Homélie dimanche des Rameaux – 5 avril

DIMANCHE DE LA PASSION DE CHRIST

            Nous sommes entrés dans la Semaine Sainte. Nous avons proclamé l’évangile de la Passion. Nous l’avons reçu dans toute sa simplicité ; dans toute sa force. Entre le Cénacle et le Calvaire, un appel se fait entendre, qui oriente cette semaine de conversion : «Veillez et priez afin de ne pas tomber au pouvoir de la tentation ; l’esprit est plein d’ardeur, mais la chair est faible». Jésus s’adressait à ses compagnons accablés de fatigue et de tristesse ; mais nous pouvons aisément nous reconnaître en eux.

            La Passion de Jésus-Christ n’est pas un événement du passé ; c’est un drame toujours actuel ; et les premiers acteurs en sont encore vivants : ils revivent en chacun de nous :

* Il y a d’abord la foule, influençable et versatile, qui accueille aujourd’hui Jésus avec des cris de joie aux portes de la Ville pour le faire Roi, et qui Vendredi prochain réclamera sa mort hors des portes de la Ville.

* Il y a des apôtres qui pensent que Jésus va “prendre le pouvoir”, leur donner un poste dans son gouvernement ; ce sont eux qui vont sommeiller pendant l’agonie et s’enfuir pendant le supplice.

* Il y a Judas, “celui qui devait le trahir”, figure inquiète et inquiétante, patron de tous ceux qui n’aiment pas.

* Il y a Ponce Pilate le haut fonctionnaire qui ne veut pas d’histoire, plus lâche que méchant.

* Il y a Caïphe le grand-prêtre politicien qui malgré ses tares conserve le charisme prophétique attaché à sa fonction et déclare dans un oracle –dont il ne saisit pas lui-même la portée- qu’ “il est bon qu’un seul homme meure pour la multitude”.

* Il y a Simon le Cyrénéen, un brave homme qui, à la fin d’une matinée de travail, est réquisitionné pour porter la croix du Christ, ne pensant pas que par cette heure supplémentaire, il aidait Dieu dans sa rédemption du monde.

* Il y a Joseph d’Arimathie, un notable qui ne veut pas se compromettre, mais qui viendra pour la sépulture.

* Il y a, enfin, Pierre, tendre et faible, fidèle et lâche, qui suit de loin pour voir comment tout cela va finir.

            Ces différents acteurs définissent les diverses attitudes possibles à l’égard de Jésus :

* Chrétiens tièdes qui suivent de loin, prêts à lâcher au moindre incident.

* Fonctionnaires chrétiens qui tiennent à leur situation plus qu’à la Vérité.

* Militants chrétiens -de droite ou de gauche- engagés dans l’Eglise comme en un mouvement social ou un parti politique et non pas comme le Corps mystique de Jésus.

* Non-chrétiens qui, sans le savoir, aident Jésus à porter sa croix.

            En face à ses personnages, il y a Jésus toujours vivant :

* Tous les hommes trahis par leur entourage, reniés par leurs amis, victimes de la société.

* Tous les hommes affamés, assoiffés, auxquels on refuse le morceau de pain, le bol de riz ou le verre d’eau qui le sauverait.

* Tous les hommes qui souffrent de froid et manquent de vêtements, tous les hommes sans toit qui n’ont pas où reposer leur tête.

* Tous les hommes qui tombent sous leur croix et que personne ne relève.

* Tous les étrangers qu’on refuse d’accueillir ; tous les malades et tous les prisonniers que personne ne visite.

* Tous les hommes rejetés, condamnés, suppliciés, tous ceux qui dans leur solitude peuvent dire avec Jésus : “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-Tu abandonné ?

            Notre attitude à leur égard doit être celle que nous aurions à l’égard du Christ Lui-même, puisque Christ vit en eux.

            «Veillez et priez afin de ne pas tomber au pouvoir de la tentation. L’esprit est plein d’ardeur, mais la chair est faible». L’avertissement de Jésus appelle la réponse de notre prière la plus ardente ; il fait renaître, dans un élan renouvelé, notre désir d’être avec Jésus et de demeurer avec Lui ; Il ravive notre volonté de partager la fidélité de la Vierge Marie et des saintes femmes, signe et réalité de la fidélité de l’Église-Épouse au pied de la Croix.

            «Veillez et priez», demande le Seigneur alors qu’il s’enfonce dans une solitude qui est sa souffrance la plus profonde en son Agonie et sa Passion. Ce cœur si doux et si humble est abandonné de tous. À la Croix, le péché des hommes atteint son sommet : «l’amour n’est pas aimé !».

            La Passion n’est donc pas achevée. Le Procès à Jésus est en cours. Avec les paroles de Blaise Pascal : “Jésus agonise jusqu’à la fin du monde ; il ne faut pas dormir pendant ce temps-là”.