliquera une nouvelle manière de penser et d’organiser l’action pastorale, qui intègre la participation de tous les baptisés, hommes et femmes, à la mission de l’Église, en mettant particulièrement en valeur, en reconnaissant et en animant les différents charismes et ministères baptismaux. La question « Comment être une Église synodale en mission ? » nous invite à réfléchir concrètement sur les relations, les structures et les processus qui peuvent favoriser une vision renouvelée du ministère ordonné, en passant d’un mode pyramidal d’exercice de l’autorité à un mode synodal. Dans le cadre de la promotion des charismes et des ministères baptismaux, une redistribution des tâches dont l’accomplissement ne requiert pas le sacrement de l’ordre peut être initiée. Une répartition plus articulée des responsabilités favorisera sans doute également des processus décisionnels marqués par un style plus nettement synodal.

37. Dans les textes du Concile, le ministère ordonné est conçu en termes très précis comme un service pour l’Église et pour l’existence de l’Église. Par son autorité, le Concile a restauré la forme du ministère ordonné habituelle dans l’Église primitive, un ministère qui est « exercé dans la diversité des ordres par ceux qu’[…]on appelle évêques, prêtres, diacres » (LG 28). Dans cette articulation, l’épiscopat et la prêtrise correspondent à une participation spéciale au sacerdoce du Christ, pasteur et chef de la communauté ecclésiale, tandis que le diaconat existe « non pas en vue du sacerdoce, mais en vue du ministère » (LG 29). Les différents ordres sont organiquement liés les uns aux autres, dans une interdépendance mutuelle, dans la spécificité de chacun. Aucun ministre ne peut se concevoir comme un individu isolé auquel des pouvoirs ont été conférés ; il doit plutôt se concevoir comme participant aux dons (munera) du Christ, conférés par l’ordination, avec les autres ministres, dans un lien organique avec le Peuple de Dieu dont il fait partie et qui, bien que de manière différente, participe à ces mêmes dons du Christ dans le sacerdoce commun fondé sur le Baptême.

38. L’évêque a pour tâche de présider une Église, étant le principe visible d’unité en son sein et le lien de communion avec toutes les Églises. La singularité de son ministère comporte un pouvoir propre, ordinaire et immédiat, que chaque évêque exerce personnellement au nom du Christ (cf. LG 27) dans la proclamation de la Parole, dans la présidence de la célébration de l’Eucharistie et des autres sacrements, dans la direction pastorale. Cela n’implique pas son indépendance par rapport à la portion du Peuple de Dieu qui lui est confiée (cf. CD 11) et qu’il est appelé à servir au nom du Christ Bon Pasteur. Le fait que « par la consécration épiscopale est conférée la plénitude du sacrement de l’Ordre » (LG 21) ne justifie pas que le ministère épiscopal tende à être « monarchique », conçu comme un cumul de prérogatives d’où dérivent tous les autres charismes et ministères. C’est plutôt l’affirmation de la capacité et du devoir de rassembler et de composer dans l’unité tous les dons que l’Esprit répand sur les baptisés, hommes et femmes, et sur les différentes communautés. Certains aspects du ministère épiscopal, y compris les critères de sélection des candidats à l’épiscopat, sont pris en charge par le Groupe d’étude n° 7.

39. Le ministère des prêtres devrait également être conçu et vécu dans un sens synodal. En particulier, les prêtres « constituent avec leur évêque un seul presbyterium » (LG 28) au service de cette portion du Peuple de Dieu qu’est l’Église locale (cf. CD 11). Cela nous oblige à ne pas considérer l’évêque comme extérieur au presbyterium, mais comme celui qui préside l’Église locale en présidant avant tout le presbyterium, dont il fait partie avec une singularité particulière, étant appelé à exercer une attention spéciale à l’égard des prêtres.

40. Les évêques et les prêtres sont assistés par les diacres, dans un lien d’interdépendance mutuelle des deux types de ministère pour la mise en œuvre du service apostolique. Les évêques et les prêtres ne sont pas autosuffisants par rapport aux diacres, et vice versa. Les fonctions des diacres étant multiples – comme le montrent la tradition, la prière liturgique et la pratique post-Vatican II – elles doivent être situées dans le concret de chaque Église locale. Le service de chaque diacre doit, de toute façon, être conçu en harmonie et en communion avec celui de tous les autres diacres, conformément à la nature du ministère diaconal et dans le cadre de référence de la mission dans une Église synodale.

41. Outre la promotion de l’unité de l’Église locale, l’évêque diocésain ou éparchial, assisté des prêtres et des diacres, est également responsable des relations avec les autres Églises locales et avec l’Église tout entière autour de l’évêque de Rome, dans un échange mutuel de dons. Il semble important de rétablir le lien traditionnel entre le fait d’être évêque et de présider une Église locale, en rétablissant la correspondance entre la communion des évêques (communio episcoporum) et la communion des Églises (communio Ecclesiarum).

Entre les Églises et dans le monde : le caractère concret de la communion

 

42. La synodalité est mise en œuvre à travers des réseaux de personnes, de communautés, d’organismes et un ensemble de processus qui permettent un échange efficient de dons entre les Églises et un dialogue évangélisateur avec le monde. Marcher ensemble comme baptisés dans la diversité des charismes, des vocations et des ministères, ainsi que dans l’échange des dons entre les Églises, est un signe sacramentel important pour le monde d’aujourd’hui qui, d’une part, expérimente des formes d’interconnexion de plus en plus intenses et, d’autre part, est immergé dans une culture mercantile qui marginalise la gratuité.

43. Selon le Concile, c’est en vertu de la catholicité de l’Église que « chacune des parties apporte aux autres et à toute l’Église le bénéfice de ses propres dons » (LG 13). De là découlent « entre les diverses parties de l’Église, les liens de communion intime quant aux richesses spirituelles, quant au partage des ouvriers apostoliques et des ressources matérielles. Les membres du Peuple de Dieu sont appelés en effet à partager leurs biens et à chacune des Églises s’appliquent également les paroles de l’Apôtre : ‘Que chacun mette au service des autres le don qu’il a reçu, comme il sied à de bons dispensateurs de la grâce divine qui est si diverse’ (1 P 4, 10). » (ibid.).

44. Les conférences épiscopales souhaitent que le partage des biens se fasse dans un esprit de solidarité entre les Églises qui composent l’unique Église catholique, sans volonté de domination ni prétention de supériorité : l’existence d’Églises riches et d’Églises vivant dans des conditions de grande précarité est un scandale. Il est donc suggéré de favoriser les liens réciproques et de constituer des réseaux de soutien, y compris au niveau des regroupements d’Églises.

45. Toutes les Églises locales reçoivent et donnent dans la communion de l’unique Église. Certaines Églises ont besoin de soutien en ressources financières et matérielles ; d’autres sont enrichies par le témoignage d’une foi vivante et d’un service d’amour aux plus pauvres ; d’autres encore ont surtout besoin de l’aide d’évangélisateurs qui partagent leur vie pour communiquer l’Évangile à d’autres peuples. On reconnaît et on sollicite en particulier la générosité des prêtres, des diacres, des personnes consacrées, des laïcs (hommes et femmes) engagés dans la mission ad gentes.

46. Les Églises locales expriment le désir d’un échange de dons spirituels, liturgiques et théologiques, ainsi que d’un plus grand témoignage de partage sur les questions sociales d’importance mondiale, telles que l’entretien de la maison commune et les mouvements migratoires. À cet égard, une Église synodale pourra témoigner de l’importance des solutions aux problèmes communs élaborées sur la base de l’écoute de la voix de tous, y compris et surtout des groupes, des communautés et des pays qui restent habituellement en marge des grands processus mondiaux. Un horizon particulièrement prometteur aujourd’hui pour réaliser des formes d’échange de dons et d’engagement coordonné est celui des grandes zones géographiques supranationales, comme l’Amazonie, le Bassin du Congo, la Méditerranée ou d’autres zones similaires.

47. Une Église synodale est particulièrement invitée à lire aussi dans la perspective de l’échange des dons la réalité de la mobilité humaine, qui devient une occasion de rencontre entre les Églises dans le concret de la vie quotidienne des villes et des quartiers, des paroisses et des diocèses ou des éparchies, contribuant ainsi à enraciner le chemin synodal dans l’expérience vécue des communautés. Une attention particulière devrait être accordée à la possibilité de rencontre et d’échange de dons entre les Églises de tradition latine et les Églises catholiques orientales en diaspora, thème sur lequel travaille le Groupe d’étude n° 1.

48. L’échange de dons entre les Églises a lieu dans des contextes marqués par la violence, la persécution et l’absence de liberté religieuse. Certaines Églises luttent en effet pour leur survie et appellent les autres Églises à la solidarité, tout en continuant à partager leurs richesses, fruit de la confrontation constante avec l’opposition à l’Évangile et de la persécution qui frappe les disciples du Seigneur au cours de l’histoire. En outre, l’échange de dons advient dans un contexte encore marqué par le colonialisme et le néocolonialisme, qui ne sont pas terminés. Une Église qui grandit dans la pratique de la synodalité est invitée à comprendre l’impact de ces dynamiques sociales sur l’échange des dons et à chercher à les transformer. Cet engagement s’inscrit également dans la reconnaissance du fait que de nombreuses Églises portent une mémoire blessée et qu’il est nécessaire de promouvoir des chemins concrets de réconciliation.

49. L’expression « échange de dons » a une valeur importante dans les relations avec les autres Églises et Communautés ecclésiales. Saint Jean-Paul II a appliqué cette idée au dialogue œcuménique : « Le dialogue ne se limite pas à un échange d’idées. En quelque manière, il est toujours un ‘échange de dons’ » (UUS 28). Outre le dialogue théologique, l’échange de dons a lieu dans le partage de la prière, par lequel nous nous ouvrons à l’hospitalité des dons de traditions spirituelles autres que la nôtre. Même l’exemple de saintes femmes et de saints hommes d’autres Églises et Communautés ecclésiales est un don que nous pouvons recevoir, en incluant leur mémoire dans notre calendrier liturgique, en particulier en ce qui concerne les martyrs. Dans cet esprit, nous devons être généreux et offrir aux autres chrétiens la possibilité de venir en pèlerinage et de prier dans les sanctuaires et les lieux saints gardés par l’Église catholique.

50. Le dialogue entre les religions et les cultures n’est pas extérieur au chemin synodal, mais fait partie de son appel à vivre des relations plus intenses, en raison du fait qu’« à toute époque, à la vérité, et en toute nation, Dieu a tenu pour agréable quiconque le craint et pratique la justice » (LG 9 ; cf. Ac 10, 35). L’échange de dons ne se limite donc pas aux autres Églises et communautés chrétiennes, car une catholicité authentique élargit l’horizon et demande de la disponibilité dans l’accueil aussi des facteurs de promotion de vie, de paix, de justice et de développement humain intégral présents dans d’autres cultures et traditions religieuses.

Partie II. parcours

Une Église synodale est une Église relationnelle, dans laquelle les dynamiques interpersonnelles constituent la trame de la vie d’une communauté en mission, dans des contextes de complexité croissante. Cette perspective ne sépare pas, mais permet de faire le lien entre les différentes expériences. Elle donne à apprendre de la réalité en la relisant à la lumière de la Parole, de la Tradition, des témoignages prophétiques, mais aussi des erreurs commises.

La deuxième partie met en lumière les processus qui contribuent à soigner et développer les relations, en particulier cette dimension de l’union au Christ en vue de la mission, et celle de l’harmonie de la vie communautaire qui requiert la capacité d’affronter ensemble les conflits et les difficultés. Cette partie se concentre sur quatre domaines distincts mais profondément liés de la vie de l’Église synodale missionnaire : la formation, en particulier la formation à l’écoute (de la Parole de Dieu, des frères et sœurs et de la voix de l’Esprit) et la formation au discernement. Ce dernier requiert et conduit au développement de modes participatifs de prise de décision tout en respectant la diversité des différents rôles, avec une circularité qui vise à promouvoir la transparence et le rendre compte de sa responsabilité, intégrant aussi la dimension de l’évaluation à même de relancer le discernement à opérer en vue de la mission.

La source et le sommet de ce dynamisme est l’Eucharistie, qui place à la racine des relations la gratuité de l’amour du Père, par le Fils et dans l’Esprit. La nourriture qui soutient une Église synodale missionnaire incarne également le cœur du message qu’elle veut proclamer au monde.

Une formation intégrale et commune

 

51. « Prendre soin de sa propre formation est la réponse que chaque baptisé est appelé à donner aux dons du Seigneur, afin de faire fructifier les talents reçus et de les mettre au service de tous » (RdS 14a). Ces mots tirés du rapport de synthèse de la première session soulignent l’importance cruciale de la formation, un des thèmes qui a émergé le plus fortement et le plus universellement tout au long du processus synodal. Pour répondre à la question « Comment être une Église synodale en mission ? », un enjeu majeur est de prioriser la mise en place de parcours de formation cohérents, en accordant une attention particulière à la formation continue pour tous.

52. Pour beaucoup, la participation aux rencontres synodales s’est révélée être une véritable expérience de formation à la compréhension et à la pratique de la synodalité, Et ceci a fait émerger un désir profond de mieux saisir la signification de la dignité baptismale ou de ce « sens surnaturel de la foi » (LG 12) ce don que l’Esprit confère au Peuple de Dieu. Il apparait donc primordial d’approfondir la formation qui permet de découvrir comment l’Esprit agit dans l’Église et reconnaître comme Il la guide à travers les âges.

53. La mission de l’Église est toujours incarnée dans un contexte, et l’Église elle-même ne peut exister sans enracinement dans un lieu précis, avec ses spécificités culturelles et ses réalités historiques. C’est pourquoi il n’est pas possible de concevoir des plans de formation de manière abstraite et décontextualisée. La responsabilité pour les définir revient aux Églises locales et à leurs groupements. Nous nous limitons donc ici à proposer des orientations générales et des principes fondamentaux pour une formation à la synodalité, qui devront ensuite être adaptées et mises en œuvre en tenant compte des contextes, des cultures et des traditions propres à chaque réalité ecclésiale.

54. Une Église synodale missionnaire repose fondamentalement sur la capacité à écouter, ce qui implique la reconnaissance que nul n’est autosuffisant dans l’exercice de sa mission et que chacun a une contribution unique à offrir tout en ayant à apprendre des autres. La formation à l’écoute s’impose donc comme un premier prérequis essentiel. La pratique de la conversation dans l’Esprit a permis d’expérimenter l’interconnexion profonde entre l’écoute de la Parole de Dieu et l’écoute des frères et sœurs. Cette dynamique ouvre progressivement à la perception de la voix de l’Esprit. De nombreuses contributions reçues insistent sur l’importance cruciale d’une formation à cette méthode. L’Église dispose d’un riche éventail de méthodes d’écoute, de dialogue et de discernement, reflétant la diversité des cultures et des traditions spirituelles. Un objectif pertinent serait de promouvoir la formation à cette pluralité de méthodes et d’encourager le dialogue entre elles dans les contextes locaux. Un point particulièrement mentionné est l’écoute des personnes en situation de pauvreté et de marginalisation. De nombreuses Églises disent ne pas se sentir préparées à cette tâche et expriment le besoin d’une formation spécifique. C’est l’un des points confiés aux travaux du groupe d’étude 2.

55. L’objectif de la formation dans la perspective de la synodalité missionnaire est de susciter des témoins authentiques, des hommes et des femmes capables d’assumer la mission de l’Église en coresponsabilité, guidés par la force de l’Esprit (cf. Ac 1, 8). La formation prendra donc appui sur le dynamisme de l’initiation chrétienne, visant à favoriser une expérience personnelle de rencontre avec le Seigneur. Elle encouragera ainsi un processus de conversion continue touchant les attitudes, les relations, les mentalités et les structures. Le sujet de la mission demeure toujours l’Église. Chacun de ses membres, en vertu de son appartenance, est appelé à être témoin et annonciateur du salut. Dans cette optique, l’Eucharistie, « source et sommet de toute la vie chrétienne » (LG 11), apparait comme le lieu fondamental de la formation à la synodalité. La famille, en tant que communauté de vie et d’amour, occupe une place privilégiée dans l’éducation à la foi et à la pratique chrétienne. Par l’interaction entre les générations, elle est une véritable école de synodalité, invitant chacun à prendre soin des autres. Elle met ainsi en lumière le fait que tous – qu’ils soient faibles ou forts, enfants, jeunes ou les personnes âgées – ont beaucoup à recevoir et beaucoup à offrir.

56. Dans une Église synodale, la formation se doit d’être intégrale. En effet, elle va plus loin que la simple acquisition de connaissances ou compétences, pour cultiver la capacité de rencontre, de partage et de coopération, de discernement en commun. Cette approche intégrale doit donc interpeller toutes les dimensions de la personne : intellectuelle, affective et spirituelle. Loin d’être purement théorique, cette formation doit inclure des expériences concrètes adéquatement accompagnées. Elle doit inclure aussi le souci de la connaissance des cultures au sein desquelles les Églises vivent et agissent, et ceci doit inclure la réalité de la culture numérique, omniprésente aujourd’hui, en particulier chez les jeunes. A cet égard, les travaux du groupe d’étude 3 sont d’ailleurs consacrés à cette question de la culture numérique et à l’enjeu d’une formation adaptée dans ce domaine.

57. Enfin, on relève une insistance forte sur la nécessité d’une formation commune et partagée, c’est-à-dire une formation qui réunit ensemble hommes et femmes, laïcs, consacrés, ministres ordonnés et candidats au ministère ordonné. L’objectif est de favoriser la connaissance mutuelle et l’estime réciproque, ainsi que la capacité à collaborer. En même temps, une attention particulière doit être accordée à la promotion de la participation des femmes aux programmes de formation, aux côtés des séminaristes, des prêtres, des religieux et des laïcs. L’accès des femmes aux fonctions d’enseignement et de formation dans les facultés et instituts de théologie et dans les séminaires revêt aussi une importance cruciale. Il est par ailleurs suggère d’offrir aux évêques, aux prêtres et aux laïcs une formation spécifique sur les missions que les femmes peuvent déjà accomplir dans l’Église. Il faudrait aussi promouvoir une évaluation de l’utilisation effective de ces possibilités dans tous les domaines de la vie ecclésiale : paroisses, diocèses, associations de laïcs, mouvements ecclésiaux, communautés nouvelles, vie consacrée, institutions ecclésiastiques, jusqu’à la Curie romaine. Le groupe d’étude 4 se consacre au travail de révision du parcours de formation des candidats au ministère ordonné (Ratio Fundamentalis Institutionis Sacerdotalis) dans une perspective synodale et missionnaire. Une demande émanant de tous les continents concerne la formation à la prédication. Enfin, un besoin émergent se fait sentir d’une formation partagée, à la fois théorique et pratique, au discernement communautaire dans les différents contextes locaux.

Le discernement ecclésial pour la mission

 

58. Le Saint Esprit, qui suscite une grande variété de charismes, guide l’Église vers la plénitude de la vie et de la vérité divine (cf. Jn 10, 10 ; 16, 13). Par sa présence et son action continues, la « Tradition qui vient des Apôtres progresse dans l’Église, sous l’assistance du Saint-Esprit » (DV 8). Grâce à la conduite de l’Esprit, le Peuple de Dieu, en tant que participant à la fonction prophétique du Christ (cf. LG 12), « s’efforce de discerner dans les événements, les exigences et les requêtes de notre temps, auxquels il participe avec les autres hommes, quels sont les signes véritables de la présence ou du dessein de Dieu » (GS 11). Cette tâche ecclésiale de discernement s’enracine dans le sensus fidei, animé par l’Esprit Saint, qui peut être décrit comme ce « flair » ou cette capacité instinctive du peuple de Dieu, sous la conduite des pasteurs (cf. LG 12), à « discerner les nouvelles routes que le Seigneur ouvre à l’Église » (Pape François, Discours à l’occasion de la commémoration du 50e anniversaire de l’institution du Synode des évêques, 17 octobre 2015).

59. Le discernement engage ceux et celles qui y participent au niveau personnel et communautaire, en leur demandant de cultiver des dispositions de liberté intérieure, d’ouverture à la nouveauté et d’abandon confiant à la volonté de Dieu, nécessaires pour s’écouter les uns les autres dans le but d’entendre « ce que l’Esprit dit aux Églises » (Ap 2, 7). Marie, avec sa présence priante au cœur de la communauté apostolique au Cénacle (cf. Ac 1, 14), est pour tous un modèle vivant et un guide pour vivre une authentique spiritualité synodale marquée par : l’écoute persévérante et responsable de la Parole et la méditation discernante des événements (cf. Lc 1, 26-38 ; 2,19.51), l’ouverture généreuse à l’action de l’Esprit Saint (cf. Lc 1, 35), l’action de grâce partagée pour l’œuvre du Seigneur (cf. Lc 1, 39-56) et le service concret et ponctuel de chaque personne (cf. Jn 2, 1-12) que Jésus a confiée à ses soins maternels (cf. Jn 19, 25-27).

60. C’est précisément dans la mesure où il est demandé à chacun et chacune de partager son point de vue dans la perspective de la mission commune qu’un processus de discernement articule concrètement communion, mission et participation. En d’autres termes, c’est une manière de cheminer ensemble. C’est pourquoi il est crucial de promouvoir une large participation aux processus de discernement, en veillant tout particulièrement à l’implication des personnes qui se trouvent en marge de la communauté chrétienne et de la société.

61. L’écoute de la Parole de Dieu constitue le point de départ et le critère de référence de tout discernement ecclésial. Les Saintes Écritures représentent le témoignage par excellence de la communication de Dieu avec l’humanité. Elles témoignent que Dieu a parlé à son peuple et continue à lui parler, tout en donnant à voir les différents canaux par lesquels cette communication se réalise. Dieu nous parle à travers la méditation personnelle de l’Écriture, dans laquelle résonne ‘quelque chose’ du texte biblique sur lequel on prie. Dieu parle à la communauté dans la liturgie, lieu d’interprétation par excellence de ce que le Seigneur dit à son Église. Dieu parle également à travers son Église, qui est mère et maîtresse, par sa tradition vivante et ses pratiques, y compris celles de la piété populaire. Dieu continue à se manifester aussi à travers les événements qui se déroulent dans l’espace et le temps, à condition que nous sachions en discerner le sens. De plus, Dieu communique avec son peuple à travers les éléments du cosmos, dont l’existence même renvoie à l’action du Créateur car celui-ci est empreint de la présence de l’Esprit Saint « qui donne la vie ». Enfin, Dieu parle dans la conscience personnelle de chaque être humain, ce « centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre » (GS 16). Un discernement authentique ne saurait négliger aucun de ces canaux de communication divine.

62. Le discernement communautaire, loin d’être une simple technique organisationnelle, est une pratique exigeante qui façonne la vie et la mission de l’Église vécue avec le Christ et dans l’Esprit Saint. C’est pourquoi il doit toujours être réalisé avec la conscience et la volonté d’être rassemblés au nom du Seigneur Jésus (cf. Mt 18, 20), à l’écoute de la voix de l’Esprit Saint. Conformément à la promesse de Jésus, seul l’Esprit Saint peut guider l’Église vers la plénitude de la vérité (cf. Jn 16, 13) et de la vie, offrant ainsi une réponse à un monde en quête de sens. La méthode par laquelle le Peuple de Dieu vit son chemin de proclamation et de témoignage de l’Évangile trouve ici ses racines. Il est donc impératif d’apprendre à pratiquer à tous les niveaux cet art évangélique qui a permis à la communauté apostolique de Jérusalem de sceller l’aboutissement du premier événement synodal de l’histoire de l’Église par ces mots : « L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé » (Ac 15, 28). Dans cet esprit, la pratique de la vie synodale missionnaire de l’Église dans les lieux, les organismes et les événements concrets doit être recomposée et réorientée.

63. Les options procédurales concrètes, dans leur diversité, doivent être cohérentes avec les principes fondamentaux de la méthodologie théologique qui les sous-tend. A partir des enseignements acquis au cours du processus synodal, on peut identifier ces quelques éléments clés à prendre en compte dans l’élaboration de toute procédure de discernement : (a) une vie de prière personnelle et communautaire, comprenant la participation à l’Eucharistie ; (b) une préparation personnelle et communautaire adéquate, basée sur l’écoute de la Parole de Dieu et de la réalité ; (c) une écoute respectueuse et profonde de la parole de chacun ; (d) la recherche d’un consensus le plus large possible, qui ne se réduise pas à la recherche du plus petit dénominateur commun, mais se reçoit d’un débordement, qui passe par la reconnaissance de ce qui « fait brûler les cœurs » (cf. Lc 24, 32) ; e) la formulation par les responsables du processus du consensus ainsi élaboré suivie de sa restitution à tous les participants. Ceux-ci ont pour tâche de valider cette formulation ou de dire s’ils ne se sentent pas reconnus dans cette formulation.

64. Le discernement se fait toujours « les pieds dans la terre », c’est-à-dire qu’il nécessite une connaissance approfondie des complexités et particularités de ce contexte. Il gagne donc à s’enrichir des éclairages apportés par les apports des différentes sciences humaines, sociales et administratives pertinentes pour la question traitée. Cependant, ce n’est pas à l’expertise technique et scientifique d’avoir le dernier mot – ce qui serait tomber dans une dérive technocratique – mais celle-ci peut utilement « donner une base concrète au parcours éthique et spirituel qui suit » (LS 15). Il est crucial d’intégrer cette contribution indispensable, sans pour autant lui accorder une prépondérance excessive par rapport aux autres perspectives.

65. Il existe dans l’Église une riche diversité d’approches et de méthodologies pour le discernement. Cette variété est un atout : moyennant des adaptations appropriées aux différents contextes, toutes ces approches peuvent s’avérer fructueuses. Dans l’intérêt du bien commun, il est important qu’elles puissent cordialement dialoguer entre elles, en préservant leurs spécificités sans pour autant figer leurs identités. La fécondité de la conversation dans l’Esprit, manifeste à toutes les étapes du processus synodal, nous invite à considérer cette forme particulière de discernement ecclésial comme réellement adaptée à l’exercice de la synodalité.

66. Au sein des Églises locales, il est fondamental d’offrir des opportunités de formation qui diffusent et nourrissent une culture du discernement, en particulier pour ceux et celles qui occupent des postes de responsabilité. Tout aussi cruciale est la formation des accompagnateurs ou des facilitateurs, dont la contribution s’avère souvent déterminante dans la mise en œuvre des processus de discernement. Le travail du groupe d’étude 9, consacré à la préparation de critères théologiques et de méthodologies synodales pour le discernement partagé de questions doctrinales, pastorales et éthiques controversées, s’inscrit également dans cette démarche.

L’articulation des processus décisionnels

 

67. « Dans l’Église synodale, la communauté tout entière, dans la libre et riche diversité de ses membres, est convoquée pour prier, écouter, analyser, dialoguer, discerner et conseiller afin de prendre des décisions pastorales plus conformes à la volonté de Dieu » (CTI 68). Cette déclaration nécessite une mise en œuvre concrète. La participation de tous aux processus de décision apparaît comme le moyen le plus efficace de promouvoir une Église véritablement synodale. Cette participation s’appuie sur une responsabilité différenciée qui permet à la fois de respecter chaque membre de la communauté et valoriser ses compétences et ses dons propres en vue d’une prise de décision partagée.

68. Pour faciliter cette mise en œuvre, il convient de réfléchir sur l’articulation des processus décisionnels. Ceux-ci comportent habituellement deux phases : une phase d’élaboration de la décision à prendre (decision-making selon la terminologie anglaise également utilisée dans d’autres langues). Celle-ci se déroule à travers le « moyen d’un travail commun de discernement, consultation et coopération » (CTI 69), qui informe et soutient la deuxième phase de prise de décision ultérieure (decision-taking), relevant de l’autorité compétente (par exemple, dans un diocèse ou une éparchie, l’évêque). Ces deux phases ne s’opposent pas mais s’articulent pour contribuer à ce que les décisions prises soient le plus possible conformes à la volonté de Dieu : « L’élaboration est une tâche synodale; la décision est une responsabilité ministérielle » (ibid.).

69. Dans de nombreux cas, le droit en vigueur prescrit déjà que l’autorité est tenu de procéder à une consultation avant de prendre une décision. Cette consultation ecclésiale va bien au-delà de la simple écoute, elle engage l’autorité à ne pas agir comme si cette consultation n’avait pas eu lieu. Bien que l’autorité reste libre au point de vue juridique, puisque l’avis consultatif n’est pas contraignant, elle ne devrait s’en écarter sans raison convaincante (sine praevalenti ratione ; CIC, can. 127, §2, 2°). Agir autrement risquerait d’isoler l’autorité du groupe des personnes consultées, compromettant ainsi le lien qui les unit. Dans l’Église, l’exercice de l’autorité ne consiste pas à imposer une volonté personnelle arbitraire, mais, à exercer un ministère au service de l’unité du peuple de Dieu, en facilitant la recherche commune de ce que l’Esprit demande.

70. Dans une Église synodale, la compétence décisionnelle de l’évêque, du Collège des évêques et du Pontife romain est inaliénable, car elle est enracinée dans la structure hiérarchique de l’Église établie par le Christ. Cependant, elle n’est pas inconditionnelle : une orientation émergeant du processus consultatif, fruit d’un discernement approprié, en particulier si elle émane des organes participatifs de l’Église locale, ne peut être ignorée. L’objectif du discernement ecclésial synodal n’est ni de soumettre les évêques à la voix du Peuple, ni de légitimer des décisions préétablies, mais de parvenir à une décision partagée par l’obéissance à l’Esprit Saint. Ainsi, l’opposition entre consultation et délibération s’avère inadéquate : dans l’Église, la délibération doit impliquer l’aide de tous, sans pour autant retirer à l’autorité pastorale sa responsabilité décisionnelle. par conséquent la formule récurrente du CIC, qui parle d’un « vote uniquement consultatif » (tantum consultivum), sous-estime la valeur de la consultation et devrait être modifiée.

71. Il incombe aux Églises locales de mettre en œuvre des processus décisionnels authentiquement synodaux, adaptés aux spécificités des différents contextes. Cette tâche est cruciale et urgente, car le succès de la mise en œuvre du Synode en dépend largement. Sans changements concrets, la vision d’une Église synodale ne sera pas crédible et cela détournera les membres du Peuple de Dieu qui ont puisé force et espérance dans le cheminement synodal. Cela s’applique particulièrement à l’enjeu de la participation effective des femmes aux processus de rédaction et de décision, comme le demandent de nombreuses contributions des conférences épiscopales.

72. Enfin, c’est essentiel de garantir que les participants aux processus de consultation, de discernement communautaire ou de prise de décision synodale aient un accès réel à toutes les informations pertinentes pour qu’ils soient en mesure de formuler une opinion éclairée. Il revient à l’autorité qui initie le processus la responsabilité d’assurer cette information transparente. Des processus décisionnels synodaux véritables requièrent un niveau approprié de transparence. De même, il est bon de rappeler la délicatesse de la tâche et la responsabilité particulière de ceux et celles qui expriment leur opinion lors d’une consultation.

Transparence, rendre compte et évaluation

 

73. Une Église synodale nécessite une culture et une pratique de la transparence et de l’accountability (terme anglais également utilisé dans d’autres langues que l’on peut traduire en français par rendre compte ou redevabilité), essentielles pour favoriser la confiance mutuelle nécessaire au marcher ensemble et à l’exercice de la coresponsabilité au service de la mission commune. Dans l’Église, l’exercice de l’accountability ne répond pas prioritairement à des besoins sociaux et organisationnels, mais trouve son fondement dans la nature même de l’Église en tant que mystère de communion.

74. Le Nouveau Testament offre des exemples de pratiques de l’accountability dans l’Église primitive, liées précisément à la préservation de la communion. Les Actes des Apôtres au chapitre 11 en fournissent une illustration : lorsque Pierre revient à Jérusalem après avoir baptisé Corneille, un païen, les fidèles circoncis le questionnent ainsi : « Tu es entré chez des hommes qui ne sont pas circoncis, et tu as mangé avec eux ! » (Ac 11, 2-3). Pierre répond en expliquant les raisons de ses actes. Rendre compte de son ministère à la communauté appartient à la tradition la plus ancienne, remontant à l’Église apostolique. La théologie chrétienne du service (stewardship) offre un cadre d’interprétation pour comprendre l’exercice de l’autorité et situer la réflexion sur la transparence et la redevabilité.

75. De nos jours, la demande de transparence et d’accountability au sein et de la part de l’Église découle de la perte de crédibilité due aux scandales financiers et surtout aux abus sexuels et autres abus perpétrés sur des mineurs et des personnes vulnérables. Le manque de transparence et d’obligation de rendre des comptes alimente le cléricalisme, reposant sur l’hypothèse implicite que les ministres ordonnés ne sont redevables à personne dans l’exercice de l’autorité qui leur est conférée.

76. Pour que l’Église synodale soit véritablement accueillante, l’accountability et la transparence doivent être au cœur de son action à tous les niveaux et pas uniquement au niveau de l’autorité. Néanmoins, les personnes en position d’autorité portent une plus grande responsabilité à cet égard. La transparence et l’accountability ne se limitent pas au domaine des abus sexuels et malversations financières. Elles doivent également concerner les plans pastoraux, les méthodes d’évangélisation et la manière dont l’Église respecte la dignité de la personne humaine, par exemple en ce qui concerne les conditions de travail au sein de ses institutions.

77. Si la pratique de la redevabilité envers les supérieurs a été préservée au cours des siècles, la dimension du rendre compte envers la communauté de la part de l’autorité doit être retrouvée. La transparence doit être une caractéristique de l’exercice de l’autorité dans l’Église. Aujourd’hui, des structures et des formes d’évaluation régulière de l’exercice des responsabilités ministérielles de toute nature s’avèrent nécessaires. L’évaluation, comprise dans un sens non moraliste, permet aux ministres d’effectuer des ajustements opportuns, et favorise leur développement et leur capacité à rendre un meilleur service.

78. Outre le respect des normes canoniques existantes concernant les critères et les mécanismes de contrôle, il incombe aux Églises locales et surtout à leurs regroupements (conférences épiscopales et structures hiérarchiques orientales) d’élaborer des formes et des procédures efficaces de transparence et de rendre-compte. Ces dernières doivent être adaptées selon les contextes, en tenant compte du cadre réglementaire civil, des attentes de la société et de l’expertise disponible dans ce domaine. Toutefois, même lorsque les ressources sont limitées, l’Église s’efforcera de faire évoluer son travail et sa mentalité collective vers davantage de transparence et une culture de l’accountability.

79. En particulier, sous des formes adaptées aux différents contextes, il paraît nécessaire de garantir au minimum : (a) un fonctionnement effectif des Conseils pour les affaires économiques ; (b) l’implication réelle du Peuple de Dieu, en particulier des membres les plus compétents, dans la planification pastorale et économique ; (c) la préparation et la publication (accessibilité effective) d’un bilan financier annuel, autant que possible certifié par des auditeurs externes, afin de rendre transparente la gestion des biens et des ressources financières de l’Église et de ses institutions ; (d) un rapport annuel sur l’accomplissement de la mission, incluant une illustration des initiatives entreprises dans le domaine de la protection des mineurs et des personnes vulnérables, ainsi que de la promotion de l’accès des femmes aux postes d’autorité et de leur participation aux processus décisionnels ; (e) des procédures d’évaluation périodique de la réalisation de la mission de tous ceux et celles qui exercent un ministère et une responsabilité dans l’Église telle qu’elle soit. Il s’agit là encore d’un point d’importance cruciale et urgente pour la crédibilité du processus synodal et sa mise en œuvre effective.

Partie III.lieux

La vie synodale missionnaire de l’Église, les relations dont elle est tissée et les chemins qui assurent son développement ne peuvent jamais faire abstraction de la concrétude d’un « lieu », c’est-à-dire d’un contexte et d’une culture spécifiques. Cette partie III nous invite à dépasser une vision statique des lieux, qui les ordonnerait par niveaux ou degrés successifs (paroisse, doyenné, diocèse ou éparchie, province ecclésiastique, conférence épiscopale ou structure hiérarchique orientale, Église universelle) selon un modèle pyramidal. En réalité, il n’en a jamais été ainsi : le réseau de relations et d’échanges de dons entre les Églises a toujours revêtu une forme réticulaire plutôt que linéaire. Cette interconnexion s’inscrit, dans le lien de l’unité dont le Pontife romain est le principe et le fondement perpétuel et visible. De plus, la catholicité de l’Église ne s’est jamais confondue avec un universalisme abstrait. En outre, dans le contexte actuel d’une conception de l’espace en rapide évolution, confiner l’action de l’Église dans des limites purement spatiales risquerait de l’enfermer dans un immobilisme fatal et une répétitivité pastorale préoccupante. Une telle approche serait incapable d’interpeller la partie la plus dynamique de la population, en particulier les jeunes. Au contraire, les lieux doivent être envisagés dans une perspective d’intériorité réciproque, qui se concrétise également dans les rapports entre les Églises et dans leurs regroupements dotés d’une unité de sens. Le service de l’unité qui incombe à l’évêque de Rome et au Collège des évêques en communion avec lui doit également prendre en compte cette nouvelle configuration, en élaborant les formes institutionnelles appropriées pour son exercice.

Des territoires pour marcher ensemble

 

80. « À l’Église de Dieu qui est à Corinthe… » (1 Co 1, 2). L’annonce de l’Évangile, en éveillant la foi dans le cœur des hommes et des femmes, provoque l’établissement d’une Église dans un lieu. L’Église ne peut se comprendre ni sans son enracinement dans un lieu et une culture, ni sans les relations qui s’établissent entre les lieux et les cultures. Souligner l’importance du lieu ne signifie pas céder au particularisme ou au relativisme, mais valoriser le concret dans lequel prend forme, dans l’espace et dans le temps, une expérience partagée d’adhésion à la manifestation du Dieu qui sauve. La dimension du lieu préserve la riche diversité des expressions de la foi de parleur enracinement dans des contextes culturels et historiques spécifiques. Cette pluralité se manifeste de manière éclatante dans la variété des traditions liturgiques, théologiques, spirituelles et disciplinaires, démontrant ainsi comment elle enrichit l’Église et en rehausse la beauté. C’est précisément la communion des Églises, chacune avec sa réalité locale propre, qui manifeste la communion des fidèles au sein de l’unique Église, l’empêchant ainsi de sombrer dans un universalisme abstrait et homogénéisant.

81. L’expérience du pluralisme des cultures et la fécondité de la rencontre et du dialogue entre elles sont des conditions de la vitalité de l’Église, et non une menace pour sa catholicité. Le message du salut reste unique : « Comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance, de même il y a un seul Corps et un seul Esprit. Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, au-dessus de tous, par tous, et en tous » (Eph 4, 4-6). Ce message est pluriel et s’exprime dans la diversité des peuples, des cultures, des traditions et des langues. Prendre au sérieux cette pluralité de formes permet d’éviter les prétentions hégémoniques et le risque de réduire le message de Salut à une interprétation monolithique de la vie ecclésiale, des pratiques liturgiques, pastorales ou morales. Au sein d’une Église synodale, un réseau dynamique de relations se tisse, rendu visible par l’échange mutuel de dons entre les Églises. Cette interconnexion, garantie par l’unité du Collège épiscopal sous la direction de l’évêque de Rome, agit comme le gardien vigilant d’une unité qui ne peut jamais dire uniformité.

82. L’expérience de l’enracinement territorial doit aujourd’hui se confronter à des conditions socioculturelles qui la modifient profondément. Le concept de lieu ne peut plus être appréhendé uniquement en termes purement géographiques et spatiaux ; il évoque désormais l’appartenance à un réseau de relations et à une culture dont l’ancrage territorial est plus dynamique et flexible qu’auparavant. Cette évolution ne peut manquer de remettre en question les formes d’organisation de l’Église qui se sont structurées sur la base d’une conception alors différente du lieu, et exige l’adoption de critères différenciés, mais non contradictoires, pour incarner l’unique vérité dans la vie des personnes.

83. L’urbanisation figure parmi les principaux facteurs de ce changement: aujourd’hui, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la majorité de la population mondiale vit dans des contextes urbains plutôt que ruraux. Dès lors, l’appartenance territoriale se configure différemment dans un contexte urbain, les frontières entre les zones devenant plus manifestement conventionnelles. Dans les grandes mégapoles, il suffit de quelques stations de métro pour franchir non seulement les limites d’une paroisse, mais aussi d’un diocèse : un trajet que de nombreuses personnes peuvent effectuer plusieurs fois par jour. Ainsi, leur vie quotidienne se déroule au sein de différents lieux ecclésiaux.

84. Un second facteur crucial est celui de l’augmentation de la mobilité humaine dans un monde désormais globalisé, motivés par différentes raisons. Les réfugiés et les migrants forment souvent des communautés dynamiques, y compris dans leur pratique religieuse, rendant ainsi le lieu où ils s’installent pluriculturel. En parallèle, ils maintiennent, notamment grâce aux médias numériques, des liens étroits avec leur pays d’origine. Ils font ainsi l’expérience d’une pluri-appartenance géographique, culturelle et linguistique. Les communautés d’origine connaissent, quant à elles, une réduction de leurs effectifs, parfois jusqu’à la disparition, et, d’autre part, une expansion de leur tissu relationnel à l’échelle mondiale. Comme cela a été évoqué lors de la première session, la situation de certaines Églises catholiques orientales est emblématique de ce phénomène : compte-tenu des taux de migration actuels, leurs membres en diaspora pourraient bientôt surpasser en nombre ceux qui sont restés vivre dans les territoires canoniques (cf. RdS 6c). Il deviendra de plus en plus anachronique de définir leur cadre d’action en termes purement géographiques. Le groupe d’étude 1 est appelé à réfléchir sur les défis que cette nouvelle réalité pose dans les relations de ces Églises Sui Iuris avec l’Église latine.

85. Enfin, nous ne pouvons pas ignorer la diffusion de la culture de l’environnement numérique, particulièrement marquée chez les jeunes. Elle exerce une influence profonde sur leur perception de l’espace et du temps, ainsi que sur la manière de vivre toutes leurs activités quotidiennes, les communications et les relations interpersonnelles, et même la foi. Ce n’est pas un hasard si la première session a souligné que « la culture numérique n’est donc pas tant un lieu spécifique de la mission qu’une dimension capitale du témoignage de l’Église dans la culture contemporaine » (RdS 17b). Le travail du groupe d’étude 3 est consacré spécifiquement à ce défi.

86. Ces évolutions sociétales et culturelles exigent de l’Église de repenser le sens de sa dimension locale, en vue de mieux servir sa mission. Tout en reconnaissant l’ancrage indéniable de la vie dans des contextes physiques et dans des cultures concrètes, il est impératif de dépasser une interprétation purement spatiale du concept de lieu : les lieux pour la vie de l’Église ne sont pas seulement des espaces, mais aussi des sphères et des réseaux propices au développement des relations, à même d’offrir aux personnes un enracinement et une base pour leur mission, partout où leur vie se déroule. La conversion synodale des esprits et des cœurs doit s’accompagner d’une réforme synodale des lieux ecclésiaux, appelés à être des routes sur lesquelles marcher ensemble. Il ne s’agit pas d’enfermer l’action pastorale dans des appartenances électives, mais de permettre la rencontre avec chaque homme et chaque femme.

87. Cette réforme doit se baser sur une conception de l’Église comme Peuple saint de Dieu, articulée dans la communion des Églises (communio Ecclesiarum). L’expérience a démontré que le lancement du processus synodal au niveau des Églises locales, loin de compromettre l’unité de toute l’Église, exprime la variété et l’universalité du Peuple de Dieu (cf. LG 22). De plus, ce processus ne nuit pas à l’exercice du ministère d’unité de l’évêque de Rome, mais au contraire le renforce. Il est essentiel de repenser l’Église à partir de ses institutions, mais en orientant celles-ci, y compris les plus importantes, vers une logique du service missionnaire.

88. Le Concile, reconnaissant le rôle de l’évêque de Rome comme principe visible d’unité de toute l’Église et de chaque évêque comme principe visible d’unité dans son Église particulière, a affirmé que l’Église, corps mystique du Christ, est aussi un corps d’Églises, dans lequel et à partir duquel existe la seule et unique Église catholique (cf. LG 23). Ce corps s’articule en trois niveaux : a) les Églises individuelles portions du Peuple de Dieu, confiées chacune à un évêque ; b) les groupements d’Églises, où les instances de communion sont principalement représentées par les organismes hiérarchiques ; c) l’Église entière (Ecclesia tota) en tant que communion d’Églises s’exprime par le Collège des Évêques uni à l’Évêque de Rome dans la communion épiscopale (cum Petro) et hiérarchique (sub Petro). La réforme des institutions ecclésiales doit nécessairement suivre cette articulation ordonnée de l’Église.

Les Églises locales dans l’Église catholique une et unique

 

89. L’Église locale, par sa nature même, est le lieu privilégié où nous pouvons faire l’expérience la plus immédiate de la vie missionnaire synodale de toute l’Église. Les contributions des conférences épiscopales parlent des paroisses et des petites communautés de base comme des espaces de communion et de participation à la mission. Les curés réunis à Sacrofano ont affirmé, « les membres des paroisses sont et deviennent des disciples missionnaires de Jésus rassemblés en son nom pour la prière et le culte, le service et le témoignage dans les moments de joie et de peine, d’espérance et de lutte ». Dieu est à l’œuvre dans ces réalités ecclésiales. Néanmoins, il reste à exploiter plus pleinement la grande flexibilité de la paroisse, conçue comme une communauté de communautés, au service de la créativité missionnaire.

90. Aujourd’hui, les Églises locales englobent aussi diverses réalités associatives et communautaires qui peuvent être à la fois des expressions anciennes ou nouvelles de la vie chrétienne. En particulier, les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique, mais aussi les associations de laïcs, les mouvements ecclésiaux et les communautés nouvelles enrichissent considérablement la vie des Églises locales et leur vitalité missionnaire. L’appartenance ecclésiale prend aujourd’hui des formes de plus en plus variées, dépassant une base définie uniquement géographiquement pour s’étendre à des liens de type associatif. Il convient d’encourager cette diversité de type d’appartenance tout en maintenant toujours la perspective missionnaire et un discernement ecclésial attentif aux appels adressés par le Seigneur dans chaque contexte particulier. L’animation de cette variété multiple et le soin des liens d’unité relèvent de la compétence spécifique de l’évêque diocésain ou éparchial. Le groupe d’étude 6 a été mandaté pour approfondir ces aspects.

91. Tout au long des phases précédentes du processus synodal, y compris lors de la consultation pour la rédaction de cet Instrumentum laboris, de nombreuses contributions reçues ont souligné l’importance des divers conseils (paroissiaux, doyenné, diocésains ou éparchiaux) comme étant des instruments essentiels pour la planification, l’organisation, l’exécution et l’évaluation des activités pastorales. Il est jugé nécessaire de les renforcer. En effet, ces structures déjà prévues par le droit en vigueur pourraient, moyennant des adaptations appropriées, permettre de concrétiser davantage certains aspects du style synodal. Elles ont le potentiel de devenir des instances de discernement ecclésial et de processus de décision synodale, des lieux de pratique de l’accountability et de l’évaluation des personnes en position d’autorité. Ces dernières devront à leur tour rendre compte de l’exercice de leurs fonctions. Ce domaine apparait donc comme l’un des plus prometteurs pour une mise en œuvre rapide des orientations synodales, conduisant à des changements concrets rapidement perceptibles.

92. Pour aller dans ce sens, de nombreuses contributions soulignent la nécessité de revoir le profil et le mode de fonctionnement de ces organismes. Un aspect crucial concerne le mode de désignation des membres, qui doit viser à refléter fidèlement la composition de la communauté de référence (paroisse ou diocèse/éparchie), afin de contribuer de manière crédible à la promotion d’une culture de la transparence et de l’accountability. Il est préconisé que la majorité des membres ne soit pas nommée par l’autorité (évêque ou curé), mais soit choisie d’une autre manière permettant de représenter la réalité de la communauté ou de l’Église locale.

93. Une attention égale doit être portée à la composition de ces organismes, pour favoriser une plus grande participation des femmes, des jeunes et des personnes marginalisées ou en situation de pauvreté. La Première Session a souligné l’importance d’inclure dans ces organismes des laïcs, hommes et des femmes qui témoignent de la foi dans les réalités ordinaires de la vie quotidiennes au cœurs des dynamiques de la société, et dotés d’un esprit apostolique et missionnaire reconnu (cf. RdS 18d), et pas uniquement des personnes impliquées dans l’organisation interne de la communauté chrétienne. De cette manière, le discernement ecclésial dans ces organismes sera enrichi car il bénéficiera d’une plus grande ouverture, d’une meilleure capacité d’analyse de la réalité et d’une pluralité de perspectives. De nombreuses contributions recommandent également de rendre obligatoires les Conseils actuellement facultatifs selon le droit en vigueur.

94. Certaines conférences épiscopales partagent également des expériences de réforme et de bonnes pratiques déjà en place, telles que la création de réseaux de Conseils pastoraux allant des communautés de base aux paroisses et doyennés, jusqu’au Conseil pastoral diocésain. Comme modèle de consultation et d’écoute, il est proposé de tenir des assemblées ecclésiales à tous les niveaux, en cherchant à ne pas limiter la consultation à l’Église catholique, en intégrant également la contribution des autres Églises et Communautés ecclésiales, et des autres religions présentes sur le territoire et dans la société, avec lesquelles la communauté chrétienne chemine.

Les liens qui façonnent l’unité de l’Église

95. L’échange des dons dans une perspective communautaire, explicité dans la première partie, guide les relations entre les Églises. Ce principe conjugue l’accent mis sur les liens forgeant l’unité ecclésiale avec la reconnaissance des particularités propres à chaque Église locale, façonnée par son contexte, son histoire et sa tradition. L’adoption d’un style synodal permet de reconnaître que, en chaque domaine, toutes les Églises n’ont pas nécessairement à avancer au même rythme. Au contraire, ces différences de rythme peuvent être valorisées comme l’expression même d’une diversité légitime et une opportunité d’enrichissement mutuel par l’échange de dons. Pour concrétiser cette vision, il est essentiel d’incarner celle-ci dans des structures et des pratiques tangibles. Répondre à la question « Comment être une Église synodale en mission ? », nécessite d’identifier et de promouvoir ces éléments concrets.

96. Les structures hiérarchiques orientales et les conférences épiscopales sont un instrument fondamental pour la création de liens et le partage d’expériences entre les Églises. Elles sont également essentielles pour la décentralisation de la gouvernance et la planification pastorale. « Le Concile Vatican II a affirmé que, à l’instar des anciennes Églises patriarcales, les conférences épiscopales peuvent « contribuer de façons multiples et fécondes à ce que le sentiment collégial se réalise concrètement » (LG 23). Cependant, cette aspiration ne s’est pas pleinement réalisée, parce que comme le souligne le Pape François « On n’a pas encore été suffisamment explicité un statut des conférences épiscopales qui les conçoive comme sujet d’attributions concrètes, y compris une certaine autorité doctrinale authentique » (EG 32). Chercher les chemins pour devenir une Église synodale en mission exige d’aborder cette question.

97. Sur la base de ce qui est apparu au cours du processus synodal, il est proposé de : (a) reconnaître les conférences épiscopales comme des entités ecclésiales dotés d’une autorité doctrinale, une manière d’assumer la diversité socioculturelle au sein d’une Église multiforme qui valorise les expressions liturgiques, disciplinaires, théologiques et spirituelles adaptées aux différents contextes socioculturels ; (b) entreprendre une évaluation de l’expérience vécue concernant le fonctionnement des conférences épiscopales et des structures hiérarchiques orientales, les relations entre les épiscopats et les relations avec le Saint-Siège, afin d’identifier les réformes concrètes à mettre en œuvre ; les visites ad limina, qui font partie du travail du groupe d’étude 7, pourraient être propices à cette évaluation du fonctionnement actuel des conférences épiscopales et des structures hiérarchiques orientales ; (c) veiller à ce que tous les diocèses ou éparchies soient rattachés à une Province ecclésiastique et à une conférence épiscopale ou à une structure hiérarchique orientale (cf. CD 40).

98. L’expérience des Assemblées continentales a marqué une nouveauté dans le processus synodal actuel, concrétisant davantage l’orientation conciliaire de prendre au sérieux la spécificité de « chaque grand territoire socioculturel » en vue d’« une plus profonde adaptation dans toute l’étendue de la vie chrétienne » (AG 22). Cette expérience, ainsi que l’évolution des Églises dans certaines régions, soulève la question de l’articulation entre dynamisme synodal et collégial à travers des expressions institutionnelles adaptées, comme par exemple des assemblées ecclésiales et des conférences épiscopales auxquelles peuvent être confiées des tâches coordonnées d’élaboration et de prise de décision au niveau continental ou régional. On peut également envisager la mise en œuvre de méthodes de discernement impliquant une diversité d’acteurs ecclésiaux dans les processus de rédaction des documents et de prise de décision. De plus, il est proposé que le discernement puisse également inclure, sous des formes adaptées à la diversité des contextes, des espaces d’écoute et de dialogue avec les institutions civiles, les représentants d’autres religions, les organisations non catholiques et la société dans son ensemble.

99. Le désir de voir le dialogue synodal local ne pas s’arrêter, mais se poursuive dans le temps, conjugué à la nécessité d’une inculturation effective de la foi dans des zones territoriales significatives, conduit à une revalorisation de l’institution des Conciles particuliers, provinciaux et pléniers. Leurs célébration périodique a été une obligation pendant une grande partie de l’histoire de l’Église. S’appuyant sur l’expérience du chemin synodal, on peut envisager des formes articulant une assemblée composée uniquement d’évêques et une assemblée ecclésiale incluant également d’autres fidèles (prêtres, diacres, consacrés, laïcs), délégués par les conseils pastoraux des diocèses ou des éparchies concernées, ou désignés autrement, pour refléter la diversité de l’Église dans la région. Dans cette optique, la procédure de recognitio des conclusions des Conseils particuliers devrait être réformée, afin de favoriser leur publication en temps opportun.

Le service à l’unité de l’évêque de Rome

 

100. Répondre à la question « Comment être une Église synodale en mission ? » demande aussi un réexamen de la manière d’articuler synodalité, collégialité et primauté, afin de nourrir les relations institutionnelles par lesquelles elle s’exprime concrètement.

101. Le processus synodal a confirmé la validité de l’affirmation conciliaire selon laquelle « il existe légitimement, au sein de la communion de l’Église, des Églises particulières jouissant de leurs traditions propres – sans préjudice du primat de la Chaire de Pierre qui préside à l’assemblée universelle de la charité, garantit les légitimes diversités et veille à ce que, loin de porter préjudice à l’unité, les particularités, au contraire, lui soient profitables » (LG 13). En vertu de cette fonction, l’évêque de Rome, en tant que principe visible de l’unité de toute l’Église (cf. LG 23), est le garant de la synodalité. Il lui incombe d’appeler toute l’Église à l’action synodale, en convoquant, en présidant et en entérinant les résultats des synodes des évêques ; tout en veillant à ce que l’Église grandisse dans un style et une forme synodale.

102. La réflexion sur les modalités d’exercice du ministère pétrinien doit également être menée dans la perspective d’une « décentralisation salutaire » (EG 16), préconisée par le Pape François et demandée par de nombreuses conférences épiscopales. Selon la Constitution apostolique Praedicate Evangelium, cela implique de « laisser à la compétence des pasteurs la faculté de résoudre, dans l’exercice de leur propre fonction d’enseignement et de pasteurs, les questions qu’ils connaissent bien et qui ne touchent pas l’unité de doctrine, de discipline et de communion de l’Église, en agissant toujours avec cette coresponsabilité qui est fruit et expression de ce mysterium communionis spécifique qu’est l’Église » (EP II, 2).

103. Dans cette optique, on pourrait s’inspirer du récent Motu Proprio Competentias quasdam decernere (15 février 2022), qui attribue « des compétences, qui concernent des dispositions du code visant à garantir l’unité de la discipline de l’Église universelle, au pouvoir exécutif des Églises et des institutions ecclésiastiques locales » sur la base de la « dynamique de communion ecclésiale » (préambule).

104. Par ailleurs, l’élaboration de la norme canonique peut aussi intégrer le style synodal. L’action normative ne se limite pas à l’exercice d’un pouvoir reconnu à l’autorité, mais doit être considérée comme un véritable discernement ecclésial. Même si l’autorité détient seule les prérogatives pour légiférer, elle peut et doit adopter une méthode synodale, afin de promulguer des normes qui soient le fruit d’une écoute, dans l’Esprit, d’une requête de justice.

105. La constitution apostolique Praedicate Evangelium a reconfiguré le service de la Curie romaine auprès de l’Évêque de Rome et du Collège des Évêques dans une perspective synodal et missionnaire. Dans un souci de transparence et d’accountability, il serait judicieux d’envisager des modes d’évaluation périodique de son travail, confiées à un organisme indépendant (tel que le Conseil des cardinaux et/ou un conseil d’évêques élus par le Synode). Le groupe d’étude 8 se penche sur le rôle des Représentants pontificaux dans cette perspective missionnaire synodale et sur les modalités d’évaluation de leur travail.

106. L’Assemblée d’octobre 2023 a souligné la nécessité d’évaluer les fruits de la première session (cf. RdS 20j), en tenant compte de l’évolution apportée par la Constitution apostolique Episcopalis communio, qui transforme le Synode d’un événement ponctuel en un processus ecclésial continu. Le Synode des évêques a un rôle particulier à jouer parmi les lieux de pratique de la synodalité et de la collégialité au niveau de toute l’Église. Institué par Saint Paul VI comme une assemblée d’évêques convoquée pour participer, par le biais de son conseil, à la sollicitude du Pontife romain pour toute l’Église, il est désormais, en prenant la forme d’un processus qui se déroule par étapes, le creuset où se forge et s’encourage à relation dynamique entre synodalité, collégialité et primauté. Le peuple saint de Dieu dans son ensemble, les évêques responsables de ses différentes parties et l’évêque de Rome comme principe d’unité de l’Église, participent pleinement au processus synodal, chacun selon sa fonction propre. Cette participation est rendue manifeste par l’Assemblée synodale réunie autour de l’Évêque de Rome, reflétant dans sa composition, la diversité et l’universalité de l’Église en tant que « sacrement de l’unité, c’est-à-dire le peuple saint réuni et organisé sous l’autorité des évêques » (SC 26).

107. L’un des fruits les plus significatifs du Synode 2021-2024 est l’intensité de son élan et de sa promesse œcuménique. Il peut être pertinent d’aborder sous cet angle la question de l’exercice du ministère pétrinien, afin qu’il s’adapte « à une situation nouvelle » (UUS 95). Le récent document du Dicastère pour la promotion de l’unité des chrétiens, intitulé L’évêque de Rome. Primauté et synodalité dans les dialogues œcuméniques et les réponses à l’encyclique « Ut unum sint », offre des pistes de réflexion précieuses. Cette thématique est celle du groupe d’étude 10, consacré à l’accueil des fruits du cheminement œcuménique dans les pratiques ecclésiales.

108. La richesse apportée représentée par la participation des délégués fraternels venant d’autres Églises et Communautés ecclésiales à la première session, nous incite à porter une attention croissante aux pratiques synodales de nos partenaires œcuméniques, tant en Orient qu’en Occident. Le dialogue œcuménique est fondamental pour approfondir notre compréhension de la synodalité et de l’unité de l’Église. Il nous pousse à imaginer des pratiques synodales authentiquement œcuméniques, allant jusqu’à des formes de consultation et de discernement sur des questions d’intérêt commun et urgent. Cette possibilité repose fondamentalement sur notre unité donnée par un unique baptême, d’où découle l’identité du peuple de Dieu et le dynamisme de la communion, de la participation et de la mission.

Conclusion. l’Église synodale dans le monde

109. Dans ce monde tout est lié et marqué par un désir inextinguible de l’autre. Tout en lui est appel à la relation et témoignage du refus de l’autosuffisance. Le monde entier, contemplé avec un regard éduqué par la Révélation chrétienne, est le signe sacramentel d’une présence transcendante qui l’anime et le guide vers la rencontre de Dieu. Cette rencontre avec Dieu trouvera son accomplissement définitif dans la convivialité des différences, laquelle trouvera sa pleine réalisation dans le banquet eschatologique préparé par Dieu sur sa montagne.

110. Transformée par l’annonce de la Résurrection, l’Église aspire à incarner la vision d’Isaïe, et ainsi devenir « une forteresse pour le faible, forteresse pour le malheureux en sa détresse, un abri contre l’orage, une ombre contre la chaleur » (Is 25,4). C’est ainsi qu’elle ouvre son cœur au Royaume. Lorsque les membres de l’Église se laissent guider par l’Esprit du Seigneur vers des horizons inexplorés, ils éprouvent une joie incommensurable. Cette transformation continue du style ecclésial, dans sa beauté, son humilité et sa simplicité, est la conversion permanente à laquelle nous invite le processus synodal.

111. L’encyclique Fratelli tutti nous exhorte à nous reconnaître comme sœurs et frères dans le Christ ressuscité, en proposant cela non pas comme un statut figé, mais comme un mode de vie dynamique. L’encyclique met en lumière le contraste entre l’époque dans laquelle nous vivons et la vision de la convivialité préparée par Dieu. Les voiles, les obscurités et les larmes de notre temps sont le résultat de l’isolement croissant des uns et des autres, de la violence exacerbée, de la polarisation croissante de la société, et de la rupture avec les sources de la vie. Cet Instrumentum laboris nous interpelle sur notre façon d’être une Église synodale missionnaire, de nous engager dans une écoute et un dialogue profonds, de vivre la coresponsabilité à la lumière du dynamisme de notre vocation baptismale, tant personnelle que communautaire, de transformer les structures et les processus pour permettre à tous de participer et partager les charismes que l’Esprit répand sur chacun pour le bien commun, et à exercer le pouvoir et l’autorité comme un service. Chacun de ces aspects constitue un service rendu à l’Église et, par son action, une opportunité de guérir les blessures les plus profondes de notre temps.

112. Le prophète Isaïe conclut son oracle par un hymne de louange à reprendre en chœur : « Voici notre Dieu, en lui nous espérions, et il nous a sauvés ; c’est lui le Seigneur, en lui nous espérions ; exultons, réjouissons-nous : il nous a sauvés ! » (Is 25, 9). En tant que Peuple de Dieu, unissons nos voix à cette louange. Pèlerins de l’espérance, continuons à avancer sur le chemin synodal vers ceux qui attendent encore l’annonce de la Bonne Nouvelle du salut !

Notes

[1] Sauf indication contraire ou lorsqu’il ressort clairement du contexte que ce n’est pas le cas, dans le texte de l’Instrumentum laboris, le terme « Église » indique « l’Église Catholique une et unique » (LG 23), tandis que le pluriel « Églises » indique les Églises locales dans lesquelles et à partir desquelles elle existe.

[2] Ici, comme ci-dessous, les citations des conférences épiscopales et de leurs regroupements continentaux proviennent des synthèses envoyées au Secrétariat général du Synode à l’issue de la consultation des Églises locales qui s’est déroulée entre la fin de l’année 2023 et la première moitié de l’année 2024.

[3] Diffusé par le Secrétariat général du Synode le 11 décembre 2023 et disponible sur www.synod.va

[4] À cet égard, veuillez-vous référer au document Comment être l’Église synodale en mission ? Cinq perspectives à approfondir théologiquement en vue de la deuxième session de la XVIe Assemblée générale. Ordinaire du Synode des évêques, publié par le Secrétariat général du Synode le 14 mars 2024 et disponible à l’adresse www.synod.va

[5] À cet égard, veuillez vous référer au document Groupes d’étude sur les questions apparues lors de la première session de la XVIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, à approfondir en collaboration avec les Dicastères de la Curie romaine. Schéma de travail, également diffusé le 14 mars 2024 et disponible à l’adresse www.synod.va

[6] Les thèmes qui ressortent du Rapport de synthèse de la première session et qui ont été confiés aux dix groupes d’étude sont les suivants :

1. Quelques aspects des relations entre les Églises orientales catholiques et l’Église latine (RdS 6).

2. L’écoute du cri des pauvres (RdS 4 et 16).

3. La mission dans l’environnement numérique (RdS 17).

4. La révision de la Ratio Fundamentalis Institutionis Sacerdotalis dans une perspective synodale missionnaire (RdS 11).

5. Quelques questions théologiques et canoniques autour de certaines formes spécifiques de ministère (RdS 8 et 9).

6. La révision, dans une perspective synodale et missionnaire, des documents qui règlent les relations entre les évêques, les religieux et les agrégations ecclésiales (RdS 10).

7. Certains aspects de la figure et du ministère de l’Évêque (en particulier : les critères de sélection des candidats à l’épiscopat, la fonction judiciaire de l’évêque, la nature et le déroulement des visites ad limina Apostolorum) dans une perspective synodale et missionnaire (RdS 12 et 13).

8. Le rôle des Représentants pontificaux dans une perspective missionnaire synodale (RdS 13).

9. Critères théologiques et méthodologies synodales pour un discernement partagé des questions doctrinales, pastorales et éthiques controversées (RdS 15).

10. La réception des fruits du cheminement œcuménique dans le Peuple de Dieu (RdS 7).

[7] Dans les traditions des Églises orientales et occidentales, le terme « synode » désigne des institutions et des événements qui ont pris différentes formes au fil du temps, impliquant une pluralité de sujets. Dans leur diversité, toutes ces formes sont unies par le fait de se réunir pour dialoguer, discerner et décider.

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