« Chers évêques, il est temps de prendre soin de vos prêtres »
Jean-Étienne Rime, coordinateur de la Fraternité missionnaire des cités, s’adresse, dans ce texte envoyé à La Croix, aux évêques. Trois ans et demi après une étude sur la santé des prêtres commandée par l’épiscopat à l’Union Saint-Martin, il regrette qu’elle n’ait pas été prise en compte.
- Jean-Étienne Rime, le 15/04/2024
Une étude publiée fin 2020 faisait un constat alarmant sur la santé mentale des prêtres. Trois ans et demi plus tard, rien ne semble avoir changé, selon Jean-Étienne Rime
En 2020, l’Union Saint-Martin avait réalisé et publié à la demande de la Conférence des évêques de France une étude sur la santé des prêtres. Les constats étaient alarmants : isolement et détresse psychologique, surpoids, usage de l’alcool, dépression pouvant aller jusqu’au suicide. Qu’est-ce que l’Église de France en a fait ? Trois ans et demi plus tard, rien ne semble avoir changé.
Les maux psychologiques semblent pourtant s’être amplifiés. Les suites de la Ciase ont jeté un discrédit ou un doute de la société sur les prêtres, pas toujours à l’aise alors qu’ils jouent un rôle essentiel et irréprochable dans leurs paroisses. Les décisions ou l’absence de décisions de la hiérarchie de l’Église sont dans de nombreux cas obscures et aléatoires.
S’informer avec calme, recul et confiance est plus que jamais nécessaire
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En cette période de changement de paroisse, combien de prêtres sont dans l’attente, dans l’incertitude ? Comment sont-ils nommés, pourquoi, quelle est leur mission, comment seront-ils épaulés ? Autre question : quel est leur risque de mise en cause sociétale ? Ces questions ont des réponses dans le monde civil : dans les entreprises et les administrations, le DRH joue pleinement son rôle et la RSE a amplifié cette fonction pour assurer le bien-être du collaborateur dans sa fonction. Qui sont les DRH de l’Église ? Quel management, quel sens, quelle écoute… ?
Responsabiliser les laïcs
Mais au-delà du constat, l’Église nous permet aujourd’hui de proposer des solutions, puisqu’elle a choisi de s’ouvrir avec le Synode sur la synodalité. Ce dernier offre des pistes qui responsabilisent les laïcs, sans pour autant enlever le rôle hiérarchique des évêques. Voici trois pistes concrètes et simples à mettre en œuvre. Elles ne sont pas exclusives d’autres avancées importantes.
D’abord, il faudrait cesser de prendre le prêtre comme un surhomme. Et c’est donc aux laïcs de recevoir le prêtre comme un ami. Il a besoin d’amis, de vrais foyers dans lesquels il peut être accueilli, parler de tout et pas uniquement « boutique », prendre un repas familial sans que l’on mette les petits plats dans les grands. Un prêtre me confiait lire son bréviaire chaque jour, seul, et qu’il en déprimait. Paradoxalement, ils peuvent recevoir de si nombreuses sollicitations qu’ils n’ont plus le temps de s’occuper d’eux, de prendre des vacances, de se détendre, de partager des loisirs. Un temps libre est essentiel pour tous et d’autant plus que la vie est stressante, y compris pour les prêtres.
La seconde piste serait de leur donner des missions claires, en fonction de leurs attentes et de leurs compétences. Certes, ils ont promis obéissance, certes, on les consulte et ils peuvent exprimer leurs souhaits, mais combien de prêtres attendent une nomination qui descend, non du ciel mais de l’évêché, sans explication, sans correspondre à une fiche de poste ? En ce temps de Pâques, nous rencontrons des prêtres dans l’incertitude, d’autres dans une certaine sidération, « pourquoi m’a-t-on nommé ici ou là ? qu’attend-on de moi ? »…
Ce qui se fait de bien ailleurs
Oui, l’expression fiche de poste appartient au langage d’entreprise, mais pourquoi ne pas regarder ce qui se fait de bien ailleurs pour gérer les équipes ? On ne peut pas nommer des prêtres sans que leur mission soit claire, partagée et encadrée. « Nous le faisions déjà » ou « on n’a pas de leçons à prendre des laïcs » entend-on souvent. Bien sûr, et heureusement, il existe de bonnes pratiques. Mais sait-on vraiment ce que le prêtre pense et ressent lors d’une nomination et est-ce que le soutien de professionnels RH ne serait pas utile ?
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Enfin, le problème est certainement médical. Combien de prêtres sont atteints de maladies graves ou sont morts pour n’avoir pas su – ou pas voulu – se faire soigner de façon sérieuse et suivie ? Nous pourrions trouver dans chaque diocèse quelques médecins qui accepteraient de se mettre à la disposition du clergé pour des visites régulières de tout le presbyterium, donner des conseils d’hygiène de vie, détecter les faiblesses au plus tôt, accompagner lors des maladies.
Soyez concrets, chers évêques, et prenez des décisions. Osez vous appuyer sur des professionnels : DRH, médecins, psys, consultants en management. Osez la transparence et le dialogue. Vous avez conscience que votre réservoir de prêtres diminue inexorablement et que vous devez optimiser vos ressources humaines. Faites-le dans les normes de notre siècle, avec le respect et l’écoute indispensables, avec charité et partage, avec une ouverture nouvelle pour le bien-être de tous !